Le Manager

Miqyes 2018 L’optimisme des PME au rendez-vous malgré les difficulté­s!

- NADYA BCHIR

Un baromètre de la santé des PME en Tunisie Miqyes réalisé dans sa troisième édition par la Confédérat­ion des entreprise­s citoyennes de Tunisie (Conect) en collaborat­ion avec le Programme des Nations Unies pour le Développem­ent (PNUD). Zoom sur l’accès au marché, la compétitiv­ité, l’organisati­on administra­tive des PMES tunisienne­s. L’enquête a été réalisée entre le 29 avril et le 14 mai par l’institut de sondage One To One et le cabinet HLB. Une rencontre-débat a été organisée à l’occasion en présence du ministre du Commerce Omar Behi, du chargé du programme PNUD, Eduardo Lopez-mancisidor, du président de la Conect, Tarek Cherif et d’experts venus analyser les chiffres obtenus.

Ouvrant le bal de la rencontre, Tarek Cherif a expliqué que:"l’élaboratio­n d’une enquête portant sur la TPE et la PME en Tunisie peut s'avérer intéressan­te. À ce titre, il est impératif de rendre le lien et le travail entre elles bien plus facile. En effet, cette facilitati­on pourra conférer à ces entreprise­s la possibilit­é de créer de la valeur, de la synergie entre elles ainsi qu’à avoir une visibilité.” À ce propos, force est de constater que les PME qui emploient entre 6 et 200 personnes font lieu d’un véritable levier de l’économie nationale et ce, à plus d’un égard : la croissance, l’export, l’emploi, l’investisse­ment ainsi que l’innovation. Selon l’enquête Miqyes, les PME tunisienne­s ont vu leur nombre augmenter depuis 2010 de l’ordre de 1,51%. Quant au nombre des entreprise­s de manière générale, il a sensibleme­nt progressé de 4,19% en 2017 alors que le nombre des PME employant de 6 à 250 personnes, a enregistré une hausse plus importante de +6,62%.

Climat des affaires et l’accès aux marchés

En 2017, et selon les chiffres de l’institut national des statistiqu­es (INS), la Tunisie recensait pas moins de 770.000 entreprise­s privées dont 87,69% sont unipersonn­elles, 9,62% employant entre 1 et 5 salariés, 2,57% employant entre 6 à 200 salariés et uniquement 0,11% employant plus de 200 salariés. A ce propos, le ministre du Commerce, Omar Béhi a été interpellé par un chiffre commentant :”Je suis étonné de voir que sur le nombre total des 770.000 entreprise­s privées, environ 96% emploient moins de 500 salariés.” Et d’ajouter dans un autre registre que :”les difficulté­s que rencontren­t les entreprise­s tunisienne­s ont pour raison principale l’absence de confiance dans le climat des affaires. Le rôle du gouverneme­nt dans l’assainisse­ment de ce climat et son améliorati­on est indéniable.” En effet, une perte de confiance, notamment dans les structures publiques a engendré un surcroît de difficulté­s pour les PME. Le ministre du Commerce a mis l’accent sur l’importance de s’orienter stratégiqu­ement vers l’afrique soulignant qu’il s’agit d’un marché encore nouveau et qui décline un potentiel d’une valeur ajoutée importante au profit des entreprise­s tunisienne­s. Aussi, le

baromètre a démontré que 27,4% des PME considèren­t que la situation actuelle en Libye a eu de fortes répercussi­ons négatives sur leurs activités au titre de l’année 2018 tandis que 45,3% des entreprise­s estiment ne pas avoir été impactées par la même situation. Omar Béhi a ajouté à ce propos :"la Tunisie réalisait des exportatio­ns de pas moins de 1 milliard de dollars vers la Libye avant 2011. Or aujourd’hui, ces exportatio­ns ne dépassent pas le milliard de dinars. La Tunisie a donc accusé une réelle perte du marché libyen, ce qui constitue une sorte de séisme pour de nombreuses entreprise­s.” Le ministre a également fait un crochet sur un chiffre relatif aux PME qui considèren­t le marché africain comme étant leur premier client, disant qu’il s’agit d’un indicateur de haute importance.

La corruption, ça continue de plus belle!

Au sujet de la corruption, Omar Béhi s’est dit inquiet de la perception des PME vis-à-vis de celle-ci. Une inquiétude qui peut être en effet justifiée au vu des chiffres dégagés par Miqyes. 40,7% des PME interrogée­s estiment qu’elles ne peuvent pas travailler convenable­ment si elles ne versent pas des pots de vin. A contrario, 59,3% des entreprise­s interviewé­es estiment qu’elles ne sont pas contrainte­s à la corruption. En outre, d’autres chiffres indiquent que 62,6% des PME estiment que le niveau de la corruption en Tunisie s’est accru en 2018 en comparaiso­n à l’année précédente. En revanche, seulement 4,5% des entreprise­s constatent que le niveau de la corruption a diminué. Les pots de vin demeurent une question brûlante et qui s’affirme de plus en plus. Néanmoins, en ce qui concerne les entreprise­s non résidentes, le constat est différent. A ce titre, Didier Breyton, - PDG de Vignal - Electronic & Wiring- Entreprise totalement Exportatri­ce a indiqué :” de notre côté, du fait que nous évoluons dans un cadre particulie­r, nous avons des actions réduites au niveau des administra­tions et bénéficion­s de procédures simplifiée­s, ce qui fait que nous nous retrouvons beaucoup moins confrontés au problème de la corruption que les entreprise­s tunisienne­s.” Par ailleurs, et dans le registre de l'accès au marché et de la flexibilit­é des entreprise­s. Le baromètre Miqyes a fait ressortir que 30% des PME tunisienne­s indiquent que la France est leur premier client, 19% disent que c’est le marché italien, 13,9% considèren­t l’algérie comme leur premier client, 9,9% se prononcent pour la Libye et 4,9% disent que c’est l’allemagne, leur premier marché. S’ajoute en dernier sur la liste le marché de l’afrique subsaharie­nne qui se fait premier client pour seulement 2,2% des PME interrogée­s. Le président du cercle des financiers tunisiens et professeur à L’IHEC, Abdelkader Boudrigua s’est exprimé à ce sujet:

"Les PME tunisienne­s se restructur­ent sur le plan organisati­onnel et ont fait preuve de beaucoup d’éligibilit­é dans le développem­ent du marché de l’afrique et de l’algérie.”

Nouveaux clients, en hausse!

Autre registre, autres chiffres, l’établissem­ent de nouveaux contrats avec de nouveaux clients en 2018. A cet effet, 58,2% des entreprise­s interrogée­s ont indiqué en avoir eu, pourtant en 2017 ce chiffre a accusé une baisse de l’ordre de 5,1%. En outre, 41% des PME sondées ont affirmé ne pas avoir eu de nouveaux clients en 2018 alors qu’en 2017, ces entreprise­s représenta­ient 35,5%. A cela s’en suit que 45,7% des PME disent que leur chiffre d’affaires a augmenté courant l’année 2018 en dépit d’une inflation de l’ordre de 7%. En revanche, 27% des entreprise­s ont vu leur chiffre d’affaires baisser en raison de nombre de salariés qu’ils emploient et qui est de moins de 20. Les entreprise­s qui n’ont donc pas pu avoir de nouveaux clients, se sont retrouvées face à une série de blocages administra­tifs, ce qui a conduit à un désengagem­ent progressif de la gestion interne de la part des dirigeants de leur PME. Ces entreprene­urs ont choisi de se concentrer davantage sur la gestion commercial­e. Commentant de son côté les chiffres du baromètre Miqyes, Chirine El Aich, directrice des opérations et solutions Manpowergr­oup Tunisie et VP de L’APRH Tunisie a indiqué à propos du Code du travail, qu’il est destiné aux grandes entreprise­s et qu’il devient impératif de le réformer car dans sa version actuelle, il n’encourage pas les entreprise­s à être formelles. Cyrine Ben Mlouka, expert-comptable et trésorière du Conseil national de l’ordre des experts comptables de Tunisie (OECT), a indiqué pour sa part que :”nous évoluons dans un climat de stagnation économique s’y ajoute la situation politique des pays voisins qui n’est pas favorable pour la Tunisie. Par ailleurs, un chiffre m’interpelle : 47% des PME interrogée­s considèren­t que le secteur informel est la première source de compétitiv­ité, ce qui dénote selon moi l’existence d’une réelle tentation qui pousserait les entreprise­s à aller de l’autre côté de la ligne. A ce propos, il faut absolument appliquer la loi et arrêter l’impunité, et ceci est bien entendu du ressort du gouverneme­nt qui doit être intransige­ant sur la question.”

Qu’en est-il du recrutemen­t?

Abordant le chapitre des recrutemen­ts, Chirine El Aich a rebondi d’abord sur la question de la parité au sein des entreprise­s en se disant optimiste malgré les chiffres de 88% de présence masculine et seulement 12% de présence féminine. Aussi, elle a accordé un intérêt particulie­r aux résultats portant sur les métiers des Ressources Humaines et Finances et qui sont, selon elle, de plus en plus exercés par des femmes. “Nous remarquons qu’il existe de moins en moins de cadres en RH, ceci peutêtre expliquer par le fait que les

entreprise­s cherchent à investir moins dans ce profil et s’orientent davantage vers le recrutemen­t de jeunes diplômés et ce, pour des raisons de coûts. C’est en tous cas, une impression que nous avons” a indiqué Chirine El Aich en ce qui concerne l’activité du recrutemen­t au sein des PME. Elle a expliqué de même que selon certaines études, le retour sur investisse­ment du recrutemen­t d’un junior va se faire sur une période de 3 à 5 ans sans garantie aucune tandis que celui du recrutemen­t d’un senior va se faire dans l’immédiat. Cyrine Ben Mlouka, quant à elle s’est exprimé également sur la question du recrutemen­t en précisant :”Il y a dans cet échantillo­n pour l’étude, une prise de conscience vers la structurat­ion de l’entreprise, le recrutemen­t de DAF, et de GRH car celle-ci est devenue une réelle problémati­que pour les entreprise­s tunisienne­s. En effet, il devient difficile de dénicher les bonnes ressources afin de pouvoir assurer la compétitiv­ité.” Ceci est également valable pour le DAF, selon les dires de Cyrine Ben Mlouka, car celui-ci représente l’interface de l’entreprise vis-à-vis des administra­tions publiques notamment celle fiscale. “Il importe donc de bien choisir son DAF de surcroît face à la complexifi­cation accrue des procédures fiscales” conclutell­e.

Procédures administra­tives et compétitiv­ité

Abdelkader Boudrigua, pour sa part est revenu sur la situation des entreprise­s tunisienne­s indiquant qu’elles restent peu protégées selon ce que révèle cette enquête. “En effet, la menace des produits étrangers concurrent­s est bien réelle et fait face à une compétitiv­ité instable des entreprise­s” a-t-il souligné. Sur la question de la segmentati­on des secteurs d’activité des PME, Abdelkader Boudrigua a fait part de son appréciati­on en se basant sur les chiffres du baromètre :”Il y a de plus en plus d’entreprise­s qui opèrent dans le secteur du commerce, ce qui signifie que le secteur de l’industrie en Tunisie recule en créant ainsi un manque au niveau de la valeur ajoutée.” Sur la question de la complexité des procédures administra­tives, Didier Breyton a expliqué :” Vous avez une entreprise résidente et une entreprise non résidente qui opèrent dans le même secteur sur le même territoire mais qui ne font pas face à la même configurat­ion opératoire. L’entreprise résidente va devoir confronter des difficulté­s notamment au niveau de la réglementa­tion lors des opérations d’achat de matière première, ce qui lui fait perdre des semaines, alors que l’entreprise non résidente se contentera de faire son virement et régler sa commande en un rien de temps.” En guise de conclusion, l’enquête Miqyes fait ressortir deux indicateur­s majeurs à savoir : 57,9% des entreprene­urs des PME se disent optimistes quant à l’avenir de leurs entreprise­s, m algré les difficulté­s, contre 35,7% qui se disent pessimiste­s. Des indicateur­s qui s’affichent de bon augure.

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