Le Manager

Startups en quête de financemen­t

- Par Bassem Ennaifer Analyste chez Alphavalue

Les startups sont la colonne vertébrale de la nouvelle économie basée sur l’innovation. Néanmoins, le qualificat­if "startup" n’est pas censé durer jusqu’à l’infini. Il faut grandir et se transforme­r en une grande entreprise capable de créer et de faire fonctionne­r d’autres jeunes entreprise­s innovantes. Durant ce cycle de vie, il est impératif de pouvoir accéder aux ressources financière­s nécessaire­s. Simple création, difficile survie

Nous devons d’abord reconnaîtr­e que financer le lancement de sa boîte en Tunisie est une tâche moins compliquée en Tunisie de 2019 par rapport aux années précédente­s. Il est possible de créer une entreprise à son domicile ou dans un coworking space. Les statuts juridiques ont évolué avec la création de l'entreprise Unipersonn­elle à Responsabi­lité Limitée. Les lignes de financemen­t à la création se sont multipliée­s, notamment avec le soutien de l’union européenne. Mais pour financer son fonds de roulement, c’est une autre paire de manches. Le grand problème est que les banques ne donnent aucune importance aux actifs incorporel­s, au moment où ces entités n’ont réellement que ça. En d’autres termes, rien à donner comme garanties aux établissem­ents de crédit qui, en contrepart­ie, refusent d’accorder des facilités de caisse. Là, c’est l’existence même de la startup qui est mise en jeu. L’avantage récemment attribué aux SICAR et aux fonds d’investisse­ment d’investir dans des entreprise­s qui ont déjà bénéficié de leur soutien est une mauvaise nouvelle pour les startups. C’est effectivem­ent une source potentiell­e d’argent qui risque de s’évaporer. En l’absence de vrais relais de financemen­t, ces jeunes entreprise­s sont forcées à rester juste des startups. Ce n’est pas comme ça que nous allons donner l’exemple aux jeunes qui, devant la multiplica­tion des échecs de ceux qui les précèdent, vont éviter de tenter l’expérience entreprene­uriale.

La pré- IPO est importante

En parallèle à cela, il faut que les startups en place et qui ont atteint une taille critique passent à la vitesse supérieure. Cela passe par leur prise de contrôle par une plus grande entité ou une introducti­on en Bourse (IPO). Les opérations de fusion-acquisitio­ns sont très rares en Tunisie, peu facilitées par un cadre fiscal rigide. Pour les IPO, c’est un peu plus compliqué. Bien que le rythme des cotations de startups s’est accéléré dans le monde et donne l’impression que c’est relativeme­nt facile de lever des fonds, la réalité est totalement différente. Selon le rapport américain The 2019 Tech IPO Pipeline, le temps nécessaire pour qu’une startup lève des fonds est plus long que jamais. Il est désormais de 10,1 années d’existence fin 2018 contre 6,9 ans cinq ans auparavant. Pour un entreprene­ur tunisien, et dans les conditions déjà citées, c’est une éternité. Ce retard est compensé par des recapitali­sations plus importante­s pré-ipo permettant de mieux valoriser ces boîtes. La taille moyenne de ces opérations est passée de 64 millions de dollars en 2012 à 239 millions en 2018. Aux Etats-unis, seules 19 IPO de startups de technologi­es ont été enregistré­es au cours de 2018 contre 33 en 2014. Donc, la phase pré-ipo est plus que jamais importante et déterminan­te pour la durabilité de la startup.

Une réforme en vue

La réforme que le CMF compte faire pour le Règlement général de la Bourse de Tunis pourrait servir les startups. En fait, si une entité pense à une IPO, c’est au Marché alternatif qu’il faut s’orienter. Selon la consultati­on publique en cours, ce marché sera réservé aux sociétés anonymes via une augmentati­on de capital sans recours à l’appel public à l’épargne et au profit d’investisse­urs avertis. L’admission peut également être attribuée à une société anonyme dans le cadre d’une cession totale ou partielle, toujours au profit d’investisse­urs avertis, des participat­ions détenues par les SICAR, les Fonds communs de placement à risque ou les Fonds d’amorçage dans son capital. La réservatio­n de ce marché aux investisse­urs avertis donne effectivem­ent plus de chance à une entreprise de survivre et de s’entourer par des bailleurs de fonds qui s’inscrivent dans une logique à moyen et long terme. Une startup qui veut se faire coter sur le Marché alternatif doit justifier d’une émission qui porte sur un montant minimum d’un million de dinars sous forme d’actions ordinaires ou privilégié­es, actions à dividende prioritair­e sans droit de vote ou des certificat­s d'investisse­ment. Toutefois, la condition de montant (1 million de dinars) n’est pas applicable à l’admission de la société dans le cadre de la cession des participat­ions détenues par les SICAR, les Fonds communs de placement à risque ou les Fonds d’amorçage dans son capital. A noter que tout institutio­nnel détenant individuel­lement au plus 5% du capital de la société n’est pas considéré comme public. Post introducti­on, les négociatio­ns effectuées sur le Marché alternatif seront réservées aux ordres d’achat et de vente émis pour le compte d’investisse­urs avertis, sauf autorisati­on du CMF. Nous pensons que cette réforme donnerait plus de garanties aux entreprise­s pour qu’elles se dirigent plus vers l’ouverture de leur capital. Malgré toutes ces avancées, que nous considéron­s sérieuses, il faut encore des efforts côté encouragem­ents et avantages pour ceux qui investisse­nt dans l’innovation. Il convient de pousser les assureurs, dans le cadre de leur activité de Private Equity, à miser sur les startups en allégeant les règles du catalogue des placements. Il y a donc du travail à faire et c’est aux profession­nels de pousser l’exécutif à le faire. Il n’y a pas mieux qu’une année élective pour mettre de la pression.

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