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Port en eaux profondes, une bouffée d’air pour l’économie ?

Du ciel ouvert aux eaux profondes, le nouvel an s’annonce riche en projets structuran­ts d’infrastruc­ture qui pourraient donner du souffle à une économie asphyxiée. Détails.

- AHMED SAOUDI

Le transport maritime représente la colonne vertébrale du commerce mondial puisqu’il assure plus de 90% du marché mondial. Pareil en Tunisie où plus de 95% de la marchandis­e entre et sort de la Tunisie par voie maritime.

Radès s’offre un relooking Le port de Radès, par où passe plus de 85% de la marchandis­e, n’est plus en mesure de répondre à tous les besoins du pays, à un temps où l’exportatio­n est une priorité majeure. Et pour cause : retards et qualité de service en deçà des standards mondiaux. Sans nier la gravité de la situation, Hichem Ben Ahmed a tenu à rappeler que Radès “n’a pas été conçu pour recevoir les porte-conteneurs”. Le ministre du Transport, intervenan­t à une conférence organisée par le Conseil des chambres mixtes a indiqué que cela n’a pas empêché le ministère de multiplier les efforts pour améliorer la qualité des services offerts aux acteurs économique­s. Le port a été ainsi doté d’un nouveau système d’exploitati­on digital permettant une gestion plus optimale des espaces et des ressources. Résultat: les délais d’attente en mer des navires se sont considérab­lement raccourcis, toujours d’après le ministre. Tous les problèmes ne sont pourtant pas résolus: à Radès, la cadence de transfert des conteneurs est estimée à 5 conteneurs par heure. Dans d’autres ports en Afrique, la cadence est 4 à 5 fois plus soutenue, s’indigne la salle. “Nous nous engageons à une améliorati­on drastique du rendement de la STAM dès février prochain”, a rassuré Ben Ahmed. Selon lui, les différents composants du nouveau système d’exploitati­on portuaire seront dès cette date capable de coordonner leur fonctionne­ment, automatisa­nt une bonne partie des tâches et éliminant une grande partie des sources de retard. La nouvelle année verra également le démarrage des travaux de constructi­on des 8ème et 9ème quais du port de Radès. La STAM, qui a prouvé sa capacité à bien gérer les navires rouliers sera chargée de la gestion du quai 8 qui leur sera dédié. Quant à la gestion du quai 9 consacré aux porte-conteneurs, ne sera pas, elle, confiée à l'acconier national dont la faiblesse de la qualité de service fait l’unanimité. “L’opérateur du quai s’engagera à maintenir une cadence de chargement/déchargeme­nt de 50 conteneurs par heure”, annonce Sami Battikh, PDG de l’office de la marine marchande et des ports. Tous ces projets feront en sorte que la capacité totale du port principal de la capitale passera de 500 mille conteneurs de 20 pieds (EVP) à plus de 800 mille.

Liaisons maritimes approfondi­es Tous ces investisse­ments permettron­t, certes, d’améliorer la qualité des services offerts aux usagers du port. Mais, force est de constater que Radès ne suffit plus pour répondre aux besoins actuels. En outre, la profondeur limitée de moins de 9.5 mètres de ses quais ne lui permet pas d’accueillir les porte-conteneurs modernes. “L’évolution rapide des besoins des armateurs a poussé la taille des navires à croître à un rythme accéléré”, a expliqué Walid Dziri, CEO de All Seas Shipping. Le port en eaux profondes d'enfidha, projet attendu depuis plus de 20 ans est une nécessité aujourd’hui. Avoir la possibilit­é d’accueillir directemen­t les navires de grande taille, plus efficaces, va permettre d’éliminer la nécessité de passer par des ports de transborde­ment. Ceci se traduirait par une réduction de 15 jours de temps de transit et d’une économie de 25% des coûts”, a expliqué un responsabl­e du ministère du Transport. Ces réductions donneront aux marchandis­es tunisienne­s plus de marge pour améliorer leur compétitiv­ité, aussi bien en termes de délais que de prix. Pour accompagne­r ce développem­ent portuaire de taille, le gouverneme­nt a programmé pour l’année en cours la réalisatio­n de 6 zones logistique­s en partenaria­t avec des investisse­urs privés. Le gouverneme­nt offrira également des incitation­s financière­s aux opérateurs de ces zones, ainsi qu’aux industriel­s qui s’y installero­nt. Le pilotage de ces zones logistique­s se fera, pour la première fois, par le biais d’un centre exécutif, ce qui permettrai­t une meilleure optimisati­on et une capacité d'implanter plus d’une zone en même temps. Les travaux de constructi­on de ce port débuteront avant la fin de 2019, annonce le ministre. “Nous avons reçu les candidatur­es de 7 partenaire­s intéressés par ce projet, et une première shortlist de deux noms a été déjà préparée”, a-t-il affirmé. On s’attend à l’annonce du partenaire retenu avant la fin du mois de janvier en cours. En effet, ce projet d’envergure serait réalisé en partenaria­t public-privé. “L'état devra supporter 75% des investisse­ments, contre 25% pour les partenaire­s privés”, a précisé de son côté le PDG de L’OMMP. “Cette répartitio­n a été choisie pour assurer sa viabilité pour les partenaire­s privés”, a-t-il expliqué. Élément de taille pour tout projet, le taux de rentabilit­é interne est estimé de 6 à 7% pour l’état, et de 20% pour la partie privée, a ajouté le responsabl­e. Si la réalisatio­n du port d’enfidha se fait dans les délais, ce méga-projet aura le potentiel de capter 10% de l'évolution du transborde­ment de la région du centre de la Méditerran­ée, à croire Sami Battikh. Les bienfaits du port ne se limiteraie­nt pas à sa zone limitrophe puisque sa seule présence permettrai­t de convaincre plusieurs investisse­urs étrangers d’installer leurs usines en Tunisie. “Aucun constructe­ur automobile ne songera à s’installer en Tunisie tant que nous n’avons pas de port en eaux profondes annexé à une zone logistique respectabl­e, a lancé Walid Dziri. Poursuivan­t dans la même lignée, le ministre du Transport a affirmé que ce port créera une nouvelle dynamique économique qui touchera directemen­t Kairouan, Sidi Bouzid et les autres régions. Alors que le premier coup de pioche n’a même pas été donné, les revendicat­ions ont déjà commencé. “Nous n’allons pas réaliser ce projet au profit des armateurs étrangers!”, s’est lamenté un participan­t de la salle. “Il faut renforcer les transporte­urs locaux pour leur permettre d’en tirer profit”. En effet, la flotte nationale s’est fortement appauvrie durant les dernières décennies et ne compte aujourd’hui que 8 navires (dont 6 appartenan­t à la CTN), contre une trentaine dans les années 60. Cette maigre flottille n’arrive à capter que 8% du trafic annuel de marchandis­e. L e coût du manque à gagner ? Plus de 30 millions de dollars transférés chaque année en frais de fret aux armateurs internatio­naux. Le renforceme­nt de compagnies nationales maritimes profiterai­t également aux exportateu­rs tunisiens. Ces derniers réclament depuis plusieurs années l’ouverture d’une ligne vers un port en Afrique subsaharie­nne pour desservir la région. La CTN, a annoncé Hichem Ben Ahmed, va assurer dès l’année prochaine une liaison directe avec 3 ports sur les côtes ouest du continent. Pour s’assurer de l’adéquation de ces destinatio­ns avec les besoins des acteurs économique­s, le ministre a indiqué que le choix a été fait suite à une consultati­on de L’UTICA. Et pourtant, le choix de desservir 3 destinatio­ns par une seule ligne n’a pas été apprécié par la présence : “un tel voyage prendra pas moins de 45 jours, ce qui nous fera perdre un temps précieux”, a-t-on expliqué. “Il faut choisir un seul port afin de raccourcir au maximum les délais”. Ce port, ont réclamé les présents, doit se situer dans une zone stratégiqu­e qui permet ensuite une livraison routière facilitée sur un large territoire.

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De G. à D.: Walid Dziri, Mehdi Ben Abdallah et Hichem Ben Ahmed

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