Il faut apprendre à intéresser les TRE !
IL FAUT APPRENDRE À
Le dernier rapport du Fonds monétaire international concernant les transferts de migrants dans le monde classe la Tunisie en 8ème position dans la région MENA. Le pays a reçu en 2017, pas moins de 1,9 million de dollars des Tunisiens résidents à l’étranger (TRE). Une masse importante, représentant ainsi la quatrième source d’entrée de devises pour la Tunisie. L’on comprend davantage la nécessité d’une stratégie d’attraction et de mobilisation de la diaspora. C’est dans le cadre de ses projets mettant au centre de son attention la question de la diaspora, que la CONECT a organisé fin novembre Diafrikinvest, un Business Forum, en partenariat avec ANIMA Investment Network, ACIM, la GIZ et Expertise France. Le forum a réuni de hauts responsables et des acteurs économiques locaux et des pays partenaires, en présence notamment de Zied Laâdhari, ministre de l’investissement et de la Coopération internationale. Focus.
Zied Laâdhari, a annoncé que les TRE sont aujourd’hui au nombre de 1,3 million, soit un peu plus du dixième de la population tunisienne. Il est d’avis que la diaspora est “habitée par le désir et l’ambition de servir son pays. Il ont la fibre entrepreneuriale et patriotique”
Pendant ce temps- là, les TRE ne font pas encore partie des priorités…
Évoquant le poids financier de cette diaspora, le ministre a également présenté que le montant des transferts en devises des TRE a atteint près de 5% du PIB. “Mais jusquelà, nous n’avons pas réellement défini de stratégies définissant comment les TRE peuvent participer à l’effort d’investissement, et cela avec quels mécanismes juridiques et d’accompagnement. Les efforts doivent être ciblés vers cette population et l’accompagnement doit prendre en compte les spécificités des TRE, d’un pays à l’autre”, insiste le responsable. A noter que les études démontrent que ces fonds sont principalement dédiés à la consommation courante et à l’épargne. En clair, aucune stratégie n’a vu le jour jusqu’à présent. Pour Samir Bouzidi, fondateur de la startup Diaspora Invest (Alloble-
di), il faut déjà changer les modèles de représentation: la diaspora, ce n’est pas seulement un transfert de devises, mais aussi de compétences et d’expertises. Pour l’expert international en mobilisation des diasporas, il n y a pas de secret, il faudrait commencer par mettre en place une stratégie de mobilisation des TRE: “la Diaspora va être attirée par un écosystème comprenant la volonté politique, la collaboration de l’administration, une réglementation incitative. C’est tout un système. Et actuellement, il n’y a pas d’adhésion politique, pas de budget tunisien.”
Il faut conquérir l’au- delà de l’affect !
En clair, ça ne se passera pas sans un marketing qui valorise le site Tunisie, sans une communication ciblée et un profilage des TRE. En effet, il n'existe pas une, mais des diasporas ! L’ensemble des acteurs de la place se rejoignent sur deux faits ou plus précisément deux principales failles : le manque de communication et d’identification. La communication doit être ciblée. Il faut, de ce fait, customiser les informations véhiculées et mettre en place une stratégie de marketing territorial. Actuellement la diaspora est à 60% de la deuxième et troisième génération a informé Samir Bouzidi: “il faut aller les chercher par du marketing, améliorer la composante financement. Les médias également ont un rôle crucial pour véhiculer l’information.” Les TRE ne sont pas tous des entrepreneurs, certains peuvent seulement chercher à investir dans des fonds” explique l’expert.
En attendant l’etat…
La Tunisie n’en est pas moins dénuée d’initiatives. Une multitude d’acteurs locaux oeuvrent à mobiliser la diaspora pour dynamiser l’investissement productif. Citons le projet Lemma et Lemmainvest mis en oeuvre par Expertise France pour soutenir l’entrepreneuriat des TRE ainsi que L’ATUGE qui mène des actions ciblées en France et au Royaume-uni. L’OIM, à travers son mandat, détient un portefeuille de projets en ligne avec les défis de la Tunisie en matière de diaspora. Wassila Dridi, chef de projet de L’OIM migration et développement a également précisé qu’une cartographie des TRE est actuellement en cours, précisant que la volonté de la diaspora ne se résume pas seulement en des transferts en devise, “il y a une volonté de s’impliquer en compétences via des formations par exemple” explique la responsable. Partant d’un constat d’une forte demande émanant des travaux de terrain, ANIMA, par le biais de son programme européen Diafrikinvest lancera une plateforme, au profit de la diaspora tunisienne, qui rassemblera l’ensemble des informations utiles pour un TRE désireux d’investir en Tunisie. Cette plateforme, qui verra le jour d’ici 2019, concentrera en un même lieu les données relatives aux institutions, aux mécanismes de financement et aux procédures réglementaires et législatives pour tous les secteurs d’activité. Elle guidera l’investisseur dans toutes les étapes de son investissement explique Léonard Lévêque, chef de projet ANIMA. Le projet LECAP accompagne 15 entrepreneurs locaux par des TRE et des chefs d’entreprises, la clé étant de faire bénéficier les entrepreneurs des réseaux d’affaires des TRE. Un bémol: toutes ces initiatives restent fortement dépendantes des budgets. Elles sont donc limitées dans le temps, contrairement à d’autres pays tels que le Maroc qui a récemment lancé la 13ème région. Cette initiative constitue une plateforme d'échange entre les Marocains entrepreneurs du monde (MEM) et ceux qui opèrent au Maroc visant à encourager les chefs d’entreprises marocains résidant à l’international à investir dans leur pays d’origine et faciliter, grâce à eux, le développement des échanges économiques entre le Royaume et l’étranger. La Côte d’ivoire a recouru à des fonds souverains pour mobiliser sa diaspora. Quelques bribes d’efforts semblent s'enclencher. Ghali Manoubi, directeur du pôle des politiques des investissements et des réformes au sein de l’instance tunisienne de l’investissement explique que les primes et les incitations à l’adresse des TRE sont assez généreuses. Selon lui, là n’est pas le problème ! Toutefois, il n’y a pas d’harmonisation entre les lois explique-t-il. Pour l’expert, la solution renvoie à l’enjeu de la digitalisation des services administratifs. D’où, selon lui, le lancement prochain d’une plateforme pour faciliter les services aux investisseurs désireux de lancer des projets en Tunisie, avec de nombreuses fonctionnalités. Affaire à suivre...