Les Vingt-huit en panne au sommet européen
La France, l’allemagne et le Royaume Uni, horrifiés par des semaines de bombardements sur la ville assiégée d’alep, ont saisi l’occasion d’un sommet à Vingthuit pour pousser vigoureusement à l’isolement politique de la Russie et du régime de Bachar Al-assad. Mais les trois grands pays n’ont pas trouvé l’unanimité qu’ils attendaient: l’engagement de sanctions européennes contre Moscou a été repoussé. C’est Mattéo Renzi qui a fait capoter leur ambition, peu après minuit. La perspective d’un référendum difficile le 4 décembre rend le président du conseil italien plutôt ombrageux. Les Européens «devraient faire tout ce qui est possible pour un accord de paix en Syrie mais il est difficile d’imaginer que ce résultat puisse être lié à de nouvelles sanctions contre la Russie», a-t-il expliqué à l’issue d’un long diner à huis clos. La mention de «mesures restrictives» destinées à frapper des personnalités russes pour leur soutien au régime de Damas a finalement été retirée des conclusions officielles du sommet. L’unanimité des 28 était nécessaire pour les préparer. Au lendemain d’un entretien tendu avec le président Poutine, François Hollande assure cependant que l’idée de sanctions reste sur la table. «Si elle continuait ses bombardements, la Russie s’exposerait à des réponses dont L’UE aurait à délibérer, dit le président. Mais nous n’en sommes pas là». Cette fermeté pourrait être rapidement mise à l’épreuve: le Kremlin a informé les Nations Unies que les bombardements sur Alep allaient cesser onze heures par jour, mais seulement jusqu’au début de la semaine prochaine. L’europe reste également en échec face à la détermination de la petite Wallonie de retarder, voire d’empêcher l’entrée en vigueur d’un pacte commercial avec le Canada, le Ceta. Présenté à Bruxelles et à Ottawa comme un modèle du genre, l’accord doit être signé dans six jours avec le premier ministre canadien Justin Trudeau. Paul Magnette, chef du gouvernement wallon, joue la montre pour l’empêcher. Investi d’un droit de veto par la constitution belge, il a rejeté jeudi soir les dernières concessions présentées par la commission Juncker.
L’intrigue, qui se déroule en parallèle du sommet européen à Bruxelles, joue avec les nerfs des chefs d’état et de gouvernement, tous favorables au Ceta. Pour comble, Paul Magnette a expliqué cette nuit que «le Canada apparait plus ouvert que les instances européennes» sur certaines de ses revendications. De fait, le responsable devait s’entretenir ce matin avec Chrystia Freeland, ministre canadienne du commerce qui a fait le voyage pour sauver l’accord. Ce dernier retournement dans le duel du David wallon contre le Goliath communautaire ajoute à l’embarras des Européens. Le Ceta est l’une des rares avancées commerciales reconnues de L’UE, après la mise en hibernation du TTIP, le grand accord de libre échange Ueétats-unis. Il a nécessité sept ans de tractations ardues avec Ottawa. «Je crains qu’il ne reste comme le dernier accord de libre-échange» a averti cette nuit Donald Tusk, président du conseil européen. Par comparaison, ce qui avait pu être présenté comme la «bagarre» du sommet s’est finalement déroulé sans accroc. Lors son premier rendez-vous à Bruxelles, Theresa May a confirmé qu’elle invoquera la clause du divorce britannique d’ici la fin mars. Elle s’est prononcée pour une sortie «en douceur et ordonnée». L’affaire a été expédiée en quelques minutes, et sans débat. Il en ira sans doute autrement lorsque la procédure sera effectivement lancée, juste avant l’élection présidentielle en France et à l’approche des législatives en Allemagne. «Madame May veut-elle un Brexit dur? Eh bien, la discussion sera dure», a averti dès hier François Hollande.