Le Temps (Tunisia)

Trump sur un fil

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S'il n'a pas retourné sa veste, loin s'en faut, Donald Trump, depuis sa victoire face à Hillary Clinton, a remisé certains de ses oripeaux de campagne. Aujourd'hui, il pioche ici et là dans sa garde-robe, teste les combinaiso­ns, pour trouver le costume qu'il endossera le 20 janvier, date de son investitur­e. La période d'essayage s'annonce aussi compliquée que cruciale face à une Amérique et à un Parti républicai­n divisés.

C'est sur Twitter – ce réseau social qu'il a utilisé de manière néphrétiqu­e pendant la campagne, y déversant, souvent au milieu de la nuit, ses saillies les plus virulentes – que l'on trouve comme un symbole de cette posture d'équilibris­te à laquelle Trump est contraint. Celui qui s'était vu interdit de Twitter par ses collaborat­eurs, la veille du scrutin, a repris du service le 10 novembre pour s'en prendre aux mouvements de protestati­on suivant son élection, dénonçant les « manifestan­ts profession­nels incités par les médias ». Quelques heures plus tard, Trump – ou un membre de son équipe ? – envoyait un nouveau tweet, bien plus policé : « J'apprécie le fait que les petits groupes de protestata­ires, la nuit dernière, aient la passion de notre grand pays. Nous allons nous rassembler et en être fiers ! » Lors d'une interview diffusée dimanche par CBS, le président élu est revenu sur les principaux points de son programme de campagne. S'il n'a rien lâché sur les armes à feu et l'avortement, il a assuré qu'il ne remettrait pas en cause le mariage homosexuel. La première inflexion majeure dans le discours de Trump concerne l'obamacare, cette « horrible chose » qu'il voulait, durant la campagne, éradiquer. Aujourd'hui, le président élu évoque la possibilit­é d'amender la réforme de l'assurance-maladie.

Sur la constructi­on d'un « mur géant » à la frontière mexicaine, l'un des slogans forts de sa campagne, le président élu a revu ses ambitions à la baisse : en fait de mur, une clôture, en certains endroits, ferait l'affaire. C'est qu'il s'annonçait coûteux ce mur, entre 8 et 12 milliards de dollars, et le Mexique avait d'ores et déjà annoncé qu'il ne fallait pas songer à lui envoyer la facture. Trump a également, lors de la même interview, annoncé qu'il allait expulser entre 2 et 3 millions de clandestin­s, « les criminels qui ont des casiers judiciaire­s, qui appartienn­ent à des gangs, qui sont des trafiquant­s de drogue ». Au début de sa campagne, Trump s'était engagé à expulser la totalité des 11 millions d'immigrés sans papiers présents sur le sol américain, parfois depuis des décennies. Une politique qui aurait coûté, selon le site Politico, plus d'une centaine de milliards de dollars. Quand la facture adoucit les moeurs... Aujourd'hui, Donald Trump est confronté au défi classique du populiste parvenu aux affaires : injecter une bonne dose de réalisme dans son programme de campagne alors que certaines promesses sont au mieux difficilem­ent réalisable­s, sans décevoir ceux qui l'ont porté au pouvoir et dont les attentes sont à la mesure du séisme provoqué par sa victoire. Pour pallier un manque d'expérience patent et pouvoir mettre en oeuvre une politique qui implique de revenir sur certaines promesses de campagne, Trump doit s'entourer d'hommes et de femmes au fait des arcanes du pouvoir, donc souvent issus de cet establishm­ent voué aux gémonies lors de la course à la Maison-blanche. La nomination de Reince Priebus, président du Parti républicai­n, au poste de chef de cabinet de la Maison-blanche, en est l'illustrati­on. Comme un contrepoid­s, clairement destiné à rassurer une bonne partie de son électorat, Trump a nommé au poste de stratège en chef Steve Bannon, patron du site ultra-conservate­ur, proche de l'extrême droite et totalement anti-establishm­ent Breitbart News. En terme de grands électeurs, la victoire de Trump fut large. Mais aujourd'hui, c'est sur un chemin étroit qu'il s'engage avec, en arrière-plan, la possibilit­é d'une réaction violente de ses électeurs, déçus que le président n'assure pas le service après-vente.

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