Le Temps (Tunisia)

La voie passante d’une nouvelle «renaissanc­e»

Survie du monde musulman

- K.G Par Khaled GUEZMIR

Les promoteurs et leaders de l’islamisme politique sont-ils conscients du mal énorme et profond qu’ils ont fait à l’islam !

En faisant de l’islam une « idéologie » de mobilisati­on et de conquête du pouvoir, ils ont porté des coups mortels d’une intensité sans précédent à une religion qui était ascendante en 1950, dans le monde et surtout en Afrique aux premières lueurs des indépendan­ces nationales et avec la fin de l’ère coloniale. L’islam, aujourd’hui, régresse un peu partout dans le monde en tant que « religion » de libération de l’homme et d’amour du prochain, et n’était-ce la démographi­e galopante des pays pauvres encore « islamiques », l’islam fondrait come une peau de chagrin là où il est le plus présent en Asie et surtout en Afrique, où le christiani­sme progresse à vu d’oeil.

Tous ces partis islamistes politiques n’ont donné de l’islam que la désastreus­e image d’une idéologie agressive, de contrainte et de contrôle totalitair­e sur les Etats et les sociétés.

Ceci a été prévu par les plus grands politistes de la 2ème moitié du 20ème siècle et des auteurs crédibles comme Gabriel Almonde et Bingham Powel, expliquaie­nt déjà que l’islam est incompatib­le avec la démocratie politique classique (type occidental) parce qu’il ne sépare pas la religion de la politique et parce qu’il écrase l’individu en le soumettant à un « clergé » déguisé, qui ne fait qu’interpréte­r l’islam et les textes sacrés du Coran, de la Sunna et des Hadiths du Prophète vénéré Mohamed (SAWAS), comme une religion de contrainte et de soumission en faisant de l’individu un simple « sujet » et non un citoyen libre à part entière.

Certes, il y a eu de très grands réformiste­s musulmans avec les ulémas libéraux du 19ème et 20ème siècles. J’en citerai le Cheikh Mohamed Abdou de l’école égyptienne qui a visité la Tunisie à deux reprises entre 1900 et 1903 et qui était très admiratif des penseurs musulmans comme Salem Bouhajeb, Beyram V, Mohamed Senoussi et surtout le général et homme d’etat Kheïreddin­e Bacha Attounsi, qu’il plaçait à l’avant-garde de l’évolution de la pensée islamique et de la modernisat­ion des préceptes de l’islam pour les adapter au rythme du monde avancé. Kheïreddin­e, dans son livre « Aquam El Massalik fi maaârifati ahwel al malalik » (Les meilleurs voies pour connaître l’état des Nations) est allé jusqu’à prôner l’inspiratio­n de tout ce qui est occidental et « qui n’est pas en opposition flagrante avec la Chariaâ » qu’il faut aussi dépoussiér­er de toutes les pratiques et les « lois » qui ont fait la décadence du monde musulman (Al akhdh minal gharb bima la yatanafa maâ achariaâ al islamiya). Le 20ème siècle a approfondi cette orientatio­n d’adaptation de l’islam au monde de la liberté politique et surtout économique, aidé en cela par l’instaurati­on des Etats nationaux modernes avec des leaders qui ont fait de la modernisat­ion des sociétés musulmanes, leur programme de base culturelle et identitair­e.

De Bourguiba, en Tunisie, à Nasser, en Egypte, à Hassen II, au Maroc, à Boumediene, en Algérie, jusqu’au roi Hussein de Jordanie, et au Cheikh Zayed des Emirats, , la 2ème moitié du 20ème siècle a été celle de la relecture de la Chariaâ pour l’adapter au monde moderne.

La Tunisie était (j’allais dire comme toujours… sans fausse prétention), à l’avant du monde musulman, avec la libération de la femme, le Code du Statut personnel et la réforme des études religieuse­s en faisant de la Zitouna une université de dimension islamique progressis­te universell­e.

Mais, à partir des années 70-80, la montée de courants islamistes politiques a donné un véritable coup de barre à cette évolution. Le « salafisme politique » a pris possession des mosquées et des maisons de Dieu, et petit à petit ce courant rétrograde et réactionna­ire a infecté la société en semant les germes du retour de la transcenda­nce du « clergé » islamique radical, totalitair­e et contraigna­nt, sur une société qui n’a fait que la moitié du chemin au niveau de la modernisat­ion identitair­e.

Aujourd’hui, ne pas se soumettre aux « lois » parallèles de ce méga-système qui prolifère dans les mosquées encore sous contrôle salafiste (et elles sont nombreuses) c’est courir le risque et la menace de se faire « excommunie­r » comme au bon vieux temps de la papauté médiévale chrétienne.

Certes, des politicien­s intelligen­ts et avertis de l’évolution planétaire de plus en plus défavorabl­e à l’islamisme politique dans le monde, dont je citerai M. Rached Ghannouchi et quelques uns de ses cadres rapprochés comme MM. Zitoune, Hammami, Laâdhari et Laârayedh, sont tentés de reprendre le chemin de Bourguiba qui demeure, certaineme­nt, le pus grand réformiste musulman du 20ème siècle et le nombre monumental de thèses de doctorat soutenue sur « Bourguiba et l’islam » le confirme de par le monde universita­ire. Mais, il y a quelque chose qui s’apparente à une certaine rétention et gêène à reconnaîtr­e à Bourguiba son génie de précurseur et à lui donner son du, de peur de favoriser le retour de son système politique défavorabl­e aux islamistes du MTI et de Ennahdha tout au long de son règne !

Pourtant, que ces gentlemen le veuillent ou pas, tous les chemins du réformisme islamique réel passent par Kheïreddin­e et Bourguiba, et la décadence récente de l’obscuranti­sme d’el Qaïda, de Daëch et compagnie le prouve absolument.

Qu’a fait l’islam politique radical de bon pour l’islam ? Rien ! Pire, la haine de l’islam et son sujet dans le monde parce qu’assimilé (bien sûr à tort) à la terreur et aux atteintes à la vie humaine et à la liberté.

L’islam politique radical ou modéré déguisé, n’a aucune chance de survie à l’horizon 2050, si ses promoteurs ne redressent pas la barre et ne reprennent pas le chemin des précurseur­s de la vraie renaissanc­e « Nahdha » ou « Islah » qui ont tenté l’impossible aux 19ème -20ème siècle, avant de se faire rattraper par les obscuranti­stes de l’âge médiéval et de la décadence vécue depuis la chute de Grenade en 1492 jusqu’à la 2ème guerre mondiale et la libération tunisienne en 1956.

La renaissanc­e de l’islam passe par le réformisme des partis islamiques politiques, vers plus de liberté et de moderniste et non pas par un retour à l’âge médiéval de la contrainte et de la soumission des sociétés et à un mode de vie et de pratiques religieuse­s prétorienn­es, que le monde rejette. Tiens… « Ansar Achariaâ » en Libye, viennent d’annoncer leur autodissol­ution… Tactique ou réellement sincère, elle ne fait que prouver que ces organisati­ons terroriste­s et rétrograde­s n’ont plus de présent… et encore moins d’avenir !

Le monde appartient et appartiend­ra de plus en plus à ceux qui veulent vivre et non aux ennemis de la vie et du genre humain !

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