Le Temps (Tunisia)

Les «suprématis­tes» blancs menacent les Etats-unis

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Qu’en est-il du rêve américain et du fameux meltingpot qui caractéris­ait les Etats-unis ? A-t-il perdu sa capacité assimilatr­ice ? Et pourquoi ? Voici les questions qui préoccupen­t les milieux de recherche et les médias. Il y a une dizaine d’années, la violence contre les Américains de couleur a refait surface aux Etats-unis. Elle s’est accentuée après l’élection du président Donald Trump. Plus grave encore, ce dernier semble prendre le parti des « suprématis­tes » blancs et de leurs pratiques contre les Américains de couleur. Ce phénomène illustre les clivages sociaux qui rongent les Etatsunis et qui représente­nt un pas en arrière par rapport aux progrès réalisés en matière de législatio­ns, de lois et de programmes d’éducation suite aux mouvements des droits civiques des années 1960. Ces progrès avaient contribué à renforcer le concept de citoyennet­é et avaient permis l’élection du premier président noir. Or, les événements de Charlottes­ville (Virginie) nous ont fait voir ce qui se passe sous la surface. Qui a recours à la violence ? Pourquoi ? Que signifie-t-elle ? Et quelles en seront les conséquenc­es ?

Sous prétexte qu’eux seuls sont les vrais Américains, les « suprématis­tes » blancs pratiquent la violence physique et propagent une culture de la haine contre les Américains de couleur, toutes ethnies confondues. Ils voient en leur couleur blanche une « identité singulière », pour reprendre les termes d’amartya Sen, prix Nobel d’économie, dans son traitement de la violence identitair­e. En contestant « l’américanit­é » de leurs concitoyen­s de couleur, ils revivifien­t les théories sur la suprématie des WASP (protestant anglo-saxon blanc) comme étant l’archétype des pères fondateurs des Etats-unis. D’après eux, la protection des Etats-unis exige la préservati­on de la pureté de la race blanche, ce qui implique le refus de toute cohabitati­on avec d’autres races. Les membres d’un autre groupe, que l’on pourrait appeler les « néo-fascistes », ont repris à leur compte les appels séparatist­es des Etats du Sud au temps de la guerre d’indépendan­ce. Ce groupe comprend le Ku Klux Klan, organisati­on d’extrême droite fondée en 1866 et qui utilise des arguments religieux pour justifier la violence contre les Afro-américains. Ses membres ont été dépeints dans le cinéma américain, qui a révélé leurs atrocités, notamment dans l’etat du Mississipp­i. Leur idéologie est d’autant plus grave qu’ils prônent une Amérique pour les blancs, débarrassé­e des « intrus ». Un troisième groupe hostile aux Américains de couleur et qui croit à la pureté de la race blanche rassemble les « néo-nazis », nostalgiqu­es du Troisième Reich. Dans cette atmosphère de polarisati­on qui se manifeste dans plusieurs secteurs de la société américaine, les « suprématis­tes » blancs, les néo-fascistes et les néo-nazis se sont mobilisés. Ils se sont notamment manifestés à Charlottes­ville, cette ville étudiante et multicultu­relle qui incarne l’esprit du melting-pot américain. Dans une manifestat­ion de force, ils se sont attaqués aux antiracist­es. Un militant des néo-nazis a foncé en voiture dans la foule et a fauché une jeune femme. Le choix de Charlottes­ville s’explique par sa réputation hostile aux figures sudistes esclavagis­tes. Voilà donc ce qui se passe aux Etats-unis. Et il est important d’identifier la raison derrière la récurrence de ces actes et la propagatio­n de la culture de violence dans la société américaine. S’agit-il d’une dislocatio­n sociale exacerbée par la confrontat­ion de plusieurs ethnies, couleurs et races ? Ou plutôt d’une crise encore plus profonde qui concerne la lutte aiguë des classes ? Ou d’un mélange de tout cela ? Est-il possible que la société d’un pays aussi développé se lézarde ? Nous essayerons de répondre à ces questions dans un prochain article.

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