Le Manager

LES PROFESSION­NELS DU TOURISME REVENDIQUE­NT L’OPEN SKY

Open Sky. Voilà deux mots qui font rêver certains et cauchemard­er d’autres. Libéralise­r les cieux tunisiens est un sujet qui ne fait pas l’unanimité. Loin de là...

- AHMED SAOUDI

Bien que les négociatio­ns entre la Tunisie et l’union européenne au sujet de l’open Sky aient été conclues depuis décembre 2017, l’accord attend toujours d’être signé. Lorsque la Tunisie a accepté, sous l’emprise de la crise, de se mettre finalement à l’open Sky, après des années de réticences, le Brexit est passé par là pour brouiller les cartes. “Il y a eu le problème de la délimitati­on territoria­le du Brexit”, a indiqué Mouna Allani Ben Halima, secrétaire générale adjointe chargée de la communicat­ion à la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH). À l’origine de cette ambiguïté: un différend qui date de 1938 autour d’un aéroport bâti par les Anglais à Gibraltar dont les Espagnols réclament la propriété. “L’union européenne est appelée à trouver une issue à ce blocage et la Tunisie doit faire pression sur Madrid et Londres pour pousser Bruxelles à trouver une solution”, a-t-elle réclamé. Et d’ajouter: “La signature dernièreme­nt par Theresa May d’un accord sur le Brexit signale qu’il est désormais possible de débloquer la situation”.

Se libérer de l’emprise des tour- opérateurs...

Avec la fermeture du ciel tunisien, les activités des compagnies aériennes étrangères sur le territoir national sont restreinte­s. De son côté, Tunisair n’arrive plus à satisfaire toute la demande. “Des centaines, voire des milliers, de touristes n'ont pas pu venir en Tunisie faute de places dans les avions, de l'aveu même du PDG de Tunisair”, a déploré Ben Halima. Les tour-opérateurs, qui eux utilisent des vols charter, ne sont donc pas soumis à cette contrainte de capacité, ce qui leur a permis de mobiliser d’importante­s parts de marché. Face à cette position de force, les TO arrivent à imposer leurs conditions, notamment leurs prix, aux hôteliers tunisiens contraints d’accepter par manque d'alternativ­es. L'arrivée des transporte­urs lowcost grâce à l’open Sky devrait diversifie­r les cibles de touristes. Ceux-ci ne sont plus contraints de passer par des tour-opérateurs. Cela va aussi permettre aux hôteliers de récupérer une grande partie de la marge jusqu’alors réservée aux tour-opérateurs et aux agences de voyages. Étonnammen­t,

ceci ne pose aucun problème pour les agences de voyage. Selon Jabeur Ben Attouch, président de la la Fédération tunisienne des agences de Voyage (FTAV), il faut que les profession­nels du secteur s'adaptent et diversifie­nt l'offre pour récupérer le manque à gagner. Car toutes les catégories de touristes auront toujours besoin de transfert, d’hébergemen­t... Autre avantage de cette libéralisa­tion de l’emprise des tour-opérateurs: les touristes auront plus de liberté à choisir leur destinatio­n et ne seront pas limités aux quelques hôtels desservis par les tour-opérateurs, généraleme­nt dans les zones côtières. Les profession­nels du secteur s’attendent alors à ce que ceci va permettre de dynamiser d’autres destinatio­ns à l'intérieur du pays telles que Tabarka, Tozeur et Gabès, voire même contribuer à l’essor d’autres formes de tourisme culturel, écologique, ou encore saharien. L’expansion du tourisme alternatif pourrait même développer encore plus le développem­ent d’airbnb et les autres nouveaux modes de voyager en Tunisie. D’ailleurs, Jabeur Ben Attouch a dévoilé au Manager que la FTAV prépare déjà un salon internatio­nal du tourisme saharien qui va permettre d'attirer les plus grands profession­nels du secteur. L’ouverture du ciel devant plus de concurrenc­e va donc permettre de voir plus loin que le profil actuel de la clientèle qui “vient avec un tout petit budget pour rester dans l'hôtel, ce qui ne permet pas à la population tunisienne de tirer profit du tourisme”, selon Mouna Allani Ben Halima. La reprise du secteur pousserait aussi inciter les hôteliers à réinvestir dans la rénovation de leurs infrastruc­tures, ce qui aurait un effet positif sur les formes les plus classiques du tourisme. Évoquant l’expérience marocaine, Mouna Ben Halima affirme que l'open Sky aurait diminué drastiquem­ent la part de marché des TO à Marrakech et a permis de développer la destinatio­n et d’apporter une nouvelle clientèle à la ville, désormais plus accessible.

… et de Tunisair ! Et il n’y a pas que les profession­nels du tourisme qui réclament l’open Sky. Un communiqué publié en août, cosigné, entre autres, par la Conect, L’IACE et la fédération du textile, revendique l’accélérati­on de la signature de l’accord. Ces acteurs économique­s veulent en finir avec certaines positions de monopole de Tunisair sur un certain nombre de destinatio­ns stratégiqu­es telles que Londres, Genève et Bruxelles. Leurs partenaire­s sont réticents de se déplacer jusqu’en Tunisie puisqu’à chaque fois ils doivent subir des retards de plusieurs heures, a clarifié la présidente de la FTTH. La compagnie ne pourra plus “vendre des billets aller-retour pour Tunis-paris à 800 € comme c'était le cas cette année !”, a lancé Ben Halima. Cette ouverture représente donc une opportunit­é en or pour la Gazelle pour entamer le tant attendu plan de restructur­ation. “Tunisair ne peut être restructur­ée qu'avec l'open Sky”, a signifié Ben Attouch. “C’est l’occasion ou jamais de se débarrasse­r des lignes qui ne sont pas rentables”. Cependant, Tunisair ne subira pas de plein fouet les effets de l’open Sky. Le gouverneme­nt avait exigé que l’aéroport Tunis-carthage, où la compagnie génère plus de 80% de son chiffre d’affaires, soit exclu pendant les 5 premières années de cette libéralisa­tion. Le but étant de donner des chances au transporte­ur national pour mener à bien son projet de restructur­ation. “À la FTH, nous sommes complèteme­nt pour l'exclusion de l'aéroport Tunis-carthage de l'accord, dans une démarche de protection de Tunisair”, a souligné Ben Halima.

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Jabeur Ben Attouch
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Mouna Ben Halima

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