Premier bilan pour une session-anniversaire
JCC 2016
Les Journées cinématographiques de Carthage viennent de plier leur 27ème édition, celle du cinquantenaire, avec un bilan globalement positif. Au-delà du palmarès de cette session, le festival a confirmé son aptitude à adopter un rythme annuel, élargi
Le rideau vient de tomber sur les JCC 2016 et le dernier acte du festival du cinquantenaire se jouera ce dimanche à la Maison Ibn Rachiq qui accueillera les projections des trois Tanits de cette édition. Après la cérémonie de clôture et au-delà du palmarès de cette édition, il est temps de dresser une ébauche de bilan pour cette session qui a spectaculairement oscillé entre devoir de mémoire et projection dans l'avenir du festival.
Trois remarques et des enjeux
Il convient d'abord de noter que cette édition est globalement réussie. En effet, le festival semble avoir trouvé sa vitesse de croisière avec ce nouveau rythme annuel et le meilleur indice réside dans le nombre et la qualité des oeuvres en compétition.
En instituant une rotation annuelle pour l'organisation des JCC, la crainte concernait essentiellement les compétitions dont le niveau aurait pu baisser. Au contraire, le niveau est bon et les oeuvres suffisamment nombreuses et diversifiées. De fait, nous sommes loin des années antérieures lorsque la production arabe et africaine était faible et de niveaux disparates. Les JCC se devaient de revenir chaque année et ce pari fondamental est en voie d'être remporté. En tous cas, il apparait clairement aujourd'hui, que le retour à une biennale serait anachronique et ferait peser une menace de dilution des objectifs du festival. C'est là le premier enseignement de cette session des JCC.
Seconde constatation: les JCC ont élargi leur diffusion. En effet, cette édition du cinquantenaire a été organisée dans un parc de salle élargi, faisant profiter tous les exploitants du frémissement des JCC. Mieux, le festival est parvenu à décentraliser hors de la capitale un certain nombre de projections offrant aux publics régionaux de participer à cette session. De même, le festival s'est déployé sur les maisons de la culture de Ben Arous, Mornaguia ou Gammarth offrant à ces espaces de pleinement participer aux JCC. Simultanément, des petites salles ont également eu leur et enrichi sa diffusion et conquis de nouveaux publics. Reste l'épineuse question de l'autonomie de ce festival qui ne saurait aller sans l'existence de ressources propres et durables... part de festival à l'instar de Mass'art ou l'artisto. De plus, le concept de la Dernière séance a vite trouvé son public sur l'avenue Bourguiba. Chaque soir, un public nombreux s'est retrouvé sur l'avenue, dans une salle éphémère, à goûter des films aussi variés que "Les lumières de la ville" de Charlie Chaplin, "Zazouette" de Mohamed Ali Okby ou "Il était une fois dans l'ouest" de Sergio Leone. Aux organisateurs de pleinement maîtriser cette ouverture pour la consolider au cours des prochaines éditions. Dans cet esprit, les JCC sont également allées à la rencontre d'autres publics et ceci aussi est à saluer. En effet, les JCC dans les prisons, dans les casernes ou aux universités sont des initiatives à soutenir et participent indubitablement au rayonnement du festival.
Par ailleurs, la confusion a une nouvelle fois régné devant les salles et parfois le public n'a pas aidé les organisateurs en adoptant un comportement discutable. Ce facteur reste le seul point noir de cette session qui a connu des débordements et a été victime de son succès. Il est temps de plancher sur une solution durable pour mieux canaliser le public. Quitte à rajouter des séances
et prévoir plus de projections pour les films qui drainent les grandes affluences...
Quelle autonomie sans auto-financement?
Enfin, un troisième point mérite d'être relevé et concerne les sections parallèles du festival. En fait, étant donné leur nombre, ces sections ont autant d'importance que la compétition officielle et, de toute évidence, drainent plus de public.
Elles nécessitent d'être mieux structurées et ont besoin de plus de visibilité car elles sont une partie stratégique du festival. Consolider ces sections reviendrait à renforcer l'ancrage du festival et rénover son identité. Les JCC sont en effet une compétition pour les films arabes et africains et aussi une vitrine pour les cinémas contemporains d'où qu'ils puissent provenir. C'est un enjeu crucial que d'agir sur cet aspect pour que les prochaines sessions aient davantage encore de visibilité internationale.
Reste enfin à aborder rationnellement les équations structurelles et budgétaires. Les JCC cinquante ans après leur naissance, se verraient bien dotées d'un comité d'organisation autonome et indépendant de la tutelle du ministère des Affaires culturelles. Toutefois, est-ce raisonnable lorsqu'on constate que l'etat finance les deux-tiers du budget du festival?
En effet, sur les trois millions deux cent mille dinars d'enveloppe budgétaire, les pouvoirs publics ont contribué à hauteur de deux millions quatre cent mille dinars. Au-delà des questions de gestion de cet argent public, il est difficile d'envisager des JCC qui trouveraient leur autonomie sans soutien massif du département de la Culture. Beaucoup de chantiers attendent les JCC et si le rideau vient de tomber sur la session du cinquantenaire, il y a déjà bien du pain sur la planche pour la réussite de l'édition 2017...