Entreprises allemandes en Tunisie Inflation, change et énergie les 3 chagrins de L’AHK
Si les entreprises allemandes installées chez nous continuent de croire en la Tunisie, chiffres à l’appui, elles viennent d’avertir par le truchement du dernier baromètre de la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (AHK) de l’urgence de trouver une solution à l’inflation du dinar tunisien, au taux de change et à la hausse des prix de l’énergie et des matières premières.
L’AHK a rarement mesuré des résultats aussi positifs ; seuls en 2007 et en 2010 des chiffres similaires ont été réalisés’’, atteste Jörn Bousselmi, DG de la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (AHK).
Le propos est clair : les entreprises allemandes continuent de croire en la Tunisie et la dernière édition du baromètre sur la situation et les perspectives des entreprises allemandes en Tunisie le dit sans ambages. Un baromètre issu d’une approche équilibrée qui cherche essentiellement à trouver les réponses aux questions sur le climat d'affaires, les investissements et la main-d'oeuvre et qui intègre, pour la première fois, les entreprises tunisiennes membres aux côtés des entreprises allemandes.
‘’Un bilan positif mais on pourrait mieux faire’’
Les chiffres prouvent que ces entreprises ont deux fois plus confiance en leur propre capacité et 61% croient même en une amélioration du développement économique en Tunisie en 2019 malgré le climat général peu stable alors que 64% des entreprises ont enregistré une hausse positive de leur chiffre d’affaires en 2018. Cette hausse enregistrée depuis 2012 a atteint à nouveau cette année le record déjà enregistré avant la révolution (en 2007 et 2010) et, pour 2019, 68% des entreprises s’attendent à une augmentation du chiffre d’affaires et prévoient d’investir davantage. De plus, les entreprises exportatrices révèlent une ambiance encore plus positive et presque un entrepreneur sur deux juge la situation satisfaisante et si les investissements avaient augmenté de 12% en 2018, cette même hausse a été prévue à nouveau pour 2019. Côté embauche, 52% ont augmenté le nombre de leurs employés en 2018 et une entreprise sur deux prévoit d'accroître son effectif en 2019. Des chiffres à analyser pour en faire ressortir les tendances de confiance et c’est ce que tente Ibrahim Debbèche, président de L’AHK : ‘’Notre baromètre permet d’avoir le pouls des entreprises tuniso-allemandes auxquelles nous avons intégré le côté tunisien pour en élargir le spectre. Il est important de sentir la perception de ces entreprises allemandes par rapport à d’autres destinations en concurrence avec le site Tunisie. Le sentiment de confiance dans ce site persiste, que ce soit au niveau du CA que ceux de l’évolution des effectifs et de la volonté d’investir de la majorité. Les chiffres montrent cette confiance.
Mais nous avons le devoir de nous poser des questions. Est-ce que nous avons de nouveaux projets ? Il y en a quelquesuns mais pas suffisamment. Comment en attirer plus ? D’autres sites concurrents sont capables d’attirer plus d’investissements, on voit des signes d’alerte car la stabilité politique est importante, la stabilité économique aussi… Oui, nous avons un bilan positif mais on pourrait faire mieux.’’
Attention au climat des affaires
Mieux faire ? Comment ? C’est Jörn Bousselmi, DG de L’AHK, qui répond : ‘’Il existe plusieurs axes à améliorer, à commencer par le fait que 50% des entreprises allemandes et tunisiennes considèrent l’actuel taux de change comme l’une des plus importantes menaces à leur succès économique. Le taux de change, qui figurait avec 51% des réponses parmi les trois meilleurs atouts de la Tunisie en 2015, a fait volte-face pour représenter aujourd’hui la préoccupation majeure de ces entreprises. De plus, l’on a vu émerger une nouvelle inquiétude face à la hausse des prix de l’énergie et des matières premières. Ce sujet occupe d’ailleurs pour la première fois le top 3 des inquiétudes des sociétés qui vont de la stabilité au taux de change en passant par l’éducation, le coût de la main-d’oeuvre et sa disponibilité, les avantages fiscaux, le soutien de l'etat, la formation professionnelle…’’
Quand on observe le baromètre de L’AHK selon la perspective du climat des affaires, il y a d’abord la redécouverte des anciens atouts. Selon le baromètre de L’AHK, même si les entreprises sont passablement sceptiques quant au potentiel de croissance de la Tunisie, elles continuent à apprécier les atouts du pays au sommet desquels se situe indiscutablement la proximité géographique par rapport à l’europe. Ensuite, ce sont les coûts de production compétitifs, le bon niveau d’éducation et les coûts de la main-d’oeuvre ainsi que la disponibilité de celle-ci. Chez les entreprises exportatrices, l’optimisme règne alors que les projets d’investissement des entreprises en général sont encore plus optimistes entre volonté de renforcer l’investissement et son maintien.
Vient ensuite le scepticisme. Par rapport à l’année précédente, le score de ceux qui espèrent une croissance économique positive en Tunisie a diminué de près de 9%. La question concernant la croissance attire des regards singulièrement critiques alors que les entreprises exportatrices affichent un peu plus d’optimisme et disent s’attendre à une amélioration de la conjoncture. Quant à la possible détérioration du site d’affaires Tunisie, les différences entres les patrons concernent la possibilité –ou non- de l’amélioration du développement économique global. Une attitude qu’analyse finement Souhir Mzali, de l’oxford Business Group : ‘’Ce qui est surtout important à retenir de cette enquête c’est l’impact sur le moyenterme que risque d’avoir une inflation soutenue combinée à une dévaluation du dinar sur le climat des affaires. Certes, la conjoncture a pu profiter à certaines entreprises exportatrices mais, sans la maîtrise de ces deux facteurs, la Tunisie pourrait mettre en péril l’un de ses atouts les plus chers : sa main-d’oeuvre. Le pays compte désormais des milliers de Tunisiens qui partent tous les ans à la conquête d’opportunités économiques en Europe et ailleurs et cette vague de migration constitue une importante fuite de cerveaux dont la Tunisie d’aujourd’hui et de demain ne peut négliger pour redresser son économie et réussir sa transition politique.’’