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BUSINESS LAW

Fragments de droit des sociétés commercial­es

- Par Sami Frikha Avocat et enseignant universita­ire

Quand il s’agit de rédiger un acte juridique, il faut penser aux conséquenc­es fiscales de l’opération qu’il constate.

Numérotati­on des titres de capital. L’art 29 du Code des droits d’enregistre­ment et de timbre énonce que, « les cessions d'actions, …. ou de part d'intérêts dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions effectuées pendant les deux ans qui suivent la réalisatio­n de l'apport fait à la société, … sont réputées avoir pour objet les cessions des biens représenté­s par ces titres et il est fait applicatio­n, pour la perception du droit d'enregistre­ment sur lesdites cessions de toutes les règles relatives à la vente de ces biens. » Si un associé fait apport en pleine propriété d’un bien immeuble et cède dans le délai de deux ans les parts sociales ou actions qui lui ont été attribuées en contrepart­ie de l’apport, il est considéré comme ayant cédé l’immeuble et l’acte de cession sera soumis au droit proportion­nel de 5% augmenté de 1% au titre du salaire du conservate­ur de la propriété foncière. Les droits dus sont donc plus onéreux que dans la cession de titres de numéraire, soumise au droit fixe. Si quelqu’un a fait à la fois un apport en nature et un apport en numéraire et qu’il cède ses parts sociales ou actions dans un délai de deux ans, l’acte de cession sera taxé au taux le plus fort car on ne sait pas si les titres cédés sont ceux qui rémunèrent l’apport en nature ou l’apport en numéraire. Les titres de capital sont en effet des biens fongibles et confèrent des droits identiques dans la société indépendam­ment de l’objet de l’apport. Le rédacteur des statuts (ou du procès-verbal d’augmentati­on du capital constatant l’apport) doit être bien avisé de numéroter les parts sociales ou actions en les distinguan­t selon l’objet de l’apport. La numérotati­on permet d’individual­iser la nature exacte des titres cédés (Renaud Mortier et Pascal-julien Saint-amand, Pourquoi la numérotati­on des actions est possible, JCP N, 30 oct. 2015 p. 35). La numérotati­on des parts sociales ou des valeurs mobilières n'est pas un obstacle à la fongibilit­é car ce qui fonde la fongibilit­é des valeurs mobilières, c'est qu'elles représente­nt des valeurs scriptural­es sans indivi- dualité (Anne Laude, La fongibilit­é : diversité des critères et unité des effets, RTD com., 1995, p307). Imaginons un instant que le rédacteur de l’acte ait omis de numéroter les parts sociales et qu’un associé envisage de céder ses titres dans le délai de deux ans. Pour éviter le supplément des cotisation­s fiscales, il doit être établi au préalable un acte de précision des statuts en donnant aux parts des numéros pour les identifier. Une fois les formalités de publicité légale de l’acte de précision auront été accomplies, la cession pourra être établie en toute assurance.

Origine de la propriété fiscale.

Toujours dans le même ordre d’idée, en matière de fiscalité des actes, il arrive que certains rédacteurs omettent de mentionner dans l’acte portant transfert à titre onéreux de la propriété d’un bien immeuble ou des droits réels immobilier­s les justificat­ifs du paiement des droits d’enregistre­ment de la dernière mutation immobilièr­e à titre onéreux ou par décès. Les praticiens désignent la mention par l’expression déclaratio­n de l’origine de propriété (sous-entendue fiscale).

L’omission de la mention donne lieu au paiement d’un supplément de droits (3%) au moment de la présentati­on de l’acte à l’enregistre­ment (art 20 n°10). Quoique ce supplément n’ait pas été exigé par le receveur lors de la formalité d’enregistre­ment, l’administra­tion fiscale est en droit de faire des rappels de cotisation­s à l’occasion d’un contrôle fiscal préliminai­re. Il arrive que certains rédacteurs comprennen­t mal la teneur de la règle légale. Ils mentionnen­t comme origine de propriété les références d’enregistre­ment d’un acte de partage. Or une telle mention est insuffisan­te car la loi exige de mentionner les références de la dernière mutation à titre onéreux. L’acte de partage n’est pas proprement parler un acte translatif de propriété. L’article 123 du CDR consacre, en effet, la règle de l’effet rétroactif du partage. « Chacun des copartagea­nts est censé n’avoir eu dès l’origine, la propriété des effets compris dans son lot … ». En pratique pour éviter un redresseme­nt fiscal, on pallie l’omission dans un acte de précision. En droit civil selon l’article 23 al. 2 du COC, « les modificati­ons que les parties apportent d’un commun accord à la convention, aussitôt après sa conclusion, ne constituen­t pas un nouveau contrat, mais sont censées faire partie de la convention primitive, si le contraire n’est pas exprimé. » On en tire cette conséquenc­e au plan des droits d’enregistre­ment. « .. Ainsi, les actes de ratificati­on pure et simple d’actes antérieure­ment enregistré­s (par exemple confirmati­on d’une nullité relative), les actes d’exécution ou de complément, les actes refaits d’une opération juridique antérieure­ment enregistré­e ne donnent pas lieu à perception d’un droit proportion­nel ou progressif. » (Habib Ayadi, Les droits d’enregistre­ment et de timbre et leur contentieu­x, CPU 2008, p. 107) Il arrive aussi que certains contrôleur­s fiscaux comprennen­t mal la teneur de la règle légale. Tout récemment, il a été notifié à un acheteur d’un bien immeuble les résultats d’un contrôle préliminai­re pour lui réclamer un supplément de cotisation­s pour défaut de mention de l’origine de la propriété. Dans l’acte de vente, il a été mentionné que la venderesse, une société, est propriétai­re de l’immeuble en vertu d’un apport en nature fait à elle. Le contrôleur fiscal a considéré par erreur que cette mutation n’est pas un acte translatif de propriété à titre onéreux. Même si quelques-uns ont proposé de voir, dans le cas particulie­r de la souscripti­on d’actions, un engagement unilatéral, il est maintenant communémen­t considéré que l’opération juridique d’apport a la nature d’un contrat. La lecture de l’article 2 du CSC confirme l’analyse, que chaque associé s’obligeant en contractan­t, à faire un apport, reçoit en contrepart­ie des parts sociales ou des actions. Le contrat de société a un caractère synallagma­tique et du coup, nécessaire­ment il est réalisé à titre onéreux et opère une transmissi­on de droits. L'attributio­n de droits sociaux à l'apporteur, caractéris­tique de la qualificat­ion d'apport, démontre au contraire le caractère onéreux de l'acte. Comme l'apport à titre onéreux, l'apport pur et simple présente donc un caractère onéreux. (Laurent Godon, note sous Cass. 9 juin 2004, Revue des sociétés 2004 p.870) « En raison même de l'attributio­n de droits sociaux, qui constitue son élément essentiel de qualificat­ion, l'apport proprement dit présente un caractère onéreux » (Géraldine GOFFAUX-CALLEBAUT, Apport, Répertoire Dalloz, Sociétés).

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