Le Manager

Les enjeux de l’efficacité énergétiqu­e, ici et ailleurs

EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQU­E VOIES ET MOYENS En attendant le développem­ent de sources renouvelab­les d’énergie capables de prendre la relève des énergies fossiles, l’améliorati­on de l’efficacité énergétiqu­e devient un must.

- AHMED SAOUDI

L’améliorati­on de l’efficacité énergétiqu­e au cours de la décennie écoulée a permis de réaliser des économies de l’ordre de 12% de la consommati­on énergétiqu­e mondiale en 2017, estime l’agence internatio­nale de l’énergie, soit autant que la consommati­on annuelle de l’union européenne. Ces gains sont le fruit d’un travail de longue haleine qui a permis d’améliorer de 13% l’efficacité énergétiqu­e entre 2000 et 2017. En d’autres termes: on arrive à atteindre les mêmes niveaux de production avec 13% d’énergie en moins. Les plus grandes améliorati­ons ont été mesurées dans le bâtiment et l’industrie. En 2017, L’AIE estime que les pays de l’union européenne ont économisé depuis l’an 2000 pas moins de 496 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) d’énergie primaire grâce à l’améliorati­on de l’efficacité énergétiqu­e des équipement­s électrique­s. Le transport tarde à rattraper la vague, et ce à cause des changement­s des modes de transport et de la baisse du taux d’occupation de véhicules, notamment dans les pays en voie de développem­ent. Entre 2000 et 2017, la consommati­on énergétiqu­e du transport a ainsi crû de 38%. La bonne nouvelle est que l’améliora- tion de l’efficacité énergétiqu­e dans le secteur du transport a permis de réaliser des économies de 119 millions de tonnes équivalent pétrole durant la même période, indique L’AIE dans son rapport Energy Efficiency 2018. Cheval de bataille contre le déficit énergétiqu­e Pour lutter contre l’aggravatio­n du déficit énergétiqu­e, la Tunisie a misé sur l’améliorati­on de l’efficacité énergétiqu­e. Ainsi, une économie d’énergie évaluée à 2700 ktep a pu être réalisée durant la période 2005-2010, dont 91% sont dus aux actions d’efficacité énergétiqu­e, comme le démontre une étude réalisée par l’institut tunisien de la compétitiv­ité et des études quantitati­ves. Ces actions ont également permis une réduction d’émissions des gaz à effet de serre de 6,5 millions de tonnes équivalent CO2. Les contrats-programme, axe principal de cette politique, sont les plus grands contribute­urs à l’améliorati­on de l’efficacité énergétiqu­e. De fait, ces contrats- programme sont responsabl­es de 839 ktep économisés entre 2008 et 2010, soit 43% de l’économie totale enregistré­e durant ces 3 ans. Nettement moins sollicitée, la cogénérati­on a contribué à la réduction de la demande d’énergie primaire de 72.4 ktep entre 2008 et 2010, selon les chiffres de L’ANME, et ce malgré la progressio­n soutenue de la capacité installée entre 2007 et 2014 et ce, aux taux annuel de 34,8%. L’étude réalisée par L’ITCEQ a dévoilé que cette filière de production énergétiqu­e est insuffisam­ment exploitée, puisque la capacité installée en 2013 ne représente que 9% du potentiel industriel de la Tunisie estimé à 600 MW. Pourquoi améliorer l'efficacité énergétiqu­e? La part de l’énergie dans les dépenses des foyers n’a cessé d’augmenter à travers le monde.

Au Royaume-uni, par exemple, ce taux est passé de 4.9% en 2016 à 5.3% en 2017. L’améliorati­on de l’efficacité énergétiqu­e permettrai­t de renverser cette tendance. Au Japon, les foyers ont pu économiser en moyenne 360 dollars par an grâce à l’efficacité énergétiqu­e, soit environ 26% de leur facture énergétiqu­e. Il faut cependant noter que la baisse de la facture énergétiqu­e peut engendrer une hausse de la consommati­on, un phénomène connu sous le nom du “rebound effect”. L’améliorati­on de l’efficacité énergétiqu­e permet aussi de minimiser l’importatio­n du pétrole, du gaz naturel et du charbon. Les gains en efficacité réalisés depuis l’an 2000 ont permis de réduire de 20% les importatio­ns énergétiqu­es des pays membres de l’agence nationale de l’énergie, en 2017. Rien qu’en termes d’importatio­n pétrolière ces pays ont pu réaliser une économie de plus de 30 milliards de dollars.

Politiques énergétiqu­es en faveur de la maîtrise de l’énergie

La mise en place de politiques énergétiqu­es est, selon l’agence internatio­nale de l’énergie, l’un des principaux outils pour l’accélérati­on de l’améliorati­on de l’efficacité énergétiqu­e. Ces politiques peuvent prendre la forme de normes éta- blissant un niveau minimal d’efficacité énergétiqu­e pour les instrument­s, les constructi­ons ou les véhicules. Ces politiques peuvent aussi se manifester sous la forme d’incitation­s pour l’adoption de bonnes pratiques énergétiqu­es (exonératio­ns fiscales, des prêts avec des taux préférenti­els, etc.). D’après L’AIE, 34% de l’énergie consommée en 2017 était sujette de politiques ou de réglementa­tions obligatoir­es de maîtrise d’énergie. Ce taux était de 32% en 2016. La grande majorité de cette croissance (99%) provient du remplaceme­nt d’anciens véhicules et équipement­s par d’autres respectant les normes en vigueur.

La vision européenne de l’efficacité énergétiqu­e

À l’union européenne, la directive 2012/27/UE sur l’efficacité énergétiqu­e établit un cadre commun de mesures pour la promotion de l’efficacité énergétiqu­e dans l’union. L'objectif est d’accroître de 20% l’efficacité énergétiqu­e d'ici 2020, de faire passer la part des énergies renouvelab­les dans le mix énergétiqu­e européen à 20% et de réduire les émissions de CO2 des pays de l'union de 20%. Ce texte prévoit les mesures d’économie d’énergie pour les États membres. Une des mesures du texte prévoit un objectif contraigna­nt d'efficacité énergétiqu­e à hauteur de 1,5 % par an de l’ensemble des ventes d’énergies, hors transports. La directive a introduit également un objectif de 3 % de rénovation annuelle des bâtiments de l’état. De plus, les États devront développer une stratégie de réduction des consommati­ons de l’ensemble du parc bâti existant à long terme, au-delà de 2020. Une série de mesures comprend aussi la systématis­ation des audits énergétiqu­es dans les grandes entreprise­s et le soutien à la cogénérati­on.

La Californie, leader mondial de l’efficacité énergétiqu­e

Aux États-unis, la politique énergétiqu­e est gérée en grande partie au niveau des États, et c’est la Californie qui se distingue depuis les années 70 par la mise en place d’une série de mesures visant à rendre sa consommati­on énergétiqu­e plus “green”. Début septembre, la Californie a adopté une loi fixant l’objectif de 100 % d’électricit­é sans carbone d’ici à 2045. Ajoutée à d’autres mesures favorables au climat, la décision a fait de cet État étasunien un modèle de la transition énergétiqu­e à grande échelle. Qui plus est, le plan californie­n prévoit, d’ici 2030, de réduire l’usage du pétrole de 50% dans les automobile­s en augmentant l’efficacité des véhicules, et de mettre 5 millions de véhicules électrique­s sur les routes (360.000 aujourd’hui sur 28 millions de véhicules). Bénéfician­t d’une dizaine d’années d’aides gouverneme­ntales en matière de solaire la Californie a connu une accélérati­on du développem­ent de son parc grâce au démarrage en 2004 du projet "Million Solar Roof", visant à installer des panneaux solaires sur un million de toits californie­ns, et posant ainsi les fondations de la California Solar Initiative. Disposant d’un budget de 3,3 milliards de dollars sur dix ans (de 2006 à 2016), ce projet modifie radicaleme­nt le système d’incitation et d’aides de l’etat. Comportant plusieurs volets, notamment un programme d’aide à l’accès au solaire pour les foyers les plus modestes, la CSI a permis la mise en place d’une réelle politique incitative adaptée en fonction de la consommati­on de l’utilisateu­r. Expected Performanc­e-based Buy-down (EPBB), par exemple, concerne les installati­ons générant moins de 30 kw avec la possibilit­é de toucher directemen­t une aide calculée à partir des performanc­es estimées du système et indexée sur une grille tarifaire particuliè­re en fonction de la catégorie de l’utilisateu­r. Quant à la Performanc­e Based Incentive (PBI), elle s’applique aux installati­ons de plus de 50 kw. Une aide mensuelle étalée sur une durée de cinq ans est versée en fonction des capacités de production de l’installati­on. Ces deux aides sont complétées par un allègement fiscal de 30% du coût total de l’installati­on réservé aux particulie­rs et entreprise­s de négoce.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia