L’industrie de la mode un secteur qui tire son épingle du jeu
L’industrie de la mode ne cesse de se développer. Une offre de plus en plus personnalisable, une demande de plus en plus exigeante, et une industrie qui se digitalise à un rythme accéléré.
Le luxe et la mode sont deux univers distincts et pourtant, ils sont souvent confondus, peut-être parce que les phénomènes de mode ont été longtemps consacrés aux classes sociales les plus aisées, comme le notent certains écrivains. Mais pour ces deux industries, le rapport au temps est bien différent. Alors que la mode change et évolue, les marques de luxe, elles, s’imposent une continuité, du moins stylistique, voulant ainsi incarner une tradition et faire signe d’intemporalité. Et là où la mode s'appuie sur l’industrialisation des process de production du moins depuis la révolution industrielle pour s’adresser
au plus grand nombre, le luxe, lui, souhaite le plus souvent maintenir des pratiques de production plus artisanales et maintenir une rareté, parfois artificielle, du produit. À l’intersection des mondes de la mode (le prêt-à-porter) et du luxe (la haute couture), une catégorie plus récente a pu gagner du terrain: le design clothing. Ici, les articles sont fabriqués selon des processus industriels permettant de produire en grandes quantités, mais ils portent les noms de designers de renom tels que Giorgio Armani, Calvin Klein, Louis Vuitton, etc. Ces dernières années, le secteur s’est diversifié pour répondre aux besoins de plus en plus élaborés des consommateurs. Aux “catégories” classiques viennent aujourd’hui s’ajouter de nouvelles dénominations telles que le ready-couture. Il s’agit du prêt-àporter qui peut être personnalisé. Les prix de ces articles sont plus chers que le design clothing, mais moins cher que la haute couture.
L’habillement, un secteur en évolution
L'industrie de l’habillement revêt une grande importance pour l'économie mondiale en termes d’échanges commerciaux, d'emploi, d'investissement et de revenus et ce, partout dans le monde. Son
caractère “essentiel” fait que ce marché est en constante évolution. Au fait, pour pouvoir répondre à la demande croissante, la production mondiale en 2018 a été estimée à plus de 129 milliards de pièces, selon les chiffres du cabinet Lectra. Le marché mondial de l’habillement s’élève, selon un rapport d’euromonitor, à plus de 1700 milliards de dollars. Le plus grand marché du textile n’est autre que l’union Européenne, avec un marché estimé en 2015 à 350 milliards de dollars, suivi des États-unis (315 milliards de dollars) et la Chine (237 milliards de dollars). Le Français Christian Dior, qui a ouvert ses portes en 1947 au coeur de Paris d'après-guerre, reste le plus grand détaillant de l'habillement au monde. Selon les chiffres de Forbes, les ventes de la marque ont enregistré une progression à deux chiffres pour atteindre un record de 44 milliards d'euros. La présence de Christian Dior à la tête de l’industrie de l’habillement reflète la prédominance de la France dans ce secteur. De fait, environ 25% des ventes mondiales sont réalisées par des entreprises françaises. Selon la direction générale des entreprises, ceci équivaut à un chiffre d’affaires direct de l’ordre de 150 milliards d’euros et à une valeur ajoutée de plus de 36 milliards d’euros ce qui représente 1,7% du PIB, soit davantage que l’aéronautique et la construction automobile réunis.
Le conte de deux capitales de la mode
Si la France a pu se hisser au sommet de la pyramide mondiale de la mode, c’est grâce à une longue tradition dans le secteur qui remonte au XVIIIÈME siècle. Le secteur compte aujourd’hui plus de 4500 entreprises et 576 000 emplois selon le DEFI. Et avec un taux moyen d’export de 86% en 2017, il est évident que le secteur contribue positivement à la balance commerciale du pays. L’industrie de la haute couture est particulièrement développée en France, où une entreprise industrielle sur 13 est active dans le domaine du luxe et de la mode. Cependant, l'industrie est très concentrée autour d’un petit nombre d’entreprises vu que la France compte trois des dix plus grands groupes mondiaux: LVMH (Christian Dior, Bodega, Guerlain, …), Kering (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga, …), et l’oréal Luxe (Ralph Lauren, Lancôme, Giorgio Armani, …). La haute couture est aussi dans les veines de Beyrouth, le Paris du Moyen-orient. La capitale libanaise, tout comme la capitale française, abrite quelques-uns des meilleurs créateurs de la région, tels qu' Elie Saab et Zuhair Murad. La marque libanaise Rami Kadi, qui compte Beyoncé et Jennifer Lopez parmi ses fans, alors que les robes de Azzi & Osta ont été portées par Cardi B et la reine Rania de Jordanie. Malgré cet essor, Beyrouth ne dispose pas d’un grand événement de la mode qui réunit les créateurs libanais sous un seul toit, à l’instar des Fashion Weeks parisiennes, londoniennes ou encore tunisoises. Mais ceci n’est qu’un signe parmi d’autres de la grande fragmentation du secteur : contrairement à leurs homologues français, les plus gros industriels libanais représentent moins de 1% du nombre total d'industries dans le pays. L’industrie de la mode en France profite également de l’essor de son tourisme puisque la mode représente 30% des dépenses des touristes à Paris. Et, selon les chiffres de la direction générale des entreprises en France, les retombées économiques pour les 6 semaines de Fashion Weeks annuelles sont estimées à plus de 1.2 milliard d’euros. À Beyrouth, en revanche, le nombre de touristes arabes, qui accaparaient de 25 à 50% des volumes de vente, est à la baisse sous l’impulsion de l’instabilité géopolitique qui règne dans la région. Autre problème récurrent pour les créateurs libanais : une distribution lacunaire. De fait, les boutiques multimarques sont non seulement rares mais aussi elles se montrent peu enthousiastes vis-àvis des créateurs locaux.
Comment financer la prochaine génération de créateurs ?
La France insiste à monopoliser encore plus longtemps le titre de capitale mondiale de la mode et de la haute couture. Le pays a vu en effet la multiplication des initiatives visant à financer et à accompagner les jeunes créateurs. Bpifrance, par exemple, a lancé Mode, luxe et beauté, un fonds d’investissement dédié au financement des entreprises du secteur. En parallèle, des incubateurs dédiés à l’industrie de la mode ont vu le jour tels que Look Forward qui accompagne, chaque année, 15 startups et leur offre l’hébergement, la mise à disposition d’une équipe d’experts et la mise en relation avec les écosystèmes de la mode et du digital. La réalité est tout autre pour les créateurs libanais qui se trouvent obligés de passer par des prêts personnels assortis de taux d'intérêt très élevés pour financer leurs activités. D’après l’étude préparée par Endeavour Lebanon, seuls 7% des créateurs libanais ont pu bénéficier d'un prêt subventionné de la part de Kafalat, une institution financière libanaise gérée par l’institut National de Garantie des Dépôts. La bonne nouvelle est que les conditions d’accès au financement pour les créateurs de mode pourraient s’améliorer : le fonds d’investissement Byratech II, qui a été lancé l’an dernier, s’intéresse, entre autres, aux startups de la mode.