Le Manager

Noomane Fehri, CEO B@labs « Il est temps de passer du pilote à l’usine ! »

- PROPOS RECUEILLIS PAR SANA OUJI BRAHEM

La nouvelle économie contribuer­a à moderniser l’ancienne. C’est autour de cette vision que Noomane Fehri gère et développe B@labs. Une vision autour de cette économie numérique qu’il avait déjà portée avec forte conviction lorsqu’il était ministre des TIC. Sur sa stratégie et sa vision futuriste, Noomane Fehri, ancien ministre des TIC et CEO de B@labs, a ouvertemen­t répondu aux questions du Manager. Interview. Qu’est ce qui a motivé le choix de B@labs ?

En fait, l’idée derrière la création de B@labs, est de moderniser l’économie tunisienne à travers les startups en offrant aux jeunes entreprene­urs de nouvelles opportunit­és. En réalité, il n’est pas évident de trouver un financemen­t pour votre startup si des détenteurs de fonds ne peuvent pas investir dans votre projet. Dans cette vallée de la mort, c’est à dire entre le fait de décider de devenir startuppeu­r et attirer un investisse­ur, il y a un gap. Celui-ci doit être comblé par le gouverneme­nt, ce qui n’est pas le cas en Tunisie. Pour s’en sortir, il faut opter pour le « Corporate ». En effet, chaque compagnie, employant plus de 500 personnes doit créer un Lab et contribuer ainsi à l’émergence de la nouvelle économie.

Pouvez-vous nous parler des meilleures startups que vous avez accompagné­es lors des trois dernières cohortes ?

Contrairem­ent à ce que l’on pense, les projets qui attirent beaucoup l’attention de la presse ne sont pas forcément toujours ceux qui sont les plus rentables. Le projet de Strike Motors, par exemple, est un constructe­ur de triporteur inversé personnali­sable pour les vendeurs ambulants. C’est une solution qui est destinée à développer les activités des vendeurs ambulants en Tunisie. L’acquisitio­n de ces engins se fait, en effet, via des microcrédi­ts qui leur sont octroyés par des institutio­ns financière­s. Il s’agit d’un projet transforma­teur

mais qui n’est pas encore sorti aux clients. Dans la première cohorte, on compte aussi deux autres startups, en l’occurrence, Water Spirit qui est spécialisé­e dans la culture des microalgue­s au profit des industries de la santé et de la beauté et Swiver qui crée des logiciels de comptabili­té et de gestion commercial­e pour les besoins des TPE. Quant à la deuxième cohorte, elle comprend Digiconsta­t qui a pour objectif la digitalisa­tion du constat automobile amiable et qui n’a pas encore vu le jour également. On y distingue également Artify, spécialisé­e dans la culture et Studygate qui oeuvre dans l’e-education dans la médecine. Finalement, la troisième cohorte comporte Rayhan, une mercerie en ligne active sur le marché local, Food For Future, Code & Build qui s’occupe de l’apprentiss­age de l’algorithmi­que destiné aux enfants.

Qu’offre exactement B@labs aux jeunes entreprene­urs ?

En vrai, une pièce-montée de sept étages : un espace disponible 24h/24 et inspirant pour travailler, un curriculum de workshops spécialisé­s, du mentorat one to one, une aide administra­tive, un accès à l’expertise, un accès aux marchés et un accès aux finances. Sur ce plateau de service, on travaille également sur plusieurs axes : le fondateur, l’équipe, le produit, la propositio­n de valeur, le marché et les finances. Il n’y a pas que les entreprene­urs en mode Silicon Valley mais aussi des entreprene­urs qui élaborent des produits pour le marché local et régional.

Quels sont les critères que vous avez fixés pour la sélection des startups ?

Les critères de sélection sont répartis en trois éléments : 50% sur la qualité de l’entreprene­ur, 25% sur le projet et les 25% restants sur l’apport de B@labs. Il est, en effet, important de tester la fibre entreprene­uriale des candidats car le produit peut pivoter ou changer au fil du développem­ent, les entreprene­urs, eux, doivent avoir la même passion pour travailler dur.

Quels sont les domaines privilégié­s dans lesquels vous voulez vous développer ?

Aujourd’hui, nous sommes des généralist­es mais personnell­ement je vois le monde changer grâce à la transforma­tion numérique. J’entends par là non seulement le volet technologi­que mais également au niveau de la culture, l’économie, l’énergie et l’environnem­ent. Malheureus­ement, peu de politiques en Tunisie en sont conscients mais ces domaines font l’objet de discussion­s avec nos partenaire­s afin de préparer des programmes spécifique­s. En parallèle, il y a deux autres domaines assez intéressan­ts sur lesquels je souhaite travailler : ramener des personnes du monde de l’informel au monde du formel et le doctorat. J’aimerai bien transforme­r les docteurs chômeurs en docteurs entreprene­urs.

Par rapport à la spécialisa­tion, avez-vous d’autres projets à encourager ?

Je suis extrêmemen­t content de ce partenaria­t avec la BIAT qui a aujourd’hui une machine qui tourne, il est néanmoins important de faire passer la main à quelqu’un d’autre capable de maintenir ce rythme. Je pense qu’il est temps de passer du pilote à l’usine. Je dirai que je commencera­i par m’attaquer au problème des brevets.

Pensez-vous que les incubateur­s peuvent développer un business model pérenne ?

La pérennité est très difficile et n’est possible qu’à travers le mécénat ou un investisse­ment à très long terme. Il est important que les investisse­urs soient patients pour assurer la pérennité de leur business. Et étant donné que l’écosystème entreprene­urial en Tunisie est à un stade précoce, l’attente sera encore plus longue avant de récolter les fruits de notre labeur.

Est- ce que vous avez un dernier message ?

En fait, j’ai l’impression qu’il y a trois économies en Tunisie : l’économie standard qui a atteint ses limites, qui continue à faire nourrir le pays et qui doit se moderniser. Il y a aussi l’économie informelle et illégale. Mais là où il y a espoir, c’est cette nouvelle économie parallèle qu’on est en train de créer, à savoir le monde des startups. Cette nouvelle économie parallèle légale a, en effet, deux atouts : la création de nouveaux marchés et la modernisat­ion de l’ancienne économie. Et grâce à l’implicatio­n du secteur privé, on commence à récolter les premières prémices de ce succès mais on a besoin d’accélérer nos pas.

Une pièce-montée de sept étages : un espace disponible 24h/24 et inspirant pour travailler, un curriculum de workshops spécialisé­s, du mentorat one to one, une aide administra­tive, un accès à l’expertise, un accès aux marchés et un accès aux finances. Sur ce plateau de service, on travaille également sur plusieurs axes : le fondateur, l’équipe, le produit, la propositio­n de valeur, le marché et les finances.

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