Miser sur le cinéma
Paillettes, showbizz, fêtes mais pas que cela, aussi networking, contrats et projets communs, telle est l’ambiance sur la croisette en cette période du mois de mai de chaque année. Pour notre part, c’est la troisième année consécutive qu’un film tunisien marque sa présence à la quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes. Pour cette 72ème édition, le cinéma tunisien était bien représenté dans ce temple du cinéma mondial. La Tunisie brille grâce à la créativité de ses artistes. Ils s’imposent de plus en plus dans des festivals de renommée comme le Mostra de Venise, en dépit de maigres moyens. Cette créativité, est montée d’un cran dans les feuilletons télévisés lors de ce mois Ramadhan 2019. Certaines productions se sont distinguées. C’est si beau, si rassurant et si prometteur pour être signalé. Belle vitrine pour le pays ! En ces moments de disette économique, où l’on a du mal à retrouver les chemins de la croissance, les chiffres du premier trimestre n’annoncent guère d’éclaircie significative. Ils nous confortent même dans l’idée qu’il faudrait sans doute nous réinventer de nouveaux foyers de richesses nationales. La contribution à la croissance des industries manufacturières est en baisse. Pas surprenant lorsqu’on connaît à quel point elles dépendent du secteur de l’agroalimentaire et des conditions climatiques. Pourquoi ne pas développer d’autres industries dans lesquelles nous avons un potentiel, un savoir-faire et un avantage compétitif qui se confirme de plus en plus par la communauté internationale. Fortes de ce potentiel créatif et des compétences en technologies de l’information d’une jeunesse passionnée, volontaire et innovante, les industries culturelles et créatives se présente en tant qu’alternative intéressante. Une visite dans les arcanes du cinéma tunisien que nous vous ferons découvrir dans ce numéro jette la lumière sur une filière dont le poids, considéré dans une approche transversale est considérable. Elle est en interconnexion avec d’autres secteurs à fort potentiel de croissance (achat de matériels, logistique,
hôtellerie, restauration) et culturelle (musique, design, art contemporain, valorisation du patrimoine). Les multiples retombées sur l’activité économique et l’emploi de toute cette chaîne de valeur sont indéniables. La filière n'intègre pas seulement la production locale mais aussi les films étrangers qui peuvent être produits partiellement en Tunisie. Faire du site Tunisie une terre de tournage présente des avantages économiques fort appréciables sans parler de l’impact en termes d’image du pays. Le cinéma est universel. Il jouit d’une audience mondiale et représente le moyen idéal pour promouvoir un pays, une destination, une startup démocratie nommée Tunisie. Il est alors indispensable de mettre en place des politiques publiques en faveur du développement d’une réelle industrie cinématographique et culturelle. En dépit d’une concurrence féroce des autres pays, nous avons, de l’aveu des professionnels qui ont témoigné dans le dossier, des atouts réels en matière de ressources humaines, un emplacement géographique des plus indiqués. C’est au niveau des procédures bureaucratiques et de la taxation où le bât blesse. Pourtant, depuis son indépendance, la Tunisie figure parmi les pays arabes dont le budget de la culture est le plus important. Seul bémol : comme dans tous les ministères, ce sont les charges de fonctionnement qui accaparent relativement la part du lion au détriment de l'investissement culturel. Notre invité du mois est des plus convaincus et des plus habités, je dirai, par l’importance de la mise en place de politiques culturelles à même de favoriser cohésion sociale et développement durable, en respectant et valorisant les spécificités locales. Mourad Sakli en a fait un de ses chevaux de bataille et s’y est pleinement investi lorsqu’il fût ministre en 2014. Il poursuit aujourd’hui inlassablement sur sa lancée en tant qu’acteur privé du secteur culturel. Sur sa vision, sur le rôle de l’etat, sur le potentiel de la Tunisie, il s’est exprimé avec la force de conviction, la passion et la lucidité et la maîtrise qu’on lui connaît.
Bonne lecture !