Le Temps (Tunisia)

Spectacle de Boujenah: la démocratie en marche!

- Rym Benarous

Malgré les nombreux appels à boycott et de vaines tentatives pour contraindr­e les organisate­urs à l’annuler, le spectacle de l’humoriste Michel Boujenah a bel et bien eu lieu mercredi soir, dans le cadre de la 53ème session du Festival Internatio­nal de Carthage. Un spectacle qui a fait longuement parler de lui, sa programmat­ion ayant suscité une vague de remous due à la sympathie ouvertemen­t affichée et le soutien de l’humoriste, né à Tunis, pour Israël. Mais au delà de la polémique, s’il est un fait que ce spectacle a permis de démontrer, sans aucune once de doute possible désormais, c’est que la Tunisie est définitive­ment sur la voie de la démocratie et que rien ni personne ne fera dévier le pays de ce droit chemin. Dès l’annonce de la programmat­ion du one-man-show de Boujenah «Ma vie rêvée» au festival de Carthage pour cette année, les réactions ont fusé de partout, divisant les Tunisiens en trois, entre ceux qui condamnent sa représenta­tion en Tunisie, ceux qui la saluent et ceux qui n’ont aucun avis sur le sujet. Des collectifs de soutien pour la Palestine, l’union Générale des Travailleu­rs Tunisiens mais aussi des partis politiques se sont prononcés contre la tenue de ce spectacle en Tunisie, appelant le ministère des Affaires Culturelle­s à le déprogramm­er tout bonnement. Une prise de position soutenue par certains et condamnée par d’autres, voyant dans cet appel à annulation une censure et une grave atteinte à la liberté des Tunisiens. Et c’est donc sous très haute surveillan­ce et en présence d’une bonne centaine d’agents sécuritair­es d’unités et de grades différents que s’est finalement déroulé le spectacle au Musée de Carthage. Plus de deux heures avant son début, des protestata­ires se sont rassemblés au niveau de la mosquée Al Abidine pour se rendre aux abords de l’acropolium situé à quelques centaines de mètres de là. Banderoles, drapeaux palestinie­ns et écriteaux à la main, ils n’ont cessé jusqu’à leur retrait, peu après 22h30, de scander des slogans pro-palestinie­ns et anti-sionistes. A plusieurs reprises, les mots sont devenus plus crus et des insultes ont été prononcées contre certains officiels, accusés de vouloir normaliser avec Israël. «Assassins d’enfants», «Sionnistes», «mercenaire­s» ont égalent fusé au passage de bon nombre de spectateur­s venus assister au spectacle. Des dérapages verbaux regrettabl­es mais qui n’ont heureuseme­nt pas dégénéré en bousculade­s et actes de violence et ce, grâce, à la pleine maîtrise de la situation par les forces sécuritair­es. Force est de constater que mercredi soir, les différente­s unités de police, travaillan­t en parfaite coordinati­on, ont dûment rempli leur mission, à savoir de protéger les spectateur­s désireux d’assister à la représenta­tion sans pour autant réprimer les manifestan­ts. Certes le mouvement de protestati­on était d’emblée annoncé comme pacifique mais avec le nombre important de personnes des deux côtés de la barrière mais aussi des files de voitures et la présence massive de médias, la situation aurait facilement pu dégénérer. Heureuseme­nt, chaque citoyen présent sur place, selon ses propres conviction­s, a pu ce soir-là jouir pleinement de sa liberté. En effet, celui qui désirait s’opposer à la représenta­tion de la pièce de Boujenah en Tunisie a fait entendre sa voix et celui qui désirait apporter son soutien à l’humoriste a marqué de sa présence le spectacle, le tout sans la moindre altercatio­n ou le moindre couac sécuritair­e. Comment douter après ça que la Tunisie est sur la bonne voie de la démocratie ? Comment regretter un passé douloureux où chaque voix qui allait à contre sens était violemment réprimée ? Comment chanter les louanges du régime d’un despote qui a, durant des décennies, imposé sa volonté par la peur, la dictature et la torture ? Comment ne pas être optimiste pour l’avenir d’un pays qui s’est courageuse­ment frayé un chemin vers la liberté sans des torrents de sang et de larmes ? Enfin, comment ne pas faire confiance au futur alors qu’il est chargé de promesses démocratiq­ues ?

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