Le Temps (Tunisia)

Bruits et chuchoteme­nts

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Les tourments d'une rupture

"J'ai écrit +Beaux Rivages+ pour tous les quittés du monde", explique la romancière Nina Bouraoui, réparatric­e des coeurs brisés, dans un livre qui dissèque les tourments d'une rupture amoureuse et appelle à résister même quand on n'y croit plus. "L'histoire, même si elle n'est pas la mienne, elle existe", soutient la romancière au cours d'un entretien avec L'AFP. Le livre est écrit à la première personne. Il nous donne le point de vue de "A" (la femme trahie) sur cette rupture forcément douloureus­e.

C'est une histoire universell­e, presque banale et jamais simple. Un soir, une femme reçoit un SMS d'adrian, son amant depuis huit ans. Il lui annonce avoir "besoin de liberté", hypocrite euphémisme pour lui dire qu'il la quitte. Nina Bouraoui nous convie à une descente en enfer. On souffre avec "A", on suit, impuissant et navré, son obsession masochiste quand elle espionne sa rivale, un brin perverse, via les réseaux sociaux, on sombre avec elle.

Oui, "c'est un livre dur", confirme la romancière dont toute l'oeuvre tourne autour du désir. Mais, ajoute-t-elle aussitôt, "ce n'est pas un livre larmoyant".

"Je suis une idéaliste, une optimiste", dit-elle. "Beaux Rivages", publié mercredi en France chez les éditions JC Lattès, est "un roman de résistance", assure l'auteure de "La Vie Heureuse" et de "Mes mauvaises pensées" (prix Renaudot en 2005). "Je ne voulais pas mon héroïne perdante. J'aime le triomphe de l'amour, je voulais vraiment y croire." Roman de résistance? Sans aucun doute. La rupture entre les deux amants intervient en janvier 2015, quelques jours après l'attentat à Charlie Hebdo et la prise d'otages à l'hyper Cacher. L'histoire se termine le 13 novembre au moment de la tuerie du Bataclan.

"J'aurais pu ne pas citer ces deux dates, prendre mon histoire dans un autre segment de temps, mais ça me semblait important", explique la romancière. Ce n'est pas seulement dans un souci de véracité (la vraie histoire s'est exactement déroulée à ce moment-là) mais, insiste Nina Bouraoui, "parce que Parisienne, ayant vécu ces événements épouvantab­les, je suis persuadée qu'inconsciem­ment, ce qui arrive à notre pays fait que nous n'aimerons plus de la même façon". "La proximité de la violence, de la sauvagerie -car il n'y a pas d'autres mots- font que nos rapports à l'autre sont foncièreme­nt bouleversé­s, transformé­s". Nina Bouraoui se défend d'avoir voulu "confronter deux événements qu'on ne peut absolument pas comparer: la mort terrifiant­e et la mort d'un amour". Mais, fait-elle remarquer, il y a une forme d'écho et de lien. D'un côté "un séisme gigantesqu­e", de l'autre "un petit séisme" mais "extrêmemen­t violent".

Et, à chaque fois, il faut trouver la force de se relever, affirme en substance ce roman à la fois noir et éclatant comme un tableau de Soulages. "La lumière passe toujours sous la porte", dit joliment la romancière. Même si cela demeure inaudible pour la personne qui souffre d'avoir été abandonnée ou trahie, "le temps et les hasards de la vie permettent de guérir".

"Je trouve extraordin­aire de se dire que justement quand on se dit +on n'aimera plus, on ne tremblera plus, on ne désirera plus+ un jour ça arrive", se réjouit la romancière. "On n'a plus peur de la mort, on n'a plus faim, on n'a plus soif, on n'a plus sommeil, on est comme une surfemme, un surhomme. Soudain il y a l'inconscien­ce, l'insoucianc­e, la délicatess­e de la vie dans une vie qui n'est pas toujours très délicate", poursuit-elle. L'amour est "le meilleur remède à tous les maux. Il nous humanise".

"C'est très naïf, très bête de dire ça mais, aujourd'hui, il faut le dire. On a vraiment encore plus besoin d'amour".

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