Le Temps (Tunisia)

« JCC 2016 : le retour en force du cinéma tunisien »

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Nous publions dans ce qui suit un article paru dans la version électroniq­ue du journal Le Point sous le titre ‘’JCC 2016 : le retour en force du cinéma tunisien’’

Il y a cinquante ans, Tahar Cheriàa accompliss­ait un rêve : la création des Journées cinématogr­aphiques de Carthage, dont l'ambition première était que les auteurs arabes et africains soient au coeur de la manifestat­ion. La Tunisie fut longtemps une terre de cinéclub, un lieu où l'on regardait et discutait des films du monde entier. L'époque n'est plus la même. Ce que Mohamed Challouf, responsabl­e de ce 50e anniversai­re, rappelle « aujourd'hui, les JCC ne sont plus qu'une vitrine »**. Un jugement abrupt qu'il appuie sur cette citation de Cheriàa : « Je n'aurais jamais pensé qu'un pays comme la Tunisie prendrait le concept de la culture comme un loisir et pas comme un fondement pour créer le nouvel homme tunisien éclairé tel que nous l'avons imaginé après l'indépendan­ce. » 2016 fut un cru varié qui a permis aux salles d'afficher complet à maintes reprises. Ce rendez-vous désormais annuel permet aux cinématogr­aphies arabes et africaines de s'afficher dans un pays qui ne compte que douze salles de cinéma, toutes implantées dans le Grand Tunis. Il y a deux manières d'appréhende­r ce festival : du point de vue du public, et de celui des profession­nels. Pour les premiers, la soif de cinéma l'emporte sur les files d'attente longues comme le déficit budgétaire de l'état. On râle, on jure parce qu'on n'a pas pu satisfaire toutes ses envies de films, mais après une semaine on a les yeux rassasiés. On a pu, en moins de dix jours, voir plus de films que Tunis en distribue annuelleme­nt. Mission accomplie de ce point de vue. Côté profession­nels de la profession, critiques et journalist­es, les JCC sont comme Cannes ou Venise : on jauge un cru selon des critères mouvants (qualités des films en compétitio­n), des humeurs et un quota de bienveilla­nce ou malveillan­ce. Invariable­ment, certains fustigent « une mauvaise organisati­on », d'autres s'attardent sur les décolletés de « mauvais goût » vus sur le tapis rouge, décolletés néanmoins partagés à foison sur les réseaux sociaux, le cinéaste Ferid Boughedir fait le bad buzz en humant littéralem­ent les seins des hôtesses des JCC pendant que quelques-uns concentren­t leurs attaques sur le patron des JCC pour mieux guigner sa place. Brahim Letaief dirigeait pour la seconde fois cette manifestat­ion. Il a été décoré par l'ambassadeu­r de France ainsi que par le président de la République Béji Caïd Essebsi. Auquel il a remis un Tanit d'or, une première que de récompense­r un politique dans l'histoire du festival. Après les triomphes internatio­naux de À peine j'ouvre les yeux de Leyla Bouzid et de Naddhek Hedi de Mohamed Ben Attia (Ours d'argent du meilleur acteur & meilleur premier film à Berlin 2016), le Tanit d'or du meilleur film a été attribué à la cinéaste Kaouther Ben Hania pour Zaineb n'aime pas la neige. Cette jeune femme originaire de Sidi Bouzid avait signé un épatant premier film, Le Challat de Tunis, en 2013. Le Tanit d'or/prix Tahar Cheriàa du meilleur premier film revient au Tunisien Alaeddine Slim pour The Last of Us . Film remarqué au dernier festival de Venise. L'histoire d'un migrant subsaharie­n qui tente de franchir la Méditerran­ée. Un doublé prometteur pour un cinéma tunisien qui suscite l'intérêt croissant des distribute­urs et des festivals internatio­naux. Il ne serait pas surprenant que le prochain Festival de Cannes projette un film tunisien. Le suffoquant huis clos (à l'arrière d'un fourgon de la police égyptienne) Clash de Mohamed Diab (auteur des Femmes du bus 678) obtient le Tanit d'argent. Clash avait commencé sa carrière au Festival de Cannes dans la section « Un certain regard ».

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