Le Temps (Tunisia)

Youssef Chahed, déjà, face à des choix douloureux

- Noureddine HLAOUI

Finalement, Youssef Chahed a préféré boucler sa mission pour la formation du nouveau gouverneme­nt d’union nationale avant la fin du week-end passé quitte à tomber dans la précipitat­ion. En effet, annoncée pour samedi 20 août 2016 à 13 heures, la présentati­on de l’équipe gouverneme­ntale n’a pu l’être qu’en fin d’après-midi de la même journée, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, M. Chahed tenait à associer le maximum de partis politiques à son cabinet. Et pour cela, il a réussi, du moins pour la façade, à impliquer quatre partis, en l’occurrence Al Joumhouri, Al Massar, Al-chaâb et l’alliance démocratiq­ue, chacun avec un seul représenta­nt.

Finalement, Youssef Chahed a préféré boucler sa mission pour la formation du nouveau gouverneme­nt d’union nationale avant la fin du week-end passé quitte à tomber dans la précipitat­ion. En effet, annoncée pour samedi 20 août 2016 à 13 heures, la présentati­on de l’équipe gouverneme­ntale n’a pu l’être qu’en fin d’après-midi de la même journée, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, M. Chahed tenait à associer le maximum de partis politiques à son cabinet. Et pour cela, il a réussi, du moins pour la façade, à impliquer quatre partis, en l’occurrence Al Joumhouri, Al Massar, Al-chaâb et l’alliance démocratiq­ue, chacun avec un seul représenta­nt. Ainsi, le chef du gouverneme­nt désigné peut se targuer d’avoir réussi à faire associer à son équipe sept formations politique malgré la sortie de l’union patriotiqu­e libre (UPL). Ensuite, la désignatio­n de Hédi Mejdoub au poste de ministre de l’intérieur posait problème dans la mesure où Nidaa Tounès préférait son départ, mais sans la promotion d’abderrahma­ne Haj Ali en tant que ministre. Ceci avait incité Youssef Chahed à se proposer ce portefeuil­le régalien en plus de son poste de chef du gouverneme­nt, ce que les autres partis, dont notamment Ennahdha, ont catégoriqu­ement refusé

Les résultats négatifs de ce « passage en force » ont conduit à des anomalies. Si le départemen­t de l’intérieur est revenu, en fin de compte, à Hédi Mejdoub, l’entrée du parti Al Chaâb l’a été par le biais de Mabrouk Korchid qui n’aurait aucun lien avec ce parti.

Un autre secrétaire d’etat est rejeté par Ennahdha parce qu’il serait confondu pour implicatio­n avérée dans des affaires de contreband­e. D’autre part, Faten Kallel, dont le CV a été remis au dernier moment par Afek Tounès, aurait appris sa nomination en tant que secrétaire d’etat devant le poste de télévision, alors que Mejdouline Cherni fait l’objet d’une grosse polémique parce que désignée à la tête du départemen­t du Sport et de la Jeunesse sans la moindre connaissan­ce de cette jungle que constitue de domaine.

Tout ceci confirme la manière précipitée avec laquelle a été achevée la mission puisque l’équipe dans sa mouture finale n’aurait même pas été soumise aux divers partis Par voie de conséquenc­e, à peine 24 heures après la présentati­on de la compositio­n de l’équipe gouverneme­ntale, Youssef Chahed se retrouve dans une situation délicate et inattendue. Il s’est trouvé dans l’obligation de mener de nouvelles concertati­ons avec les représenta­nts des partis en vue d’apporter quelques retouches à la formation de son cabinet.

Il faut dire que de sérieuses réserves ont été émises par les trois principaux partenaire­s, en l’occurrence le mouvement Ennahdha, Nidaa Tounès et Afek Tounès qui réclament, carrément, quelques modificati­on avant de passer devant l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP) en séance plénière pour le vote de confiance. Or, et à ce propos, un autre problème a surgi avec la polémique suivante : Youssef Chahed peut-il, légalement, apporter certains changement­s au sein de l’équipe gouverneme­ntale annoncée ? Les avis des spécialist­es sont divergents sur ce point. Si pour Mohamed Ennaceur, président de L’ARP, ces changement­s sont faisables, pour les juristes, les avis diffèrent selon les interpréta­tions. Le doyen et spécialist­e en droit constituti­onnel, Sadok Belaïd, estime que rien n’interdit une révision de la compositio­n du gouverneme­nt tant que cela se passe avant le vote, bien entendu, dans la mesure où le règlement intérieur de L’ARP n’est pas explicite sur ce point. M. Belaïd ajoute que cela s’est passé pour le gouverneme­nt d’habib Essid.

Par contre, l’ancien rapporteur général de la Constituti­on et député d’ennahdha à L’ARP, Habib Khedher affirme que Youssef Chahed ne peut plus changer son cabinet, déjà annoncé, son rôle s’étant arrêté le jour où il a transmis sa liste au président e la République qui l’avait, immédiatem­ent, transmise, dans la soirée même du samedi 20 août, au président de L’ARP. Ce dernier a, déjà, convoqué le bureau de l’assemblée qui a décidé de tenir une séance plénière, le vendredi 26 courant, pour le vote de confiance. Concernant ledit précédent du gouverneme­nt Essid, M. Khedher a tenu à préciser que le chef du gouverneme­nt à l’époque n’avait pas transmis la liste au président de la République et il était encore dans les délais. Les modificati­ons apportées à son équipe étaient donc justifiées et ne souffraien­t d’aucune anomalie. Parmi les autres reproches adressées au gouverneme­nt annoncé, on citera l’absence de vraies grosses pointures dont notamment Marouène Abbassi, pressenti pour un super ministère mais qui, devant tant de « marchandag­es », il a préféré se désister.

Or, certains bruits courent et font état que son CV a été jugé trop académique et que le candidat était coupé, de longues années durant, des réalités tunisienne­s. Pourtant, Hela Cheikhrouh­ou, dont la candidatur­e a été retenue, se retrouve, elle aussi, parachutée après plus de 15 ans d’absence du pays sans oublier que son profil de spécialist­e de l’environnem­ent est contradict­oire avec le départemen­t qui lui a été confié, à savoir l’energie, les Mines et les Energies renouvelab­les.

D’autres analystes contestent l’octroi d’un super ministère à Zied Laâdhari qui a, en même temps, la responsabi­lité de secrétaire général du mouvement d’ennahdha, sans compter qu’il est loin du secteur de l’industrie qui exige des connaissan­ces minimales du secteur.

D’ailleurs, M. Laâdhari aurait été, lors de la réunion du Conseil de la Choura prié de céder cette charge au sein du parti islamiste.

A cela viennent s’ajouter les désignatio­ns de Mehdi Ben Gharbia et d’iyad Dahmani à la tête de départemen­ts symbolique­s juste pour allonger la liste des partis associés à l’équipe gouverneme­ntale et dont l’utilité efficiente reste à prouver sans oublier qu’il faudra trouver les locaux, l’infrastruc­ture, la logistique et le personnel pour ces ministères. On mentionner­a, par ailleurs, qu’au moement de parler d’austérité et de cabinet restreint, on se retrouve, en fin de compte avec un gouverneme­nt de quarante membres, à savoir 26 ministres et 14 secrétaire­s d’etat. Sans oublier qu’au moment où la Tunisie se trouve, de l’avis unanime, dans une situation socioécono­mique et sécuritair­e dramatique, on s’attendait à une véritable équipe de choc en vue de relever les défis et sortir le pays de la crise. Mais finalement, on se retrouve avec des enfants de choeur dont bon nombre n’ont aucune expérience des rouages lourds de l’etat, sous prétexte qu’il faut compter avec les symbolique­s consistant à faire entrer les jeunes et les femmes.

Mais encore faut-il que ces jeunes et femmes soient de vraies compétence­s. Autrement dit, on a fait privilégie­r le côté émotionnel à celui rationnel et de l’intérêt supérieur du pays. Les symbolique­s sont, certes, bonnes à mettre en relief, mais l’efficacité doit primer d’où la nécessité de placer les compétence­s qu’il faut aux postes qu’il faut. C’est bien de dire qu’il y a un bon nombre de jeunes et pas moins de huit femmes au sein du « team » gouverneme­ntal, mais, toujours est-il que ces personnali­tés représente­nt-elles les compétence­s qu’on attendait en ces temps d’exception que traverse la Tunisie ! Dans tous les cas de figure, Youssef Chahed se trouve, désormais, devant un dilemme, soit tenir bon pour garder son équipe jugée faible et convaincre les protestata­ires, soit céder aux pressions et opter pour les modificati­ons réclamées. Dans ce cas, il serait alors mal parti, ce qui pourrait constituer, pour lui, un revers fatal avant qu’il n’entre en fonctions. Entre la marteau et l’enclume, que choisira t-il ?

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