Tunisian Ecommerce Days Quel futur pour le paiement électronique ?
Le paiement électronique ne fait toujours pas partie des us et des coutumes internautes tunisiens qui, même pour leurs achats en-ligne, préfèrent payer en espèce. Cette méfiance vis-à-vis du paiement en-ligne n’est pas sans impact sur le secteur de la ven
Alors que le paiement électronique ne cesse de gagner du terrain en Europe, en Asie et même en Afrique, le cash reste de loin le moyen de paiement préféré des Tunisiens. Environ 50% des transactions sont réglées en argent liquide (contre 2% en Suède !), a indiqué Hichem Ben Fadhel, expert en fintech, à l’occasion de sa participation à la troisième session des Tunisian Ecommerce Days. Ce volume colossal est estimé à plus de 140 milliards de dinars par an.
Quels problèmes pose le cash ?
Une telle situation pose des problèmes de traçabilité des tran- sactions facilitant l’évasion fiscale, ainsi que le financement des contrebandiers et des terroristes. Réduire le volume de billets en circulation et l’acheminement des paiements par le système bancaire est ainsi une priorité d’ordre majeur. Pour y arriver, les autorités ont une réelle volonté d’ouverture sur de nouvelles solutions et de nouveaux acteurs, a assuré Sami Zaoui, associé EY et membre du comité stratégique de l’économie numérique à la présidence du gouvernement. Outre le decashing, le gouvernement vise, à travers la promotion du digital payment, à accélérer l’inclusion financière et à la création d’une véritable dynamique entrepreneuriale, a-t-il indiqué. Opter pour le paiement électronique permet aussi de réaliser des gains considérables de productivité, a noté Badreddine Ouali, président de Vermeg. “Au lieu de passer plusieurs minutes à l’agence STEG pour payer sa facture d’électricité, il suffirait de quelques clics pour le faire en-ligne”, a-t-il expliqué.
Les quick-wins à mettre en place
Convaincre les Tunisiens de rompre (même partiellement) leur dépendance au cash sera un projet de longue haleine et nécessitera la mise en place d’une démarche progressive. Cette réticence est due, d’après Ouali, à une première expérience peu optimale avec les cartes bancaires en Tunisie, à cause d’une mauvaise gestion des trois piliers de réussite: la confiance, l’infrastructure et la tarification. “Au départ, l'infrastructure était défaillante, notamment au niveau des TPE, des DAB et des serveurs monétiques”, a-t-il expliqué.
“Une fois ce point dûment réglé, la tarification excessive imposée par le duopole Visa-mastercard a freiné considérablement l’adoption de la solution de la part des commerçants”. Tirant la sonnette d’alarme, le chef d’entreprise a signalé que l’histoire risque de se répéter notamment avec l’absence d’une plateforme d’infrastructures d’interopérabilité entre les différents acteurs de la place. Les fintechs auront aussi la rude tâche de gagner la confiance des consommateurs et de les convaincre d’utiliser leurs services pour gérer leurs paiements. Pour sa part, la tarification doit être minutieusement étudiée pour ne pas refaire la même erreur des cartes bancaires. “En 2019, on s’attend à de bonnes nouvelles en ce qui concerne l'interopérabilité et la tarification”, a rassuré de son côté Sami Zaoui. Néanmoins, l’implémentation de toutes ces mesures nécessiterait de changer les lois et de mettre en place les infrastructures nécessaires, ce qui pourrait prendre des années pour se concrétiser. La priorité serait donc d’implémenter des quick-wins à même de réaliser des avancées tangibles, dans les plus brefs délais. Dans ce cadre, le gouvernement peut exiger d’adopter le paiement électronique aux institutions publiques. Rien que payer à distance les 2.8 millions de factures émises chaque année par la STEG, à titre d’exemple, permettrait de multiplier par dix le volume des paiements en ligne. Le seul obstacle législatif qui pourrait freiner une telle mesure se présenterait au niveau de la trésorerie générale qui ne peut tolérer la déduction des frais de transaction auxquels sont soumis les paiements électroniques, a prévenu Badreddine Ouali. Pour y pallier, il sera possible d’utiliser la Carte Interbancaire (CIB) lancée en 2001 en signant un accord de place enlevant les frais sur cette catégorie de transactions. Le fondateur de Vermeg propose même de virtualiser cette carte permettant son utilisation comme wallet digital. De leur côté, les institutions de microfinance peuvent contribuer à la promotion de la culture du paiement électronique de par leur relation privilégiée avec une large frange des exclus financièrement. Sami Zaoui a indiqué dans ce cadre que le Conseil d'analyse économique avait proposé de donner la possibilité à ces institutions de passer sous le contrôle de la Banque centrale. Ceci leur donnerait les moyens nécessaires pour élargir leurs services ce qui ouvrira la porte aux startups et aux fintechs.
Continuité ou rupture, faut-il choisir ? “Réduire considérablement la quantité du cash en circulation doit se faire de manière à ne pas mettre en péril le fonctionnement de l'économie”, a insisté Badreddine Ouali. “Il ne faut pas que la dématérialisation se passe à l’encontre de l’état, même si l’objectif est de moderniser l’économie”. Selon lui, il faut bâtir une système étagé tout en se basant sur le système actuel dans le but de l’améliorer car toute solution de rupture peut engendrer de graves conséquences. Ceci n'empêche aucunement de réfléchir à la prochaine plateforme qui devrait permettre une meilleure ouverture, mais toujours sous le contrôle du législateur. Bien que Hichem Ben Fadhel reconnaît l’importance du rôle des pouvoirs publics dans l’aboutissement de cette transition, l’expert reproche aux autorités d’avoir opté pour une stratégie de continuité: “le problème réside dans le fait que l'état veut faire évoluer le système de manière totalement contrôlée sans perturber le business model actuel”. Dans les fintechs, l'innovation est un élément structurant dans l'évolution du secteur et la continuité ne peut donc pas être la bonne réponse pour l’expert qui déplore le manque d’ouverture du secteur sur de nouvelles solutions et de nouveaux acteurs. Et d’ajouter: “Il est temps d’autoriser des concurrents à Monétique Tunisie, vu qu’il existe désormais des acteurs qui ont la capacité technique de jouer pleinement ce rôle”. Seul bémol: le nombre de transactions ne permet pas à présent de rentabiliser un tel investissement, selon un responsable de la Banque centrale présent dans la salle.
Un cadre réglementaire caduque Le paiement en ligne n’est pas l’unique obstacle au développement de l’e-commerce. Ce secteur est aussi sous l’emprise d’un cadre réglementaire qui ne répond plus aux besoins des professionnels par manque de mises à jour régulières. Pis encore, la majorité des activités commerciales sont aujourd’hui régies par des cahiers de charges desquels le volet e-commerce est totalement absent, a déclaré Youssef Trifa, chef du cabinet du ministre du commerce. Ce mismatch a coûté au secteur des centaines de millions de dinars de parts de marché, à en croire Khalil Talbi, président du syndicat de l’e-commerce et de la vente à distance. Selon lui, le chiffre d’affaires de 200 millions de dinars qu’enregistrent actuellement les entreprises d’e-commerce ne représentent qu’un dixième du vrai potentiel du marché. Face à cette réalité, l’urgence d’une révision des textes des lois est on ne peut plus évidente. C’est du moins