THE TONE AT THE TOP Le secret du développement de votre entreprise
L’histoire a eu lieu au début de ma carrière quand j’ai dû intervenir pour réaliser un inventaire physique des stocks d’une société commercialisant des produits sidérurgiques. Le résultat était un manque de 400 000 TND ce qui représentait 20% de la valeur des stocks.
Parmi les décisions prises pour remédier à cette situation était de placer à la tête du magasin une personne expérimentée et intègre. Ce nouveau responsable a été rejeté par l’équipe et a été poussé à présenter sa démission au bout d’un mois de travail. Le hasard a fait que la société a subi durant la même période un redressement fiscal de l’ordre de 20 000 TND seulement. « Je me croyais en train de frauder le fisc en encourageant les ventes en black mais en fait je me retrouve face à une bande d’employés qui me volent ». C’était la conclusion tirée par le chef de l’entreprise et qui m’a toujours marqué. C’est dire combien le comportement des dirigeants influence celui des employés.
The tone at the top
La liaison entre les comportements malsains au sein d’une organisation et le TONE AT THE TOP des dirigeants a toujours été sujet de l’attention des chercheurs. Le TONE AT THE TOP fait référence à l’environnement éthique créé à l’intérieur du lieu du travail par les dirigeants occupant le sommet de la hiérarchie d’une organisation. Quel que soit le ton mis en place, les employés seront impactés par le comportement des dirigeants et adopteront d’une façon induite les valeurs incarnées par leurs supérieurs. Ainsi, si le ton mis en place par les dirigeants soutient l’éthique et l’intégrité, les employés seront plus aptes à adopter ces mêmes valeurs. En revanche, si les dirigeants sont plus occupés par les résultats financiers et donnent peu d’importance aux valeurs morales, les employés ne sentiront pas la nécessité de suivre un comportement éthique et prôneront par conséquent un comportement malsain. En effet, les individus au sein d’une organisation accordent plus d’attention aux comportements et aux actions de leurs supérieurs et suivront d’une manière inconditionnée leurs leaders. Aux Etats-unis, les études ont montré que la cupidité des top managers et la quête des gains financiers étaient à l’origine de la destruction de plusieurs entreprises, de l’évaporation de l’épargne des actionnaires et de la disparition de plusieurs postes d’emploi détenus par des innocents. Les dirigeants de ENRON et de WORLDCOM sont devenus les exemples d’un mauvais TONE AT THE TOP. D’une manière consciente ou non, ils ont fait passer à leurs subordonnés un message impliquant qu’il est permis de se comporter d’une manière inappropriée dès lors que cela est profitable à l’organisation. Les dirigeants de ces entreprises ont mis la pression sur leurs équipes pour atteindre des performances financières peu réalistes, et du coup ils ont autorisé les employés à faire ce qu’ils peuvent faire et à suivre un comportement probablement malsain pour atteindre les objectifs. Pour les dirigeants ainsi que les employés, le résultat justifie le moyen.
Que doivent faire les dirigants?
Le référentiel COSO considère que THE TONE AT THE TOP joue un rôle crucial dans la mise en place d’un environnement favorable pour la
robustesse de l’organisation et de ses capacités à atteindre les objectifs. Selon le COSO, les dirigeants doivent suivre quatre importantes étapes : • Communiquer aux employés ce qui est attendu d’eux • Gérer par l’exemple • Prévoir un mécanisme de dénonciation des comportements inappropriés • Récompenser le comportement éthique Il est attendu que les dirigeants d’une organisation soient exemplaires dans la conduite des affaires en développant des valeurs morales, une philosophie et un style de gestion. Ces dirigeants sont influencés par les normes sociales et éthiques du marché dans lequel l’organisation opère. Ils doivent ainsi : • Prendre en compte les attentes des diverses parties prenantes notamment les employés, les fournisseurs, les clients, les investisseurs et la communauté au sens large. • Renforcer la compréhension et l’adhésion aux obligations réglementaires et légales • Prendre les mesures nécessaires pour établir le ton sur le plan moral, social, environnemental et toute autre forme de comportement responsable. A titre d’exemple, l’adhésion aux mouvements sociaux tendant à réparer les dégâts des catastrophes naturelles et aux mouvements soutenant le développement durable. L’énoncé de la mission et des valeurs de l’entreprise ainsi que son code de conduite peuvent être une manière pour montrer le comportement attendu du dirigeant. Les politiques et les pratiques de gestion ainsi que les guides et les supports sont aussi une autre forme pour faire apparaitre ce comportement. Les actions et les décisions des dirigeants de tous les niveaux hiérarchiques sont aussi un moyen pour donner l’exemple et communiquer aux employés la manière avec laquelle ils doivent se comporter. Il est important aussi de signaler l’importance de l’attitude des dirigeants face à toute déviation comportementale. Fermer les yeux et s’abstenir de sanctionner est de nature à remettre en cause leur engagement envers l’éthique et les valeurs morales. Par ailleurs, le ton peut être affecté par le style de gestion des dirigeants et leur conduite personnelle, par leur attitude face aux risques, ainsi que par leur degré d’agressivité ou de conservatisme. En effet, l’indiscrétion des dirigeants, l’inacceptation des mauvaises nouvelles, et l’adoption d’un système de rémunération injuste sont des exemples de facteurs qui peuvent affecter négativement la culture de l’organisation et peuvent constituer des incitatifs pour des conduites inappropriées.
Les freins à l’efficacité du TONE AT THE TOP
En dépit des efforts fournis par les dirigeants pour instaurer un TONE AT THE TOP positif, l’efficacité de leurs messages peut se heurter à certaines barrières empêchant les collaborateurs de se conduire selon les normes d’éthique exigées par les dirigeants. Ces freins peuvent se manifester à travers : • Le comportement de leurs pairs : la manière avec laquelle se comportent certains employés peuvent influencer le comportement de leurs collègues. Si elle est positive, l’impact serait aussi positif et vice versa. • Les pratiques du secteur : les pratiques observées d’un jour à l’autre dans le secteur d’activité de l’organisation impacteront à leur tour le comportement des employés. Le comportement immoral et répétitif du secteur devient normal et accepté par les employés et les dirigeants auront du mal à redresser la barre. A titre d’exemple, s’il est fréquent dans le secteur de servir des pots-de-vin, il sera difficile aux dirigeants d’interdire cette pratique. • Le climat moral de la société: la plupart des gens n’aiment pas se voir humilier par leurs amis ou par leurs familles à cause d’un comportement immoral. Cependant, si la société considère acceptable et tolérable un comportement particulier comme la fraude fiscale dans certains pays, les dirigeants auront aussi du mal à corriger les personnes adoptant ce comportement. Pour conclure, un ton cohérent aide à rassembler les efforts de l’organisation dans la poursuite des objectifs de l’entité. Cependant, des défis pour maintenir cette cohérence peuvent survenir sous différentes formes et il appartient aux dirigeants d’y faire face car plus les messages sont cohérents, plus la capacité de l’organisation à poursuivre ses objectifs est forte. Le ton au sommet de l’organisation est primordial pour le bon fonctionnement du contrôle interne d’une organisation. Sans un ton fort et consistant supportant une bonne culture, l’identification et l’évaluation des risques, empêchant la réalisation des objectifs, sera compromise, les actions tendant à atténuer les risques seront mal définies et non poursuivies, le système d’information sera incapable de produire des informations de qualité, et la communication au sein de l’organisation sera probablement altérée. Pour ces raisons, THE TONE AT THE TOP peut constituer un frein pour le développement de la robustesse de l’organisation comme il peut être un élément moteur.