Le Temps (Tunisia)

Le procès de la honte !

- Salma BOURAOUI

Une longue nuit d’attente lundi 14 novembre pour le verdict relatif au procès du premier assassinat politique de l’histoire postrévolu­tionnaire de la Tunisie. Quatre longues années d’investigat­ion, de procès et d’accusation­s de part et d’autre qui se sont éteints avec un verdict catégoriqu­e : non-lieu et acquitteme­nt de tous les accusés. L’année dernière, Assabah avait publié le rapport du médecin légiste dont voici quelques extraits : Arrêt cardiaque et respiratoi­re peu avant son arrivée à l’hôpital et ce malgré les tentatives de réanimatio­n. Les analyses sanguines ont démontré l’inexistenc­e de trace de boisson alcoolique et de récente attaque cardiaque. L’autopsie a aussi démontré la présence de contusions sur tout le corps avec des fractures au niveau du thorax survenues avant le décès. Au niveau du dos, une profonde blessure d’une largeur de 15/10 cm. Présence d’asphyxie constatée par les bleus au niveau des lèvres et du bout des doigts. Le rapport a conclu que le décès a été provoqué par des coups violents au niveau de la poitrine à l’aide d’outils tranchants ce qui a causé une asphyxie qui a provoqué le décès de la victime. « Ce verdict est une vraie catastroph­e », c’est ce qu’a déclaré l’un des avocats des héritiers de feu Lotfi Naguedh, Mourad Dalech tout en assurant que le ministère public a exercé son droit en faisant appel et qu’ils, les héritiers, en feront de même. De son côté, la veuve du martyr, Houda Naguedh, a estimé, lors d’une déclaratio­n radiophoni­que, que « c’est la Justice tunisienne qui est décédée suite à un arrêt cardiaque après qu’elle ait délaissé le droit du martyr et de sa famille ». Et d’ajouter qu’elle a été menacée, il y a quatre jours de cela, par le membre de l’une des familles des accusés qui lui aurait assuré que tous les concernés seront acquittés. Pour Houda Naguedh, l’affaire a été « vendue » par ceux qui sont supposés assurer l’indépendan­ce de la Justice. Pour finir, l’intéressée a lancé un appel à Rached Ghannouchi et à Béji Caïd Essebsi pour « qu’ils laissent le sang de Lotfi Naguedh en dehors de leur cohabitati­on politique. » Pour Me Houcine Zorki, le verdict est tellement infondé que même les accusés ne devaient pas s’y attendre. Réagissant sur la polémique, le porte-parole du Tribunal de première instance de Sousse, Raouf Youssfi, a expliqué que la Cour d’appel de Sousse dispose de tous les droits qui lui permettent de remettre tous les accusés de l’affaire en état d’arrestatio­n. Du côté des partis, le mouvement de Nidaa Tounes commence à payer le prix fort de ce verdict : le lendemain de l’annonce, une démission collective, signée par les jeunes de Nidaa Tounes de Sousse, a été déposée. Dans le communiqué, les démissionn­aires ont estimé qu’ils ne pouvaient plus appartenir à un parti incapable de défendre les siens et leur survie. Les jeunes de Nidaa Tounes de Sousse ont informé qu’ils préfèrent quitter le mouvement avant que « leurs corps ne soient lynchés et que leurs idées ne soient violées ». Pour sa part, le Mouvement projet pour la Tunisie (MPT) a annoncé la formation d’un comité de défense, composé des meilleurs avocats de Tunis, qui se chargera de défendre les droits du martyr et de ses héritiers au niveau de la Cour d’appel. Le MPT a appelé toutes les forces démocratiq­ues à prendre part à l’affaire. Pour finir, le communiqué a rappelé que le bon traitement des dossiers des assassinat­s politiques et celui des tirs de chevrotine à Siliana demeure la seule garantie pour la transition démocratiq­ue en Tunisie. Jeudi dernier, nous avons été en contact avec l’un des avocats des héritiers de Lotfi Naguedh qui nous a assuré que le comité avait réussi sa mission et que les accusation­s ont été prouvées. Cependant, ce qu’a oublié ce même avocat c’est que pendant que la défense des accusés était acharnée à travailler nuit et jour sur le dossier, le comité de défense du martyr était occupé ailleurs : en avril dernier, Houda Naguedh s’était retrouvée seule au Tribunal de Sousse à affronter tout ce beau monde. Nidaa Tounes était, et l’est encore, trop occupé par ses petites guéguerres de positionne­ment. Entretemps, et indépendam­ment de la suite de l’affaire, le mouvement gardera ce verdict pour point noir suprême de son Histoire.

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