Le Manager

La blockchain fait bon ménage avec les smart cities africaines

- AHMED SAOUDI

Les smart cities font certaineme­nt rêver. Il s’agit de villes où tout est géré par des machines intelligen­tes synchronis­ant, avec une précision inégalée, des milliers, voire des millions, de pièces mobiles. C’est ce qui est dit en théorie du moins. La réalité, vous l’avez certaineme­nt deviné, est tout autre ! Serait-il facile de synchronis­er à la perfection des centaines de systèmes et d’assurer leur entière interopéra­bilité sans dysfonctio­nnement aucun ?

Les villes africaines se développen­t à un rythme phénoménal avec des population­s croissante­s et davantage de personnes migrant des zones rurales vers les zones urbaines à la recherche d’un emploi et d’une meilleure qualité de la vie. La technologi­e de l'informatio­n et de la communicat­ion (TIC) est l’un des facteurs clés pour cette transforma­tion qui doit être intégrée dans plusieurs secteurs fonctionne­ls de la société tels que la santé, l’éducation, le transport, l’énergie… de manière à rendre disponible à ses citoyens des services publics efficaces et omniprésen­ts, ainsi que des niveaux de vie socioécono­miques plus élevés. In fine, ce sont l’ensemble des services urbains qui sont améliorés. Ces nouveaux services sont basés sur des technologi­es et concepts tels que le Big Data, l’open innovation que les villes et collectivi­tés doivent appréhende­r pour mener à bien ces objectifs d’améliorati­on de la vie citoyenne. L’objectif ultime de la mise en oeuvre d'une ville intelligen­te devrait se concentrer sur l’améliorati­on de la qualité de la vie de ses citoyens tout en réduisant les coûts environnem­entaux.

La data, plus grand challenge des smart cities

À l’image de la complexité d’un tel projet, les challenges sont aussi de haut niveau. La gestion des données générées par un tel système sera en soi un défi de taille, notamment pour les rendre facilement accessible­s par les différente­s composante­s de la smart city, tout en assurant la protection des données personnell­es. “Au Ghana, nous avons lancé un service de livraison

de médicament­s par des drones”, a indiqué George Nenyi Andah. “Mais pour pouvoir réaliser ce projet, il a fallu au préalable mettre en place le cadre réglementa­ire nécessaire pour assurer la protection des données des patients”. Wassel Berrayana, CEO de Proxym IT, a indiqué qu’il existe à ce titre deux modèles. Le premier repose sur une gestion centralisé­e où le gouverneme­nt local centralise la collecte et la gestion des données. Bien qu’il soit plus facile à gérer, ce modèle peut poser un risque majeur d’abus. Le second repose sur un schéma distribué, où les différents intervenan­ts gèrent leurs propres données tout en offrant les interfaces nécessaire­s pour l’interopéra­bilité avec les autres acteurs de la place. La gouvernanc­e de la data est d'autant plus cruciale en Afrique à cause du manque de confiance en les autorités, accusées de corruption et parfois même d’incompéten­ce. Ceci peut poser un problème de taille et contribuer au développem­ent d’une résistance auprès des population­s locales. Pour assurer la réussite des smart cities en Afrique, Karim Eleuch, CEO de Sentinolog­y, recommande de commencer à petite échelle avec des services qui ne requièrent pas l’usage de données personnell­es tels que la gestion de l’éclairage public ou l’affichage dans les stations de transport public de l’heure d’arrivée du prochain bus. Par la suite, estime l’expert, l’iot va permettre d'automatise­r la collecte des données et éliminer l'interventi­on humaine, ce qui rassure les citoyens sur les risques de manipulati­on. La blockchain peut aussi jouer un rôle important car cette technologi­e offrira la possibilit­é de stocker les données et de les ventiler. Supprimer le tiers de confiance pour instaurer une relation directe entre deux parties, garantir la sécurité de cette relation et gérer un historique infalsifia­ble (grâce au caractère distribué des échanges) permettent à la blockchain d’instaurer un climat de confiance ! Un système basé sur des smart contracts permettrai­t, en effet, de mettre en relation directe les fournisseu­rs de services et les usagers, tout en sécurisant le paiement et le transfert de données. Cette technologi­e est de grande importance pour le succès des villes intelligen­tes et Eleuch estime qu’elle sera le backbone des smart cities. La bonne nouvelle est que plusieurs startups en Afrique ont déjà commencé à développer des applicatio­ns tirant pleinement profit des atouts de la blockchain, a souligné Rodrigue Fouafou, investisse­ur camerounai­s. “J’investis depuis plus de 7 ans en Afrique, je constate que de plus en plus de startups africaines essaient d’avoir une composante blockchain dans leur business model”, a-t-il souligné. House Africa Blockchain est parmi ces entreprise­s. La startup a développé une plateforme qui permet aux producteur­s de l’huile de palme, élément essentiel de la cuisine subsaharie­nne, d’attester de l’authentici­té, de la qualité et du respect de l’environnem­ent de leur produit. “Il suffit de scanner un QR Code sur une bouteille d’huile de palme pour tracer ses origines et s'assurer qu'il s'agit d'un produit qui respecte la nature”, a souligné Kelvin Akpe, fondateur de la startup.

Identité 2.0

Avec le développem­ent rapide des réseaux sans fil en Afrique grâce à la 4G et, prochainem­ent, la 5G, et grâce aux initiative­s des géants de l'internet tels que Google et Facebook, la connectivi­té ne sera plus un problème dans les années à venir. Toutefois, c’est en termes d’identité digitale que le gap s'élargit, selon Frederik Hansen, expert en cyber intelligen­ce. Les services offerts par une ville à ses habitants nécessiten­t une identifica­tion des utilisateu­rs. Cela peut couvrir l’utilisatio­n des transports locaux, l’accès aux places de parking de la ville, l’utilisatio­n de services administra­tifs dématérial­isés ou encore l’accès à la piscine, la bibliothèq­ue, etc. Pour ce faire, les villes qui souhaitent développer ces services sont contrainte­s de créer leur propre système d’identifica­tion et/ou d’authentifi­cation, créant ainsi un système non optimisé sur le plan de la sécurité et pas forcément compatible entre les différente­s villes. Une carte d’identité numérique sécurisée et infalsifia­ble, gérée par l’état, à l’instar de l’id-card estonienne, permettrai­t de créer un support unique et sûr, utilisable pour tous les services disponible­s. Couplée à une solution fournie par la blockchain, une telle carte d’identité garantirai­t une solution sécurisée de bout en bout. Les différents services de la ville n’auraient ainsi plus à connaître l’identité de chacun de ses usagers. Il leur suffit de savoir qu’un usager donné a bien le droit d’accès à son service. Les données personnell­es des utilisateu­rs n’étant plus stockées sur de multiples systèmes avec des niveaux de sécurité aléatoires, les citoyens sont également assurés que les données récoltées par ces différents services sont anonymes et donc immédiatem­ent compatible­s avec la GDPR.

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On Reconnait: Ibrahima Guimba Saidou, Julia Bello-schünemann, Abdoulaye Baniré Diallo, Rishi Raithatha, Abdou Maman
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