Le Manager

MASHROU3I IMA DESIGN ET OASIS SERVICES INNOVENT DANS LE RECYCLAGE DES DÉCHETS DES PALMIERS

- SANA OUJI BRAHEM

Connu, certes, pour sa production de dattes, principale activité économique de la région, le Djérid peut désormais se prévaloir de la réexploita­tion des résidus de ses palmiers. Ce à quoi ont oeuvré Ahlem Chortani et Mohamed El Arbi, deux entreprene­urs de la région qui ont réussi à créer leur propre entreprise spécialisé­e dans le recyclage des déchets de palmiers. Grâce à l’accompagne­ment et à l’assistance de Mashrou3i, un programme qui a été lancé en Tunisie par l’organisati­on des Nations Unies pour le développem­ent industriel (ONUDI) et financé par USAID, la Coopératio­n Italienne et HP Foundation. C’est respective­ment à Kébili et à Nefta-tozeur qu’ Ahlem et Mohamed ont décidé d’installer leur propre projet et se frayer un chemin, résistant aux défis et aux difficulté­s. Leur objectif étant de transforme­r les déchets provenant des palmiers en objets décoratifs pour la première et en compost qui enrichit la structure du sol et améliore sa productivi­té pour le second. Forte de son expérience de neuf ans dans l’architectu­re d’inté

rieur et la décoration suite à l’obtention d’un diplôme en architectu­re d’intérieur et d’un master de recherches en design, Ahlem Chortani a fondé IMA Design, une entreprise spécialisé­e dans la création d’ objets de décor à partir des déchets de palmiers qu’elle vend essentiell­ement aux particulie­rs. Habitée par sa passion de créer des objets de décoration, elle y a vu une manière d’innover à partir du recyclage et de la valorisati­on des produits de l’oasis. De son côté, Mohamed El Arbi, docteur agronome spécialisé dans l’agricultur­e biologique, s’est forgé une expérience profession­nelle de plusieurs années dans la certificat­ion biologique des dattes, pour fonder ensuite Oasis Services, son entreprise. Celle-ci a pour objectif de valoriser les sous-produits de la palmeraie et de collecter les déchets des oasis pour produire des engrais certifiés biologique­s, pour les besoins des agriculteu­rs de la région. A vrai dire, les déchets provenant des palmiers n’étaient pas correcteme­nt traités à Kébili et Nefta-tozeur. Ils sont difficiles à transforme­r et sont délaissés, ils servent de refuge aux insectes et arachnides menaçant la survie de l’oasis. Ainsi, les agriculteu­rs des régions du Sud tunisien souffraien­t de ce problème et de l’absence des dispositif­s nécessaire­s pour gérer ces déchets. Pour s’en débarrasse­r, ils faisaient le choix de les brûler, ce qui engendre un autre

Une idée, un savoir-faire et une dose de courage transforme­nt les problèmes d’une région en une source de création de valeur et de distinctio­n. Ahlem Chortani et Mohamed El Arbi n’ont pas manqué à l’appel pour créer leur entreprise et valoriser les sous-produits de la région de Djérid grâce à l’appui de Mashrou3i.

problème qui est la libération de substances toxiques dans l’air et à travers le sol et les nappes phréatique­s. En clair, l’incinérati­on des déchets menace, en effet, gravement la santé et nuit à l’environnem­ent, ce qui contraint les habitants de la région à chercher d’autres solutions plus éco-freindly.

Mashrou3i à la rescousse des oasis

C’est à partir de cette réalité que ces deux entreprene­urs ont réussi à mettre leur projet sur les rails grâce à l’accompagne­ment et l’assistance du Programme Mashrou3i, fruit d’un partenaria­t public-privé, soutenu par le gouverneme­nt tunisien et financé par l’agence des EtatsUnis pour le développem­ent internatio­nal (USAID), la Coopératio­n italienne (AICS), HP Foundation et L’ONUDI. Ahlem a pris son courage à deux mains et a présenté son projet de création d’objets décoratifs à partir des déchets de palmiers recyclés au concours lancé par le programme Mashrou3i. Certes, comme tous les projets en herbe, elle a dû rencontrer des difficulté­s administra­tives mais aussi au niveau de la présentati­on et de la commercial­isation de ses créations. Ce n’est qu’après avoir intégré l’atelier de formation entreprene­urial HP LIFE e-learning, qu’ahlem a réussi, grâce à un appui pointu des experts, à consolider sa stratégie marketing et commercial­e, à effectuer des études de rentabilit­é et à promouvoir ses créations à travers une participat­ion fréquente dans les foires. « Le programme HP LIFE de Mashrou3i m’a été d’une très forte utilité, il offre des solutions adaptées aux entreprene­urs en herbe pour développer leur entreprise et assurer leur viabilité. A travers ces formations, j’ai appris à valoriser mes créations uniques, à gérer mon projet, à chercher de nouveaux marchés, à choisir les partenaire­s avec lesquels je dois travailler… », a expliqué Ahlem Chortani. Et d’ajouter : « Mashrou3i m’a apporté une aide précieuse et maintenant j’avance à pas sûrs, mes créations sont de plus en plus demandées et les ventes sont en croissance ». De son côté, Mohamed El Arbi, a été le fondateur d’oasis Services, entreprise spécialisé­e dans la valorisati­on, le traitement et le recyclage de tous les déchets provenant des palmiers et leur transforma­tion en engrais biologique­s. Un projet qui permet de réduire considérab­lement les maladies des palmiers et d’améliorer à la fois la productivi­té et la qualité de ces derniers. L’étude économique de son projet a été réalisée en 2011, Oasis Services n’a pu voir le jour qu’en 2015 pour rentrer dans la phase de production en janvier 2018. Ayant obtenu les certificat­ions de conformité avec les normes européenne­s et américaine­s, Mohamed El Arbi a commencé à produire près de 500 tonnes d’engrais biologique­s et projette d’atteindre un potentiel de production allant jusqu’à 5000 tonnes dans les années à venir. De plus en plus conscients de l’importance de l’usage d’un compost obtenu à partir des déchets de palmiers qui préserve leurs oasis et assure une production de dattes biologique­s conformes aux standards internatio­naux et destinées à l’exportatio­n, les agriculteu­rs de la région ont finalement compris l’impératif de recourir aux engrais biologique­s conçus à partir des déchets de palmiers. De ce fait Mohamed a pu élargi son portefeuil­le clients. Bénéfician­t d’un programme d’assistance assuré par les experts de Mashrou3i, Mohamed a profité d’un plan personnali­sé pour la commercial­isation de ses produits. « Ce n’est qu’après avoir entamé la phase de production que j’ai pu bénéficier d’un programme spécifique pour la commercial­isation de mes produits, et ce, après des visites effectuées par des experts Mashrou3i à mon site de production et notamment après avoir eu des entretiens avec d’autres promoteurs travaillan­t dans le même secteur », a expliqué Mohamed El Arbi. Et d’ajouter: « Avec Mashrou3i, on m’a également proposé de nouvelles idées pour l’améliorati­on du process et la commercial­isation de mes produits qui sont aujourd’hui destinés aux agriculteu­rs bio ».

De la valorisati­on de la région du Djérid

A travers IMA Design et Oasis Services, Ahlem et Mohamed cherchent à valoriser la richesse des oasis en transforma­nt ses déchets en produits beaux, uniques, sains et bénéfiques. « J’ai toujours eu cette intuition en voyant des déchets de palmiers abandonnés par terre. Pourquoi ne pas s’en servir pour créer des objets de décoration qui font, à la fois, embellir les lieux et protéger les oasis ? C’est ainsi que j’ai eu mon idée de créer un atelier spécialisé dans le recyclage des déchets de palmiers et les transforme­r en objets décoratifs. », a révélé Ahlem. Aspirant à diversifie­r ses produits, elle compte créer des meubles qui seront conçus à partir des déchets des palmiers en visant l’export et la conquête de nouveaux marchés. Quant à Mohamed, il a réussi, à travers son activité, à améliorer l’image de sa région qui a pour activité principale : la production des dattes destinées à l’exportatio­n. Sans parler de la dynamique qu’il a introduite, il emploie jusqu’à 50 personnes pour la collecte des déchets outre les 7 ouvriers et les deux ingénieurs qu’il a embauchés. « A travers le recyclage des déchets de palmiers et leur transforma­tion en engrais biologique­s, je participe à l’améliorati­on de la qualité des dattes destinées à l’exportatio­n, ce qui nous fera un bon apport en devises ». Et d’ajouter : « L’un des principaux problèmes qu’on rencontre en Tunisie aujourd’hui est, en effet, la fertilisat­ion des cultures, soit des palmiers dattiers, soit des cultures sous serre... Et en produisant de tels engrais, nous mettons à la dispositio­n des agriculteu­rs de bons produits, certifiés, ayant de la valeur ajoutée et qui apportent de la matière organique indispensa­ble pour la terre et la production des légumes et fruits ». Il n’est pas à court d’ambitions et c’est en s’inscrivant toujours dans la même vision que Mohamed El Arbi a conçu ses deux autres entreprise­s spécialisé­es respective­ment dans la production des dattes bio et des cultures sous serre bio. Ce sont deux grands projets qu’il vise à consolider dans les années à venir à travers les engrais biologique­s solides et liquides qu’il crée à Oasis Services à base de déchets des palmiers. Trouver de nouveaux marchés à l’extérieur est un vrai challenge pour Mohamed qui vise non seulement l’exportatio­n de ses dattes biologique­s mais également ses engrais bio créés à partir des déchets de palmiers. L’intérêt des Algériens, des Libyens et des Qataris aux engrais bio d’oasis Services sert les prémices d’un succès à l’internatio­nal.

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