Un écrit qui fleure bon l'authenticité
Ce livre très intéressant vient récemment d’être publié. Son titre évoque déjà ces senteurs et odeurs mystérieuses et enivrantes provoquées par ces poignées d’encens jetées par nos mères sur les kanouns, de notre enfance et de notre mémoire.
La mémoire n’a pas à chercher très loin pour que l’actualité de cette problématique des odeurs rituelles soulevée, sans lourdeurs académiques, par Nacef Nakbi, soit restituée dans toute sa vivacité spirituelle, ethnologique, scientifique mais aussi olfactive à travers ce livre remarquable !
L’auteur du livre intitulé « Magie et sacre de l’odeur ». La tradition des encens en Tunisie est Nacef Nakbi.
Nacef Nakbi est tunisois. Il a longtemps parcouru tout le territoire tunisien du Nord au Sud, du Centre à l’ouest, pour rassembler les pratiques en matière d’encens à travers les compositions et les rites « thuraires » nécessaires à l’étude présentée dans ce livre, Nacef Nakbi est, en outre, poète. Il a longtemps enseigné à l’université de Caen, en France. Indépendamment de l’action encore vivante sur nous, de ces aromates encens ou parfums que nous avons sentie ou subie, Nacef définit le champ de sa recherche qui se situe au niveau des rites religieux, funéraires ou magiques et qui appartiennent à l’histoire des civilisations humaines.
Nous nous contentons, aujourd’hui, de rendre compte de l’introduction du livre pour constater l’importance de la pratique et de l’utilisation des aromates, encens et parfums dans leur acceptation matérielle mais aussi spirituelle et symbolique.
L’histoire des odeurs rituelles
Les produits étudiés, aujourd’hui, par Nacef Nakbi sont anciens et possèdent une histoire. Nacef Nakbi en restitue quelques aspects dont les plus significatifs revien-
nent aux temps pharaoniques et même aux temps antérieurs préhistoriques, dironsnous, où les hommes s’enduisaient le corps d’huiles et autres produits rituels de protection contre les mauvais esprits.
Nacef Nakbi rassemble les faits concernant toutes les civilisations humaines de celle égyptienne où l’on embaumait les morts, où l’on brûlait les encens en l’honneur du dieu Râ jusqu’à Babylone où l’on enduisait les idoles d’huile aromatique jusqu’aux pratiques les plus anciennes et la Mésopotamie sumérienne dans ses mythes de la création du monde et de la naissance des dieux. Présents lors de la naissance des hommes et des dieux, de tels produits sont non seulement des produits magiques ou de superstition mais également des produits d’échanges et de communication entre les peuples et leurs civilisations. Les produits échangés sont hautement chargés de parfums et d’onguents. Ils ont l’odeur d’ébène ou de celles qu’on qualifierait, aujourd’hui d’exotiques et qui étaient déjà recherchés par les Egyptiens et les Carthaginois.
Les produits recherchés par les Grecs, les Egyptiens et les autres peuples, étaient fabriqués par les mésopotamiens de Babylone ou de Ninive, par les Chinois, les Hindous, les Arabes et étaient vendus par les marchands phéniciens ou carthaginois aux quatre coins du monde de l’époque !
Nacef Nakbi nous livre toutes les pratiques des rites olfactifs de la période punique liés aux dieux de la place de Tanit, à Pêne-baaâl et à Baâl-hamoun. Ces rites sont accompagnés de scènes de brûle-par-
fums. Les Dieux romains qui ont pris la place des dieux puniques comme Saturne ont bénéficié de rites similaires.
Nacef Nakbi écrit à ce niveau (page 10) : « Certes, l’afrique du Nord et la Tunisie plus spécialement, n’ont pas hérité du patrimoine punique seulement quelques pratiques osmologiques et thonaires, comme le souligne, en effet, M’hamed Fantar, les formations culturelles nombreuses et variées relevant des domaines aussi bien physique et matériel que des mentalités et du langage même, s’originent dans le passé lointain de Carthage et peut être au-delà de toute une symbolique magico-religieuse semble avoir été partout présente en Afrique du Nord. Nacef Nakbi termine son examen historique de la question en disant « qu’il n’est pas étonnant ni en Tunisie, en raison de son riche patrimoine carthaginois et plus généralement, méditerranéen, oriental et africain et du fait de son profond ancrage dans la culture arabo-musulmane, les traditions olfactives, osmologiques et plus particulièrement thuraires, autrement dit relatives aux encens et aux rites qui les accompagnent restent du Nord au Sud du pays très vivaces encore aujourd’hui ». L’auteur se charge alors de livrer toute son expérience et sa confrontation avec les odeurs rituelles en Tunisie.
Tout le livre de Nacef Nakbi constitua alors une approche très documentée, mais également très « sympathique » de la question et ceci malgré le peu d’importance que les philosophes sérieux comme Maurice Merlean Ponty dans « La Phénoménologie de la perception » ont donné à la sensation olfactive ou à l’inexistence de l’enquête ethnographique en Tunisie ou au Maghreb sur les odeurs rituelles, malgré tout cela, Nacef Nakbi a réussi à susciter notre intérêt et notre attention pour le reste du développement de sa vision. Le livre instruit par Nacef Nakbi est absolument à lire.