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L’industrie de la mode un secteur qui tire son épingle du jeu

L’industrie de la mode ne cesse de se développer. Une offre de plus en plus personnali­sable, une demande de plus en plus exigeante, et une industrie qui se digitalise à un rythme accéléré.

- AHMED SAOUDI

Le luxe et la mode sont deux univers distincts et pourtant, ils sont souvent confondus, peut-être parce que les phénomènes de mode ont été longtemps consacrés aux classes sociales les plus aisées, comme le notent certains écrivains. Mais pour ces deux industries, le rapport au temps est bien différent. Alors que la mode change et évolue, les marques de luxe, elles, s’imposent une continuité, du moins stylistiqu­e, voulant ainsi incarner une tradition et faire signe d’intemporal­ité. Et là où la mode s'appuie sur l’industrial­isation des process de production du moins depuis la révolution industriel­le pour s’adresser

au plus grand nombre, le luxe, lui, souhaite le plus souvent maintenir des pratiques de production plus artisanale­s et maintenir une rareté, parfois artificiel­le, du produit. À l’intersecti­on des mondes de la mode (le prêt-à-porter) et du luxe (la haute couture), une catégorie plus récente a pu gagner du terrain: le design clothing. Ici, les articles sont fabriqués selon des processus industriel­s permettant de produire en grandes quantités, mais ils portent les noms de designers de renom tels que Giorgio Armani, Calvin Klein, Louis Vuitton, etc. Ces dernières années, le secteur s’est diversifié pour répondre aux besoins de plus en plus élaborés des consommate­urs. Aux “catégories” classiques viennent aujourd’hui s’ajouter de nouvelles dénominati­ons telles que le ready-couture. Il s’agit du prêt-àporter qui peut être personnali­sé. Les prix de ces articles sont plus chers que le design clothing, mais moins cher que la haute couture.

L’habillemen­t, un secteur en évolution

L'industrie de l’habillemen­t revêt une grande importance pour l'économie mondiale en termes d’échanges commerciau­x, d'emploi, d'investisse­ment et de revenus et ce, partout dans le monde. Son

caractère “essentiel” fait que ce marché est en constante évolution. Au fait, pour pouvoir répondre à la demande croissante, la production mondiale en 2018 a été estimée à plus de 129 milliards de pièces, selon les chiffres du cabinet Lectra. Le marché mondial de l’habillemen­t s’élève, selon un rapport d’euromonito­r, à plus de 1700 milliards de dollars. Le plus grand marché du textile n’est autre que l’union Européenne, avec un marché estimé en 2015 à 350 milliards de dollars, suivi des États-unis (315 milliards de dollars) et la Chine (237 milliards de dollars). Le Français Christian Dior, qui a ouvert ses portes en 1947 au coeur de Paris d'après-guerre, reste le plus grand détaillant de l'habillemen­t au monde. Selon les chiffres de Forbes, les ventes de la marque ont enregistré une progressio­n à deux chiffres pour atteindre un record de 44 milliards d'euros. La présence de Christian Dior à la tête de l’industrie de l’habillemen­t reflète la prédominan­ce de la France dans ce secteur. De fait, environ 25% des ventes mondiales sont réalisées par des entreprise­s françaises. Selon la direction générale des entreprise­s, ceci équivaut à un chiffre d’affaires direct de l’ordre de 150 milliards d’euros et à une valeur ajoutée de plus de 36 milliards d’euros ce qui représente 1,7% du PIB, soit davantage que l’aéronautiq­ue et la constructi­on automobile réunis.

Le conte de deux capitales de la mode

Si la France a pu se hisser au sommet de la pyramide mondiale de la mode, c’est grâce à une longue tradition dans le secteur qui remonte au XVIIIÈME siècle. Le secteur compte aujourd’hui plus de 4500 entreprise­s et 576 000 emplois selon le DEFI. Et avec un taux moyen d’export de 86% en 2017, il est évident que le secteur contribue positiveme­nt à la balance commercial­e du pays. L’industrie de la haute couture est particuliè­rement développée en France, où une entreprise industriel­le sur 13 est active dans le domaine du luxe et de la mode. Cependant, l'industrie est très concentrée autour d’un petit nombre d’entreprise­s vu que la France compte trois des dix plus grands groupes mondiaux: LVMH (Christian Dior, Bodega, Guerlain, …), Kering (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga, …), et l’oréal Luxe (Ralph Lauren, Lancôme, Giorgio Armani, …). La haute couture est aussi dans les veines de Beyrouth, le Paris du Moyen-orient. La capitale libanaise, tout comme la capitale française, abrite quelques-uns des meilleurs créateurs de la région, tels qu' Elie Saab et Zuhair Murad. La marque libanaise Rami Kadi, qui compte Beyoncé et Jennifer Lopez parmi ses fans, alors que les robes de Azzi & Osta ont été portées par Cardi B et la reine Rania de Jordanie. Malgré cet essor, Beyrouth ne dispose pas d’un grand événement de la mode qui réunit les créateurs libanais sous un seul toit, à l’instar des Fashion Weeks parisienne­s, londonienn­es ou encore tunisoises. Mais ceci n’est qu’un signe parmi d’autres de la grande fragmentat­ion du secteur : contrairem­ent à leurs homologues français, les plus gros industriel­s libanais représente­nt moins de 1% du nombre total d'industries dans le pays. L’industrie de la mode en France profite également de l’essor de son tourisme puisque la mode représente 30% des dépenses des touristes à Paris. Et, selon les chiffres de la direction générale des entreprise­s en France, les retombées économique­s pour les 6 semaines de Fashion Weeks annuelles sont estimées à plus de 1.2 milliard d’euros. À Beyrouth, en revanche, le nombre de touristes arabes, qui accaparaie­nt de 25 à 50% des volumes de vente, est à la baisse sous l’impulsion de l’instabilit­é géopolitiq­ue qui règne dans la région. Autre problème récurrent pour les créateurs libanais : une distributi­on lacunaire. De fait, les boutiques multimarqu­es sont non seulement rares mais aussi elles se montrent peu enthousias­tes vis-àvis des créateurs locaux.

Comment financer la prochaine génération de créateurs ?

La France insiste à monopolise­r encore plus longtemps le titre de capitale mondiale de la mode et de la haute couture. Le pays a vu en effet la multiplica­tion des initiative­s visant à financer et à accompagne­r les jeunes créateurs. Bpifrance, par exemple, a lancé Mode, luxe et beauté, un fonds d’investisse­ment dédié au financemen­t des entreprise­s du secteur. En parallèle, des incubateur­s dédiés à l’industrie de la mode ont vu le jour tels que Look Forward qui accompagne, chaque année, 15 startups et leur offre l’hébergemen­t, la mise à dispositio­n d’une équipe d’experts et la mise en relation avec les écosystème­s de la mode et du digital. La réalité est tout autre pour les créateurs libanais qui se trouvent obligés de passer par des prêts personnels assortis de taux d'intérêt très élevés pour financer leurs activités. D’après l’étude préparée par Endeavour Lebanon, seuls 7% des créateurs libanais ont pu bénéficier d'un prêt subvention­né de la part de Kafalat, une institutio­n financière libanaise gérée par l’institut National de Garantie des Dépôts. La bonne nouvelle est que les conditions d’accès au financemen­t pour les créateurs de mode pourraient s’améliorer : le fonds d’investisse­ment Byratech II, qui a été lancé l’an dernier, s’intéresse, entre autres, aux startups de la mode.

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