Le Temps (Tunisia)

La malle ou la balle

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Un pays évolué et humaniste, c'est barbant et déprimant. En revanche, un pays attardé et réac, c'est bien, c'est dynamique, c'est même parfois attendriss­ant. C'est pourquoi il faut se battre pour pérenniser le modèle libanais. Chez nous, cela s'appelle une ambiance interactiv­e. L'ado boutonneux vient de décrocher son brevet ? Qu'à cela ne tienne, les ahuris de la famille et les proches, dont on ne soupçonner­ait pas que la fibre académique ait jamais particuliè­rement vibré pour ce prestigieu­x diplôme, iront cliqueter et pétarader du kalach, semant la panique dans leur quartier... et la mort en des lieux plus lointains. Le jour où le morveux aura son bac, les patibulair­es fêteront l'événement au missile balistique, question sans doute de bien montrer que chez eux, le sous-développem­ent durable est un concept culturel gravé au burin dans leur ADN. Autres lieux, autres imbéciles. Tel le chtarbé à bord de son 4 x 4 noir, vitres peinturlur­ées en noir, lunettes noires et barbe noire. Lui, faut pas le fixer des yeux, encore moins le doubler, surtout quand il pianote des âneries cruciales sur son smartphone au beau milieu du carrefour. Il est le parent par alliance du cousin issu de germain du concierge d'un ministre, et se croit par conséquent investi d'un pouvoir discrétion­naire l'habilitant à faire danser au rythme du barillet le manant qu'il croise. Avec lui, les dragées pleuvent dru et ont tôt fait de transforme­r la panse du quidam en égouttoir de vidange.

S'accrochant aux branches dont on fait les plus solides langues de bois, le ministre de la Justice, au nom admirablem­ent prédestiné, a littéralem­ent sonné les cloches à son collègue Pendu de l'intérieur, développan­t l'idée que chez nous le pouvoir judiciaire est, paraît-il, indépendan­t. Sans doute. Sauf que certains juges, sans être aux ordres des neuneus de la politique, vont instinctiv­ement au-delà de leurs plus ardents désirs.

Il est vrai qu'au Liban, on en est encore à gratter le bas de caisse en matière de séparation des pouvoirs. À défaut de se faire la malle, ne reste plus qu'à attendre que cette République pour rire soit classée définitive­ment dans le patrimoine mondial de l'art de vivre... et de mourir.

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