Ni sélection, ni règlement de comptes et la loi doit s’appliquer à tous
La guerre menée par le gouvernement contre la corruption est une guerre ouverte dès lors que la corruption en Tunisie menace désormais l'etat et constitue un danger pour la démocratie, a affirmé, hier, le chef du gouvernement Youssef Chahed lors d'une séance de dialogue tenue à l'assemblée des représentants du peuple (ARP).
Le gouvernement, a-t-il assuré, a assumé ses responsabilités dans la lutte anti-corruption et pris des mesures d'exception conformément à une loi d'exception dans l'intérêt de la Tunisie. "Nous étions convaincus que la guerre contre la corruption comme la guerre contre le terrorisme exige des mesures d'exception", a-t-il argumenté.
La propagation de la corruption a des incidences préjudiciables sur la confiance des citoyens dans l'etat et ses institutions, a averti Youssef Chahed, affirmant que la loi sera appliquée à toutes les personnes impliquées dans la corruption "sans exception ni distinction". "Accuser le gouvernement d'être sélectif dans sa politique de lutte contre la corruption est faux et archifaux", s'est défendu Youssef Chahed. Selon lui, ceux qui ont proféré ces accusations s'évertuent en fait à défendre les corrompus.
Il a nié que la lutte anti-corruption soit menée à des fins de règlement de comptes politiques avec des adversaires politiques. "Depuis quand des contrebandiers qui ont commis des crimes contre l'économie nationale et amassé des richesses par voie de pillage et de corruption sont considérés comme adversaires politiques", s'est-il indigné.
Des crimes contre le pays
Youssef Chahed a relevé, à cet égard, que les mesures arrêtées ont permis de démanteler tout un réseau criminel grâce aux efforts menés par les institutions de l'etat pour imposer le respect de la loi en tant qu'attribut majeur d'un Etat juste.
Il a été ainsi procédé, a-t-il rappelé, à la saisie de marchandises de contrebande estimées à des centaines de millions de dinars et de devises du même montant auprès des personnes arrêtées qui sont impliquées dans des crimes douaniers, bancaires, d'évasion fiscale et de blanchiment d'argent. "Ces personnes ont commis des crimes contre le pays et contre la communauté nationale. Nous traitons la question sur cette base et rien d'autre", a-t-il dit. Depuis le lancement des campagnes contre la contrebande, en septembre 2016 jusqu'au mois de juin 2017, il a été procédé à la saisie de marchandises de contrebande pour une valeur de près de mille millions de dinars outre l'introduction d'actions en justice pour des affaires douanières et bancaires, a-t-il indiqué.
Il a assuré que l'action se poursuit pour démanteler les réseaux de corruption spécialisés dans les crimes économiques et financiers.
Le pouvoir judiciaire un facteur essentiel
Le chef du gouvernement a estimé, d’autre part, que le pouvoir judiciaire est un facteur essentiel pour garantir la réussite de la guerre contre la corruption, affirmant la détermination du gouvernement à faire en sorte que les magistrats statuent en toute indépendance en application de la Constitution. Youssef Chahed a indiqué que dans le cadre de la guerre menée par le gouvernement contre la corruption, un conseil ministériel se tiendra prochainement pour examiner les mesures à prendre à même d'améliorer les conditions de travail des magistrats.
Il a, dans ce contexte, rappelé les mesures prises dans le secteur judiciaire comme en témoigne le recrutement de 500 juges judiciaires durant les deux dernières années, 60 juges auprès du Tribunal administratif et 20 autres auprès de la Cour des comptes.
Et d'ajouter qu'il a été décidé également de finaliser le processus de recrutement d'un millier d'agents dans les tribunaux avant la fin de 2017 parmi les greffiers, les cadres administratifs et autre personnel. Ce qui implique, a précisé le chef du gouvernement, des recrutements additionnels d'au moins 20% de l'ensemble des agents.
Enrichissement illicite et conflits d'intérêt
Le chef du gouvernement a indiqué, d’autre part, que l'élaboration du projet de loi sur l'enrichissement illicite et les conflits d'intérêt dans le secteur public a été parachevée depuis quelque temps et soumis au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour avis.
"Inscrire la question de l'enrichissement illicite dans l'arsenal législatif constitue une véritable révolution dès lors qu'elle permettra à la communauté nationale de connaître les sources de richesse d'origine inconnue ayant été obtenues illégalement", a-t-il estimé.
"En décembre 2016, la loi portant création au pôle judiciaire et financier a été présentée dans l'objectif de renforcer le rôle de la justice dans l'enquête, la poursuite en justice et le jugement des délits économiques et financiers aussi bien en première instance qu'en appel", a-t-il encore indiqué. Le chef du gouvernement a, sur un autre plan, mis l'accent sur la volonté de parachever la mise en oeuvre de la loi organique relative au droit d'accès à l'information, relevant que le gouvernement oeuvre actuellement à finaliser le processus d'installation de l'instance d'accès à l'information dont les membres ont été élus, mardi dernier, par les députés.
Financements étrangers des associations
Le gouvernement s'emploie également à élaborer les textes d’application de la loi et à créer un portail électronique unique pour la réception, l’examen, le suivi et la réponse aux demandes d’accès à l’information. Il sera procédé également à l'amendement des textes contradictoires avec le droit d’accès à l’information ainsi qu'à la mise en oeuvre d’un programme exhaustif pour assurer la formation des agents dans ce domaine dans les différentes régions du pays. Abordant la question de la transparence et l’application des dispositions du décret-loi n°88 de l’année 2011 en date du 24 septembre 2011 relatif au financement étranger des associations, Chahed a indiqué que le gouvernement a invité toutes les associations légales à informer les autorités de tous les financements étrangers reçus et d'en préciser la source, le montant et le but ainsi que de publier ces informations dans un média écrit dans un délai maximum d’un mois. Le gouvernement a également exhorté toute association ayant bénéficié du financement public, de préparer un rapport annuel détaillé de ses sources de financement et de ses dépenses et de le déposer auprès de la Cour des comptes. Chahed a également affirmé que le gouvernement est en train de préparer des réformes qui ont pour but d’améliorer les textes législatifs et réglementaires dans le domaine des marchés publics, en plus des réformes dans plusieurs secteurs dont notamment, les systèmes douaniers et frontaliers et les postes frontaliers terrestres, maritimes et aériens. Le gouvernement, a-t-il ajouté a réalisé plusieurs programmes et projets dans le domaine de la réforme administrative dont le projet visant à simplifier les procédures administratives et à réviser 2000 procédures.
Smart gov 2020
Le gouvernement a également mis en place le projet de l’administration électronique considéré comme l'un des principaux mécanismes qui seront adoptés dans le programme de la gouvernance de l’administration et de la lutte contre la corruption, le népotisme et le favoritisme à travers la garantie du droit d’accès à l’information à toute personne physique ou morale ainsi qu'aux aux procédures administratives à suivre dans ce sens. Le citoyen aura également la possibilité de faire le suivi en ligne de ses demandes en toute transparence, de surveiller la performance de l’administration et de lui demander des comptes, le cas échéant, a indiqué Chahed.
Le plan d’action de l’administration électronique et de l’open Gov "Smart gov 2020 " annoncé récemment est considéré comme la feuille de route qu’adopteront les différentes structures publiques pour l’application des programmes et projets propres à donner une nouvelle image de l’administration tunisienne à travers l’usage de nouvelles technologies, la modernisation des systèmes informatiques de l’etat au service du citoyen.
Les services connaitraient, durant les trois prochaines années, une mutation qualitative dans le cadre de la modernisation de l’administration électronique et de la mise en place de l’open Gov moyennant l'exécution des projets prévus dans la stratégie de l’administration électronique et de l’opengov "Smart Gov 2020, a révélé Chahed, l’objectif étant, selon lui, de permettre à la Tunisie d'être classée, d'ici 5 ans, parmi les pays qui sont dans le premier tiers du classement de "Transparency international" (La Tunisie occupe actuellement le 78e rang sur 168 pays).