LE ROUGE EST MIS
Apparemment cette couleur est d'une pratique, non voulue, sous nos cieux toutes positions confondues. Commençons par les ménages qui dépensent plus que leurs revenus financiers ne peuvent le permettre. Voilà qu'ils se retrouvent dans le rouge, comptablement parlant. Le mois saint n'a pas arrangé les choses, bien au contraire, avec cette ruée sur la consommation et le gaspillage qui s'ensuit. Une enquête, menée en 2018 par l’institut national de la consommation (INC), a révélé que, plus d’1,8 million de familles sont endettées, sur les 2,8 millions que compte la Tunisie. Les entreprises publiques, également, sont dans le rouge foncé. Leur matelas de liquidités, qui naguère permettait même à l’etat de disposer de ressources en cas de besoin, s'est transformé, encore du rouge, en gouffre financier. Auprès des banques, les comptes, des particuliers comme des entreprises, tendent également vers le rouge et, ceux débiteurs chroniques, sont portés sur des listes rouges. Elles-mêmes, les banques, ne sont pas épargnées par la crise de liquidités à laquelle elles doivent faire face. Au jour d'aujourd'hui nous n'en connaissons pas encore la couleur mais sûrement pas loin de la sanguine! Toujours dans la gestion financière, le pays lui-même est dans le rouge quand depuis 2011, il se voit obligé de recourir à l' emprunt pour assurer les fins de mois et avec un niveau de remboursement des crédits représentant 10% du budget national. Le pays semble être entré dans une chaîne de Ponzi consistant à s'endetter pour rembourser ses crédits. Côté revendications, regardons de plus près ce que pensent nos syndicats qui, épisodiquement, voient rouge quand les revendications ne sont pas suivies d'effets. C'est ce qu'a déclaré, au tout début du mois dernier son secrétaire général, relevant que la hausse des prix avait absorbé les majorations de salaires annoncées pour 2019. Effectivement pour Ramadhan 2019, les prix des
denrées alimentaires auraient augmenté de 30 % par rapport aux précédents. En outre nous avons épisodiquement, à travers le pays, une population rouge de colère, un mécontentement résultant d'une insatisfaction, d'un incident ou à la suite d'un accident meurtrier, comme celui qui s'est produit vers la mi-ramadhan à Sfax. Face à cette couleur qui ne cesse de fleurir, pour dominer le paysage économique et social du pays, les responsables sont désemparés. Les prix prennent l'ascenseur, inflation oblige, les revendications fusent de toutes parts et les tiroirs sont vides. Ils essaient difficilement de raccommoder ce qu'ils peuvent, de rafistoler le plus urgent. "El flouss bah", (plus d'argent dans les caisses) aurait ainsi déclaré le président du gouvernement. C'est tout dire! Voilà donc que le rouge serait mis! Une expression française désignant que les jeux sont faits! Une situation que l'on subit sans pouvoir trop y faire. Du reste il est devenu coutumier, dans le langage quotidien, d'entendre dire que "tous les indicateurs sont au rouge!". Le beau bleu, couleur d'un ciel de printemps, a urait pu en atténuer les effets, mais il est demeuré désespérément gris. Essayer une autre couleur peut-être? Mais là on risque alors de rire jaune, surtout à l'approche des élections. Non ! Nous sommes ancrés dans le rouge et nous sommes condamnés à y rester quelque temps encore, en attendant d'y voir plus clair! Pourtant il existe une couleur cerise sous nos cieux à laquelle, s'accommodent fort bien, plusieurs personnes, en nombre de plus en plus grand et en voie de généralisation. C'est celle des indicateurs routiers, dont le rouge est celui de l'interdit. Il devient comme transparent, invisible, pour certains conducteurs particulièrement zélés dès qu'ils sont au volant de leur véhicule. Mais là c'est une tout autre histoire sociétale.