Quelle marge de manoeuvre, pour quels objectifs ?
Enfin et après de multiples tergiversations, discussions, négociations et tiraillements politiques, le gouvernement Chahed 2 vient de voir le jour, dans la douleur, donnant satisfaction à certains et provoquant les commentaires acerbes et indignées, chez d’autres notamment du côté des inconditionnels de la contestation et de l’opposition. Pourtant ce remaniement et l’annonce de la composition du nouveau gouvernement sont devenus une urgence, au vu des prochaines échéances, en particulier la discussion du projet de budget de l’etat et la loi de finances pour l’année 2018 ainsi que les élections municipales qui seraient être reportées au mois de mars prochain. Question de choix des 13 nouveaux ministres, l’empreinte du président de la République, Béji Caïd Essebsi est bien claire et nette, surtout qu’il s’agit de personnalités ayant prouvé, par le passé, leur compétence dans certains postes ministériels, ayant réussi dans d’autres postes ou faisant partie du proche entourage du président.
Toutefois, ces choix ont été opérés sur la base d’un consensus entre les signataires du Document de Carthage et le chef du gouvernement Youssef Chahed en est satisfait. Il l’a confirmé en soulignant que son gouvernement d'union nationale sera "un gouvernement de guerre" et continuera de "mener le même combat contre le terrorisme, la corruption, le chômage et les disparités régionales". Question consensus, il a fait remarquer, lors de l’annonce de la composition de son cabinet, que les principaux axes de son programme économique et social à l'horizon de 2020 ont été fixés lors d'une réunion, mardi dernier, avec les signataires du Document de Carthage. "Ce programme a été élaboré en adoptant une stratégie participative" a-t-il souligné. Tout le monde espère donc qu’il aura les coudées franches et une large marge de manoeuvre pour mener à bien son programme, en vue de sortir le pays notamment de sa crise économique et sociale. Mais cela sera-t-il possible, au vu des déclarations et autres positions de la classe politique et des partis notamment avant la formation du gouvernement ?
Pour l’heure le président de la République Béji Caïd Essebsi a su tempérer les velléités des uns et des autres. Et il n’y a qu’à voir sa récente interview accordée au journal Essahafa pour comprendre qu’il ne comptait pas plier aux tiraillements politiques, avec des menaces peu voilées pour ceux qui cherchent à entraver ses objectifs, alors qu’il compte être, toujours, le président du consensus et de la modération. Aujourd’hui, les choix sont faits, en attendant, bien-sûr, le vote de confiance de l’assemblée des représentants du peuple (ARP) devant avoir lieu lundi prochain. Chahed s’est "débarrassé" des ministres et secrétaires d’etat qui n’auraient pas, selon sa vision, été performants et efficaces. Le nouveau cabinet, même si certains de ses membres lui ont été imposés, semble répondre aux besoins de son action gouvernementale, même si certains ministres ont " fait parti de l’ancien régime de Ben Ali", notamment Ridha Kechrid et Hatem Ben Salem. Reste que ces deux personnalités ont, toujours, fait preuve de patriotisme et ont répondu présents, chaque fois qu’ils ont été sollicités. Bien sûr, certains sont même allés jusqu’à faire des procès d’intention au président de la République et au chef du gouvernement, notamment le très loquace Imed Daïmi qui a dit, dans une déclaration radiophonique que ce gouvernement enterrait la Révolution et le processus démocratique, avec l’intention de la direction politique du pays de mettre la main sur tous les rouages, notamment militaires et sécuritaires.
Pourtant, l’heure n’est plus aux tergiversations, aux hésitations et aux accusations, mais à l’action. Et on ne peut juger le nouveau gouvernement que sur ses actes et sur son efficacité à répondre aux aspirations du peuple qui n’en finit pas de manger son pain noir, en attendant des jours meilleurs.
Faouzi SNOUSSI