L’industrie du cinéma Un secteur à haute valeur ajoutée
Rares sont les Américains qui ont probablement entendu parler de la Tunisie. Pourtant, Tataouine leur est très bien connue ! La région s’est en effet immortalisée à jamais dans la culture pop américaine grâce à Star Wars et sa planète Tatooine. Résultat: plus de 25 ans après l’apparition du film, le site de tournage à Ong Jemmal dans le gouvernorat de Tozeur continue d’attirer les touristes des quatre coins de la planète. En effet, le tournage de films étrangers représente une aubaine pour le secteur, permettant la création d’emplois, le transfert de savoir-faire ainsi que la promotion du tourisme.
Des terres de tournage attractives
À l’échelle maghrébine, l’industrie cinématographique marocaine s’est distinguée en tant que l’une des plus développées dans la région. Le royaume chérifien s’est démarqué comme une destination préférée de tournage des films étrangers, profitant, dans la foulée, de la crise qu’a connue la Tunisie suite à la révolution et aux attentats terroristes. En 2017, les investissements étrangers dans le domaine du cinéma ont crû de 21,3%, passant de 99 millions de dinars en 2016 à près de 152 millions de dinars. Ceci est le fruit d’un effort multiplié par les autorités locales pour attirer davantage de tournages étrangers. Depuis quelques années, le pays s’est doté de studios de tournage de niveau mondial à Ouarzazate et à Casablanca, fruits d’investissements étrangers ou marocains. S’ajoute à cela l’expérience qu’accumulent les différents professionnels locaux dans la production cinématographique et les autorités civiles et militaires qui fournissent des aides humaines et matérielles substantielles. Et pour donner un coup de pouce supplémentaire au secteur, le Conseil de gouvernement avait adopté, en juillet 2017, le projet de décret relatif à l’aide publique à la production cinématographique étrangère avec une enveloppe budgétaire d’environ 31 millions de dinars mise à la disposition du secteur. Grâce à ce fonds, le Maroc s’engage à rembourser 20% des dépenses des productions étrangères, qu’il s’agit de films, séries, téléfilms, documentaires ou encore fictions. Seules conditions: investir au Maroc au moins 3 millions de dinars de dépenses hors taxes et tourner au Maroc au moins 18 jours, y compris les journées de mise en place de décors. Le Maroc est loin d’être le seul à offrir de tels avantages. La France s’est dotée depuis 2009 d’un dispositif de crédit d’impôt international. Ce dispositif permet aux films étrangers de déduire de l’impôt sur les sociétés jusqu’à 30 % des dépenses consacrées à l’élaboration d’une oeuvre en France. Le Crédit d’impôt international peut être accordé aux films effectuant au moins 250 mille euros de dépenses éligibles en France (en salaires ou en frais techniques). Pour les films au budget inférieur à 500 mille euros, 50 % des dépenses doivent être faites en France pour être éligibles. Le plafond de cette déduction fiscale est fixé à 30 millions d’euros par oeuvre. Autre condition: les films agréés doivent nécessairement comporter des éléments rattachés à la culture, au patrimoine ou au territoire français, selon un barème fixé par le Centre national du cinéma, qui étudie chacun des dossiers au cas par cas. Depuis, beaucoup d’autres pays ont ouvert un crédit d’impôt pour les producteurs étrangers tels que le Royaume-uni (25 %), l’italie (25 %), l’irlande (32 %), etc.
Une industrie locale peu développée
L’égypte est l’un des plus grands producteurs de films de la région. À quelques exceptions près, les films égyptiens sont les seuls dans la région à se vendre à l’échelle régionale. Selon des chiffres publiés par l’unesco, les salles de cinéma égyptiennes ont vu l’admission de plus de 9.5 millions
Le cinéma est une industrie à part entière. Dans certains pays il contribue considérablement à l’emploi et à la création de richesses. Bien que Hollywood s’est accaparée d’une grande partie des revenus du secteur à l’échelle mondiale, d’autres pays ont su tirer leur épingle du jeu. Détails.
de visiteurs en 2015. Bien qu’il s’agisse d’un chiffre important, il reste néanmoins en deçà des performances de pré-2011 où les admissions dépassaient annuellement les 20 mille tickets. Le nombre total d’écrans en Egypte, 233 recensés en 2016, dépasse de loin ceux de la Tunisie et du Maroc. Mais rapporté au nombre d’habitants, soit 0.3 écran pour 100 mille habitants, ce chiffre perd sa longueur d’avance. En 2015, les films égyptiens ont généré 31 millions de dinars de recettes dans les salles de cinéma — le plus faible des 5 précédentes années. Même phénomène au Maroc. De fait, le nombre d’entrées dans les 30 salles de cinéma en activité au Maroc — équipées de 64 écrans, soit 0.2 écran pour 100 mille habitants — a connu une baisse considérable en 2017. Il passe ainsi de 1.7 million, en 2016, à 1.6 million en 2017. Ce déclin suit une tendance baissière qui continue depuis plus de 10 ans. En effet, les salles de cinéma marocains auraient enregistré plus de 2.64 millions entrées en 2009, soit 40% de plus que les chiffres de 2017 ! La bonne nouvelle pour les cinéastes marocains est que le film marocain reste tout de même la cible favorite des spectateurs locaux. De fait, le top 3 des 30 films les plus vus l’année dernière, toutes nationalités confondues, est occupé par des productions marocaines. Face à cette dégringolade, le Centre cinématographique marocain s’est efforcé de soutenir financièrement la filière. Pour ce faire, il dispose sous sa gestion de quatre fonds. Le premier est destiné à la production nationale, un fonds pour soutenir les festivals, un fonds pour soutenir la rénovation et la création de salles de cinéma, et enfin, un fonds dédié à la production étrangère. Tout comme dans d’autres secteurs, le Maroc vise aussi le marché africain pour développer son industrie cinématographique. Le Royaume chérifien a signé des accords de coproduction avec le Sénégal, la Côte d'ivoire, le Burkina Faso ou encore le Niger.
Nollywood, le Hollywood africain
L’industrie cinématographique nigériane contribue sans aucun doute à la création d’emplois dans un pays dont l’économie repose principalement sur le pétrole et l’agriculture. Plus d’un million de personnes travaillent actuellement dans ce secteur, ce qui en fait le plus grand employeur du pays après l’agriculture. Bien que l’économie nigériane connaisse une croissance de 7% cette année, selon la Banque africaine de développement, le chômage des jeunes continue d’être une préoccupation majeure. L’industrie cinématographique nigériane, également connue sous le nom de Nollywood, produit environ 50 films par semaine, juste derrière Bollywood en Inde et plus qu’hollywood aux ÉtatsUnis. Bien que ses revenus ne soient pas équivalents à ceux de Bollywood et d’hollywood, Nollywood génère toujours un montant impressionnant de 590 millions de dollars par an. Estimant que le secteur est capable de créer un million d'emplois supplémentaires, la Banque mondiale aide actuellement le gouvernement nigérian à créer un projet visant à soutenir l'industrie du divertissement. Les films de Nollywood ont de nombreux adeptes en Afrique et parmi les Africains du monde entier. Ils ont gagné en popularité au cours de la révolution numérique du début des années 90, lorsque les caméscopes ont remplacé les appareils photo argentiques de 35 mm et les systèmes numériques ont remplacé le celluloïd en tant qu'enregistreurs. À l’époque, et alors que d’autres régions du monde ont adopté la nouvelle technologie numérique, le Nigéria continuait d’utiliser des cassettes et des lecteurs VHS peu coûteux, faciles d’accès et abordables pour les consommateurs. La technologie cinématographique a évolué, les films sur DVD ayant commencé à générer une demande énorme. Selon la BBC, la production d’un film au Nigéria coûte en moyenne entre 25 000 et 70 000 dollars. Les films sont produits en un mois et sont rentables deux ou trois semaines après leur sortie. La plupart des films sur DVD vendent facilement plus de 20 000 unités, tandis que les plus performants en vendent plus de 200 000. Malgré le succès des films, les revenus des acteurs de Nollywood sont faibles. Même les plus populaires gagnent entre 1 000 et 3 000 dollars par film. Seuls quelques-uns peuvent prétendre avoir des revenus plus élevés. L’actrice Omotola Jalade Ekeinde, l’un des artistes les mieux rémunérés de Nollywood, a récemment dominé le palmarès avec 5 millions de nairas (32 000 dollars) par film. Mais la popularité de Nollywood implique également de graves problèmes de piratage. La Banque mondiale estime que pour chaque copie légitime vendue, neuf autres sont piratées. En termes d'exportations, ces films sont achetés et regardés dans le monde entier - dans d'autres pays africains, en Europe, aux États-unis et dans les Caraïbes, mais la quasi-totalité des exportations sont des copies piratées. Elle ajoute qu'étant donné qu'il existe actuellement peu de canaux légaux pour exporter des films, peu ou presque pas de retours sont versés aux cinéastes et que pratiquement aucun revenu ne revient au gouvernement. La collaboration actuelle entre la Banque mondiale, le Conseil nigérian de promotion des exportations, la Commission nigériane du droit d'auteur et le Conseil national des censeurs du film et de la vidéo est donc nécessaire et urgente, estiment de nombreux analystes.