Les fintechs sont-elles suffisamment disruptives à l’ère des cryptomonnaies ?
Hasard du calendrier, le démarrage de la quatrième édition du Sitic Africa a coïncidé avec l’annonce faite par Facebook de sa nouvelle monnaie digitale, la Libra. Celle- ci vise essentiellement à accélérer l’inclusion financière dans le monde, notamment en Afrique.
Cryptomonnaie ou fintech, faut-il choisir ?
Soutenue par des mastodontes de l’économie numérique en Amérique du Nord et en Europe tels que Ebay, Visa, Mastercard ou encore Paypal, la Libra a un vrai potentiel pour changer à jamais la manière dont un grand nombre de personnes échangent sur internet, a souligné Frédéric Dingemans, CEO de la fintech française Opari. Cette monnaie ouvre la porte à un grand nombre d’innovations qui, jusqu’alors, n’étaient qu’un rêve lointain. Selon l’expert, les institutions financières classiques risquent de ne plus jamais être en mesure de faire face à cette concurrence. Mais ceci ne serait pas facile. “Les institutions financières sont figées dans leur incapacité à développer de nouveaux services de manière compétitive”, a-t-il indiqué. Tout espoir n’est cependant pas perdu, du moins selon le fondateur d’opari qui estime que les banques et les autres institutions financières sont de plus en plus appelées à s’ouvrir aux collaborations avec les startups financières. “Une fintech est en mesure de s’aligner, plus rapidement et plus facilement, aux attentes des clients, en complétant l’offre des institutions classiques”, a-t-il indiqué. Et si les fintechs ont cette capacité inégalée de s’adapter, c’est grâce notamment aux leviers technologiques dont elles peuvent profiter. Contrairement aux banques, ces fintechs peuvent faire usage des énormes capacités de traitement de données rendues très accessibles par le cloud. Ceci leur confère une flexibilité inédite en termes de déploiement de leurs solutions de la manière la plus adaptée aux besoins des clients. De même, la popularisation de l’usage des Au
Et de 4! Le Salon international des TIC en Afrique, Sitic Africa, a tenu, du 18 au 20 juin dernier, sa 4ème édition. La fintech et les innovations financières étaient au coeur de l’édition 2019. Focus.
tomated programming Interface (API) a contribué à l’accélération de la mise en production des services. Ces API permettent d’accéder de manière simple et uniforme à des services tiers permettant d’intégrer facilement des fonctionnalités de différents fournisseurs de services. Il est donc plus facile pour ces entreprises de modeler, en peu temps, leur offre afin qu’elle réponde aux besoins des consommateurs. “Ceci a même donné naissance à de nouveaux modèles tels que le Service-as-a-service”, à l'instar d UK Yc-as-a-service, par exemple, a expliqué Christophe Beaugendre, fondateur de IT risk assurance chez EY. Les blockchains et le système financier actuel ne sont pas mutuellement exclusifs. En effet, la blockchain peut également être utile aux fintechs et aux institutions financières classiques. “Elle permet de créer des relations de confiance entre des opérateurs ”, a indiqué Christophe Dingemans. En effet, la nature distribuée de la blockchain permet de s’assurer de l'authenticité et de la véracité des données sans qu’il y ait recours à une tierce personne de confiance, comme c’est le cas actuellement. Alors, blockchain ou pas blockchain ? Selon Christophe, ce qui fera le succès d’une technologie au détriment de l’autre n’est autre que l’expérience utilisateur. Celle qui offrira l’expérience la plus fluide et permettra de sécuriser plus facilement ses transactions finira par intéresser les consommateurs. Or, dans plusieurs institutions, la structure est encore product centric et non pas user centric. “Il faut mettre l’expérience client au coeur du processus de conception et de mise en place de services, ainsi que tout au long du chemin de leur évolution”, a souligné l’interlocuteur. L’urgence de digitalisation étant établie et la menace des cryptomonnaies étant plus que jamais réelle, Dingemans craint que les institutions financières soient tentées de lancer des projets de digitalisation sans prendre le temps nécessaire pour bien les étudier. Une telle approche peut avoir des effets très néfastes. Que faire alors? Mettre le cadre réglementaire adéquat pour régir la fintech et réduire les risques qui découle de la “libéralisation” du secteur. Mais la régulation, censée protéger les citoyens, peut se transformer en un frein à l’innovation, a averti Christophe Beaugendre. “Il faut donc trouver un équilibre entre la protection des citoyens et l’adoption rapide des solutions innovatrices”.
Où en sont les banques?
“Après avoir bénéficié d’une position presque monopolistique pendant des décennies, le système bancaire est en profonde mutation”, a indiqué Ahmed Karam, président de l’association tunisienne des banques et des établissements financiers. “Aujourd’hui, nous avons les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) qui ont mis les banques dans leur ligne de mire”, a-t-il averti. “En fin de compte, nous sommes des ouvriers de l’information—le pétrole du Xxième siècle. Ces entreprises ont les moyens de réussir grâce au big data et à l’intelligence artificielle”. Karam n’a pas oublié les opérateurs, qui veulent aussi leur part du gâteau comme ils l’ont déjà fait en d’autres pays d'afrique. Les opérateurs mobiles disposent d’une large base d’utilisateurs estimée à quelques centaines de milliers et d’une grande capacité de traitement de l’information. La solution ? “Amis banquiers et investisseurs, il faut investir dans la technologie”, a conclu le banquier. Pour Anouar Maarouf, ministre des TIC et de l’economie numérique, le digital doit être un élément d’inclusion, en l’occurrence financière. La transformation digitale, a-til ajouté, doit être considérée en Afrique comme un outil essentiel pour la création de richesse. Pour ce faire, il est primordial pour l’afrique d’installer une infrastructure capable de connecter des centaines de millions de personnes. Ce backbone pourrait être complété avec des services à haute valeur ajoutée développés par et pour les Africains. Le ministre a rappelé dans ce cadre que la Tunisie fait partie de Smart Africa, une “alliance pour des projets concrets et innovants”. À travers cette initiative, la Tunisie compte partager “ce que nous avons mis en place dans le cadre de la Startup Act avec les autres pays du continent”, a ajouté Maarouf. Le chemin ne sera ni facile, ni court, certes. Mais nous n’avons pas le choix. La seule option pour l’économie nationale est le numérique.
Les institutions financières sont figées dans leur incapacité à développer de nouveaux services de manière compétitive”