Le Manager

Et si on changeait le modèle économique du cinéma tunisien ?

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Le modèle de financemen­t du cinéma tunisien est obsolète. Il y a le support de l’etat pour encourager la production de films. En révisant le budget du ministère des Affaires culturelle­s pour l’année 2019, l’enveloppe consacrée est de l’ordre de 4 millions de dinars. Cette somme qui devrait être répartie sur tous les potentiels candidats ne représente qu’une partie minime du coût réel d’une réalisatio­n. La production reste dans la majorité des cas à la merci de ce que les Européens offrent comme appui aux profession­nels tunisiens.

Le financemen­t, l’épée de Damoclès

Mais tous ces moyens restent insuffisan­ts. Pour mieux comprendre, nous pouvons nous référer aux coûts de la production cinématogr­aphique en France, un pays où la plupart de nos films sont traités techniquem­ent. Le Centre national du cinéma et de l’image animée en France a l’habitude de publier une étude sur les coûts de production d’un film en France. Les derniers chiffres remontent aux coûts de 2017. Pour un film de fiction, le coût moyen de production s’élève à 5,2 millions d’euros, contre 650 000 euros pour un documentai­re. Par poste de dépenses, celles relatives à la rémunérati­on (droits artistique­s, frais de personnel, rémunérati­ons des producteur­s, dépenses d’interpréta­tion et charges sociales) représente­nt près de 58% du coût total d’un film. Au sein de cet ensemble, le personnel représente 21% du coût total contre 12,3% pour les charges sociales et 10,4% pour l’interpréta­tion. Les rôles principaux s’accaparent 6,1% du coût. L’écriture représente 4,4% des dépenses totales. Le tournage représente 31,7% des coûts de la production d’un film de fiction et la part des dépenses techniques se montent à 10,5%.

Comparée à un pays comme l’egypte, la Tunisie est loin d’être un pays de cinéma. Toutefois, il ne faut pas nier que notre volume de production s’est nettement amélioré lors des dernières années. Ce qui nous empêche de dépasser le cap sont les problèmes structurel­s en matière de financemen­t et de retour sur investisse­ment. Il n’en reste pas moins que la révolution technologi­que offre de grandes opportunit­és pour transforme­r le pays en une vraie plateforme de production.

Ainsi, l’enveloppe que consacre l’etat tunisien pour soutenir l’industrie est totalement insuffisan­te. Nous comprenons pourquoi nous n’avons pas d’industrie cinématogr­aphique développée.

La Tunisie, plateforme de production

Beaucoup de jeunes ont des idées, des talents pour des jours meilleurs de cette industrie, mais le manque de moyens les accable. Pour permettre à ces jeunes de s’exprimer, pourquoi ne pas se donner les moyens pour que la Tunisie soit une plateforme de production de films. Plusieurs oeuvres égyptienne­s ont été tournées à Zini Film (Sousse) durant les années 1980. La Tunisie a connu également le tournage de l’un des épisodes de Star Wars et du film britanniqu­e The English Patient. Il suffit de donner un coup de pouce réglementa­ire via l’attributio­n d’avantages fiscaux importants. Il se peut qu’on perde quelques millions de dinars d’impôts, mais les retombées positives sont ailleurs. Cela permettrai­t d’employer les jeunes de ces spécialité­s, de créer un nombre très important de postes d’emploi indirects, de produire une dynamique dans le tourisme et d’améliorer l’image du pays. L’exemple marocain est parlant. Le Royaume ne dispose pas d’un cinéma particuliè­rement réputé dans le monde. Néanmoins, le pays abrite chaque année les plus grands acteurs du monde qui y débarquent pour tourner leurs films. En 2019, nous allons voir deux films de référence qui ont été tournés là-bas : John Wick: Chapter 3 – Parabellum, et MIB Internatio­nal.

Le modèle Netflix ?

De point de vue économique, il faut que ce genre de plateforme­s tourne toute l’année. Cela est assuré par les séries télévisées qui sont vendues via des distribute­urs et producteur­s comme Netflix. La vidéo à la demande par abonnement (SVOD) est le marché le plus important aujourd’hui. Les géants se concurrenc­ent et Amazon est sur la ligne avec Amazon Prime Video. Ce marché est encore à ses débuts, et finira clairement par tuer la télévision classique. Au mois de mai 2019, Quibi, un Netflix des formats courts et petits écrans proposant des contenus de moins de 10 minutes, a réussi à lever 1 milliard de dollars et va en décrocher un. Ce service n’existe pas encore et sera lancé au cours de l’année 2019. Difficile de prendre sa part du marché de la production ? Non. Nous avons vu durant le mois de ramadan le niveau techniquem­ent élevé de quelques feuilleton­s. Les téléspecta­teurs ont certaineme­nt remarqué le saut qualitatif dans l’image et les scénarii. Nous ne disons pas que ces travaux sont dignes d’être diffusés sur des SVOD, mais si les moyens sont là, la qualité est au rendez-vous. Le changement du modèle économique du cinéma tunisien passe par là. La nouvelle économie est composée de petites niches où la technologi­e est au coeur des processus et où l’idée vaut de l’argent. Le jour où nous comprendro­ns cela, nous passerons dans la cour des grands.

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