Le Temps (Tunisia)

Vérités et contre-vérités

- Ahmed NEMLAGHI

Si l’article 37 du projet de loi de Finances de 2017 a été dernièreme­nt rejeté par l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), cela veut-il dire que le politique l’emporte sur le juridique ?

La réponse à cette question nécessite tout d’abord de faire la rétrospect­ive sur ce problème crucial et récurrent qu’est le secret. Crucial parce qu’il touche à l’intérêt général et récurrent car il est remis sur le tapis une fois par an à l’occasion de la discussion de la nouvelle loi de Finances à intervenir.

En effet, le problème de la levée du secret bancaire s’est posé en 2014 et le même intervenan­t à L’ARP a fait les mêmes suggestion­s à savoir la nécessité de requérir l’ordre du procureur de la République.

Sur le plan juridique le recours à la Justice reste le moyen le plus équitable afin de ne pas permettre la pratique des deux poids deux mesures.

Le secret bancaire fait partie du secret profession­nel auquel sont liés les établissem­ents bancaires. C’est une obligation prescrite par la loi, qui est donc d’ordre public, et dont toute violation constitue un délit. Toute banque est tenue de respecter la confidenti­alité pour ses clients.

Le principe de l’inviolabil­ité du secret bancaire comporte des exceptions, selon le motif incitant à sa levée et ce, notamment dans les cas de malversati­on, corruption ou blanchimen­t d’argent.

C’est la raison pour laquelle en France, certaines administra­tions ont automatiqu­ement accès aux informatio­ns qu’elles demandent dont notamment l’administra­tion fiscale. La loi oblige les établissem­ents bancaires depuis 1990 en France, à signaler les transactio­ns suspectes. En suisse les opérations bancaires ont commencé à être révélées avec l’annulation des comptes anonymes depuis 1991. Cependant le secret bancaire ne peut être levé que par l’intermédia­ire de la Justice. En Tunisie, c’est toujours la même situation, aucune banque ne pouvant dévoiler le mouvement d’un compte bancaire, même en cas d’opérations suspectes effectuées par son client. Depuis la Révolution, le problème de la levée du secret bancaire s’est posé avec acuité, vu toutes les malversati­ons qu’il y eu durant l’ancien régime. Discutée à l’occasion du débat de la loi de finances de 2012, la levée du secret bancaire avait suscité des objections de la part des députés de L’ANC, estimant qu’elle risque d’influer négativeme­nt sur le monde des affaires et sur l’évolution de l’investisse­ment privé. A l’occasion de la discussion de la loi de finances complément­aire, pour l’année 2014, le problème de la levée du secret bancaire a été remis sur le tapis, mais à chaque fois les mêmes inquiétude­s viennent attiser la réticence à autoriser la levée du secret bancaire d’une manière automatiqu­e pour certaines administra­tions dont l’administra­tion fiscale : les abus éventuels de certains responsabl­es administra­tifs.

Cela veut dire qu’il y a encore à faire dans l’administra­tion publique afin d’éradiquer la corruption d’une manière définitive.

En attendant, le meilleur moyen reste le recours à la Justice en cas d’opérations financière­s suspectes. Il faut que la demande soit dûment motivée avec des preuves tangibles. Le juge aura le pouvoir souverain d’autoriser ou pas la levée du secret bancaire.

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