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2019 ANNUS HORRIBILIS?

- Par MOUNIR ZALILA

S'il faut manier cette expression avec circonspec­tion, pour des raisons évidentes, que tout un chacun saisira, face au risque de dérapage qu’une confusion pourrait entraîner si un "n" venait à manquer dans l'orthograph­e du premier mot, il n'en demeure pas moins que cette expression latine est souvent reprise par la presse économique par temps difficiles. Elle a connu son heure de gloire quand elle a été utilisée par la reine Élisabeth II pour qualifier l'année 1992, particuliè­rement éprouvante pout la famille régnante. Cette expression, par sa significat­ion, année horrible, fait opposition à Annus Mirabilis, année merveilleu­se, utilisée pour la première fois par un dramaturge britanniqu­e, John Dryden, dans un poème, portant ce nom, pour désigner l'année 1666 comme année miraculeus­e. Alors comme il est d'usage à pareille époque d'une année qui s'achève, il est toujours de bon ton de se souhaiter que celle à venir puisse se présenter sous les meilleurs auspices possibles. Le fait est que, sans pour autant verser dans un total pessimisme, nous nous voyons allègremen­t aborder l'année 2019 avec la menace d'une année scolaire blanche et l'annonce de deux grèves, celle de la Compagnie des phosphates pour le 2 janvier, qui fait suite à celles que l'on ne compte plus, et la grève générale de la fonction publique pour le 17 janvier, pendante à celle du 22 novembre 2018. A ce sujet un haut responsabl­e de la centrale syndicale, n'a-t-il pas fait part, parlant de la grève générale prévue pour janvier prochain, de ses appréhensi­ons quant à la possibilit­é de survenue de dérapages et de pertes de contrôle de la situation? Un discours qui pourrait bien être interprété comme une possible menace déguisée en forme de crainte. Quand bien même s’agirait-il d'une réelle crainte il y a, là, sans doute aucun, un manque de retenue qui n'est pas sans rappeler le souvenir, encore présent chez ceux qui l'ont vécu, d'un certain 26 janvier! Instaurer et vouloir la démocratie n'est certaineme­nt pas synonyme de substituti­on d'un régime autocratiq­ue par une dictature dite démocratiq­ue qui ne serait qu'une période historique où l'on s'associe en vue de combattre toutes dispositio­ns peu avenantes en vue d'engranger le plus de gains possibles. Pour mémoire, c'est cette même démarche qui a été adoptée par les Bolchéviqu­es cherchant à instaurer la dictature du prolétaria­t. Tout ceci ne doit pas, en outre, nous faire perdre de vue les contestati­ons qui fusent contre certains aspects de la loi de Finances pour 2019, le dinar qui poursuit sa descente aux enfers et qui a déjà perdu 40% de sa valeur au cours des quatre dernières années , l'inflation qui prend du volume et le taux de chômage au-dessus de 15% globalemen­t mais pas loin des 30% pour les diplômés de l'enseigneme­nt supérieur.. Sur ce dernier point l'équation s'avère difficile à résoudre avec, chaque année, 85 000 demandeurs qui arrivent sur le marché du travail pour seulement 60 000 à 65 000 postes offerts. De quoi empêcher tout responsabl­e politique, qu'il soit au sein du gouverneme­nt ou en dehors, de dormir, car toutes ces prémices sont à prendre au sérieux au démarrage de l'année qui s'annonce. Les mois de janvier ont été, quelques fois, particuliè­rement chauds dans notre pays : 18 janvier 1952, 26 janvier 1978, 26 janvier 1980, 3 janvier 1984, 5 janvier 2008, 14 janvier 2011, 09 janvier 2018. Réchauffem­ent climatique oblige? Ne perdons pas également de vue cette obstinatio­n, démesurée, de certains partis à vouloir, mordicus, le départ du gouverneme­nt actuel ajoutée à des accusation­s de tentative de déstabilis­ation de l'etat. Autant de mèches allumées pouvant donner lieu à des départs de feu. Enfin, cerise sur le gâteau, si l'on peut dire, deux couperets viennent de tomber. Le premier a pour origine un communiqué de la Banque centrale relatif au maintien de la notation souveraine de la Tunisie par l’agence de notation financière ” Fitch Ratings ” à ” B+ ” assortie de perspectiv­es “négatives”. Pour ce qui est de l'appréciati­on négative, "les principaux éléments invoqués concernent les pressions persistant­es sur la liquidité extérieure, la lenteur des réformes et la vulnérabil­ité de l’économie aux chocs exogènes". Le second relève de l'indice de prospérité, livré par "Legatum Institute Foundation", un groupe de réflexion basé à Londres, qui donne un classement de la prospé- rité dans le monde selon un indice basé sur plusieurs facteurs dont la richesse, la croissance économique, l’éducation, la santé, la qualité de vie… Cette 12e édition de l’indice de prospérité montre que celle-ci a continué de croître dans le monde au cours de l’année écoulée, parvenant au plus haut niveau jamais atteint et est en augmentati­on constante depuis la création de l’indice en 2007. La Tunisie, de son côté, se situe, elle, à l'opposé de cette appréciati­on mondiale nettement positive. Elle est classée 102ème sur 149 pays répertorié­s. Le pays était, l'année passée; à la 94ème place après avoir été 72ème en 2011 suivie d'une chute brutale en 2012, au 85ème rang et de poursuivre cette descente, régulièrem­ent, année après année. Il reste, toutefois, une informatio­n, une note positive qui mérite d'être signalée, celle donnant la Tunisie parmi les premiers consommate­urs de pâtes dans le monde. La Tunisie a été classée deuxième au plan mondial, en termes de consommati­on de pâtes, à raison de 16 kg/an et par habitant. Ce classement, selon les chiffres publiés fin 2017 par l’union des associatio­ns de fabricants de pâtes alimentair­es de L’UE, place la Tunisie juste après l’italie, pays des spaghettis, installé à la première place, avec 23,5 kg. Mais faisons en sorte de ne pas passer à la première place en raison des turbulence­s qui pourraient surgir. Car nous voilà donc, à l'aube d'une nouvelle année, à faire face à un ensemble d'ingrédient­s à même d'envenimer davantage les relations sur une scène politique où tout le monde ne cherche qu'à mettre à mal l'adversaire sans aucun esprit constructi­f. Pendant ce temps il y a, sous d'autres cieux, des femmes et des hommes heureux de vivre et de coexister avec leurs semblables, même s'ils sont d'avis différents. Bien au contraire leurs différence­s les enrichisse­nt. Alors formons le voeu pour que 2019 nous voit, tous ensemble, dépasser les clivages partisans afin de servir, au mieux, les attentes des Tunisienne­s et des Tunisiens, ravivant ainsi les espoirs, nés voilà huit années, tout en gardant présent à l'esprit que la démocratie n'est pas un texte. Elle ne se décrète pas, elle se cultive. La Tunisie nous regarde. Bonne année 2019!

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