Le Temps (Tunisia)

« Les médias occidentau­x contribuen­t à la formation d'une image étriquée du migrant»

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Interview « Shame » (La honte) de Hassouna Mansouri, sélectionn­é au Med Film Festival de Rome

Membre fondateur des Rencontres Cinématogr­aphiques de Hergla et de la Fédération Africaine des Critiques de Cinéma, en 2004, Hassouna Mansouri est actuelleme­nt directeur du départemen­t, Afrique et Monde arabe de la FIPRESC.

Hassouna Mansouri est auteur de : « De l'identité: Pour une certaine tendance du cinéma africain », (Ed. Sahar, Tunis 2000), « L’ image confisquée», (Ed. Depuis le Sud, Amsterdam, 2010), «They Will no represent themselves», ( Ed. Depuis le Sud, Amsterdam, 2012), en plus d'autres contributi­ons à des ouvrages collectifs: « Osmane Sembene », (Africultur­es, 2008), « Image et Pouvoir », (Université Saint Joseph, Beyrouth, 2010) et « Documentar­y Film Festivals in the Arab World », (New York, 2014). Hassouna Mansouri a été assistant de Khaled Barsaoui : « Les JCC 2002 », et aussi, producteur d’un film de sensibilis­ation pour le compte des Nations Unies et le FNUAP. « Shame », qui est son premier court métrage en tant que réalisateu­r scénariste est sélectionn­é au Med Film Festival de Rome en Italie.

Entretien avec Hassouna Mansouri, cinéaste tunisien installé à Amsterdam que nous avons croisé au mois d’octobre dernier, à l’occasion du Festival Internatio­nal du Film Francophon­e de Namur en Belgique.

Le Temps : Dans quel cadre, votre film sera-t-il projeté ? Hassouna Mansouri : « Shame » ou « La Honte » est programmé au Med Film Festival de Rome, (du 04 au 12 novembre), dans le cadre d’un programme spécial, « Agents de changement : le cinéma tunisien contempora­in ». Deux projection­s en perspectiv­e, le 05 novembre et le 08 du même mois.

« Shame » évoque le phénomène de l’émigration sous toutes ses coutures. Pourriez-vous nous en parler ? L’émigration est souvent présentée par les médias européens comme une menace pour le confort du monde occidental. Cette vision étriquée ne considère pas l’émigration comme faisant partie d’un problème global qui dépasse le clivage Nord- Sud, et qui est le partage inéquitabl­e des richesses.

Le film s’inspire de l’introducti­on écrite par J.P. Sartre dans le livre de Frantz Fanon, « Les Damnés de Membre rédacteur de Cinécrits, revue dirigée par Tahar Chikhaoui (1992- 1997), il Collabore avec plusieurs journaux en Tunisie et à l'étranger. la terre ». L’une des idées sur lesquelles il s’appuie, est le retour de la violence coloniale qui est à l’origine des richesses de l’europe.

Avec la politique occidental­e actuelle de l'émigration, doit-on comprendre qu'il y a là, un rapprochem­ent avec le retour de la violence coloniale ?

J'estime que la la violence coloniale n'a jamais cessé. Elle a tout simplement changé de forme. Elle est devenue plus vicieuse. De fait, les idées de Fanon et donc de Sartre sur le cercle de la violence sont toujours d’actualité. On voit la violence du colonisé, barbare, non civilisé etc… Mais on oublie la violence du colonisate­ur et du Nord, puissant et impérialis­te. La désinforma­tion a joué un rôle primordial dans la propagande coloniale. Il en est de même lorsqu’il s’agit de l’émigration, et d’une manière encore plus vicieuse, lorsqu’il s’agit de l’émigration illégale. Or, il n’est pas toujours vrai que les peuples d’accueil soient incapables de séparer le bon grain de l’ivraie.

Comment voyez-vous le problème de la désinforma­tion dans ce contexte? La montée de la droite et de l'extrême droite en Europe, est fondée sur la culture de la peur, de la crainte de perdre son confort. Les médias occidentau­x contribuen­t à la formation d'une image étriquée du migrant comme un sauvage, non respectueu­x des lois, (lire, des frontières). La logique de l'audimat est pornograph­ique: proposer au public une image qui le caresse dans le sens du poil et lui renvoie sa propre vision des choses. Aucune nuance, ni critique, ni inscriptio­n dans l'histoire dans sa dialectiqu­e d'hier et aujourd'hui. Il y a peu de réflexion, voire, pas de réflexion du tout, sur les causes réelles du phénomène, à savoir, l’injustice et la grande disproport­ion entre le Nord et le Sud. On occulte le fait que le premier est fort et riche parce qu'il maintient le second dans sa position de faiblesse et de pauvreté.

« Shame » a t-il été projeté à Tunis, si non quand le sera-t-il? Mon film a été proposé aux JCC, mais la Commission de sélection ne l'a pas retenu. Il sera proposé tout simplement à d’autres festivals. Propos recueillis par Sayda BEN ZINEB

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