Le Temps (Tunisia)

La solitude de l'italie

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En juillet, dans le canal de Sicile, le temps est idéal pourprendr­e la mer. C’est particuliè­rement vrai cette année, au large de la Libye. Et c’est une des raisons de l’explosion des départs en direction de l’europe qu’on a pu observer ces derniers jours depuis les côtes africaines.

Entre le 26 juin et le 2 juillet, plus de 12 000 personnes sont venues s’ajouter aux dizaines de milliers qui ont été secourues depuis janvier… Cette année, l’italie devrait voir arriver plus de 200 000 migrants sur ses côtes. Et les services de renseignem­ent italiens évoquent le chiffre de plus de 300 000 candidats au départ, plus ou moins volontaire­s. Face à ce défi, l’italie va donc rester seule en première ligne. Ces derniers jours, elle a solennelle­ment appelé à l’aide ses partenaire­s européens, leur demandant d’accueillir dans leurs ports quelques-uns de ces bateaux humanitair­es. Mais force est de constater que, s’il y a eu une unanimité européenne, lors de la réunionde Tallinn, jeudi 6 juillet, c’est bien pour décourager l’italie de poursuivre dans cette voie.

L’amertume de beaucoup d’italiens Dans l’affaire, Rome n’a obtenu qu’un peu d’argent et de belles paroles. Pire, mardi, tandis que Paris et Madrid réaffirmai­ent leur refus d’ouvrir leurs ports, l’autriche menaçait d’envoyer des chars à la frontière italienne pour stopper les migrants. L’ancien président du conseil italien Enrico Letta, président du très proeuropée­n Institut Jacques Delors, a résumé par un Tweet l’amertume de beaucoup d’italiens : « Est-il possible que la France, l’espagne et l’autriche ne se rendent pas compte des dommages irréparabl­es causés par leur geste ? » A l’heure où Emmanuel Macron prétend vouloir donner corps à un nouvel élan européen, et multiplier les convention­s sur l’avenir de l’union, ce résultat sonne comme une preuve de plus des limites de la solidarité européenne.

L’aggravatio­n de la crise en Méditerran­ée est avant tout due à la présence sur son flanc sud d’un pays, la Libye, en proie à l’anarchie politique. Naguère florissant en raison de ses ressources en hydrocarbu­res, le pays est depuis plusieurs années la proie des milices, et le trafic d’êtres humains y est aujourd’hui la principale source de richesse. Si chacun a pris conscience que la stabilisat­ion du pays est le préalable indispensa­ble à toute sortie de crise, le processus s’annonce long et incertain.

L’adhésion à l’idée européenne recule en Italie Aussi l’idée de réduire la marge de manoeuvre des ONG présentes dans la zone pour mieux confier à l’« Etat » libyen la gestion du problème apparaît-elle comme hautement condamnabl­e, vu les innombrabl­es crimes dont se rendent coupables les trafiquant­s d’être humains, qui sont pour l’heure les vrais maîtres du pays.

Dans l’opinion italienne, l’affaire aura contribué à affaiblir un peu plus encore l’adhésion à l’idée européenne, qui a spectacula­irement reculé ces dernières années, à quelques mois d’élections législativ­es à très hauts risques.

La majorité construite autour du Parti démocrate, chaque jour plus fragile, pourraitpe­rdre son leadership au profit d’une droite berlusconi­enne, anti-immigrés et euroscepti­que qui relève la tête, tandis que le Mouvement 5 étoiles, campé sur une ligne antimigran­ts, conserve les faveurs de 25 à 30 % des électeurs. Pendant ce temps, en Méditerran­ée, la catastroph­e continue. En 2016, au moins 5 000 personnes ont perdu la vie durant la traversée. Et elles sont déjà plus de 2 100 depuis le 1er janvier.

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