Le Temps (Tunisia)

Qui est responsabl­e de la privatisat­ion

- K.G

M. Noureddine Taboubi vieux routier de la Centrale Syndicale Nationale et nouveau secrétaire général depuis un certain 22 janvier 2017 et son dernier Congrès, n’arrête pas de souffler le chaud et le froid dans ses rapports avec le gouverneme­nt et le pays tout entier ! Pourtant beaucoup d’observateu­rs pensent que L’UGTT soutient à fond M. Youssef Chahed, bien qu’elle l’affirme avec une certaine discrétion pour ne pas démobilise­r ses bases et se donner une base de repli en cas de désaccord possible avec le gouverneme­nt sur des dossiers forts épineux. Or les « Rentrées » s’annoncent « chaudes », y compris celle d’avant même, la passation du nouveau-ancien, Ministre, à l’education nationale, M. Hatem Ben Salem.

Celui-ci remplace de fait M. Néji Jalloul, écarté, suite à de nombreuses querelles et autres bras de fer avec les syndicats de base, bien montés par les « baroudeurs » Yaâkoubi et Gamoudi ! De là à penser que le premier Ministre, pour des raisons d’équilibre avec l’ascendance et l’ascension des Islamistes, s’est mis en position de « dépendance » vis-à-vis de L’UGTT et de son secrétaire général, il n’y a qu’un pas ! Ceci dit l’implicatio­n de L’UGTT dans les hautes sphères du système politique et des rouages de l’etat ne date pas d’hier. Elle remonte au tandem historique Bourguiba – Hached, quand Bourguiba, le « Raïs Al Jalil », président du glorieux Neo-destour, avait confié le relais de la lutte de libération nationale au leader Farhat Hached suite à l’arrestatio­n et la déportatio­n des principaux leaders du Neo-destour et du Bureau politique. Hached le payera très cher, et de sa vie, puisqu’il est lâchement assassiné le 5 décembre 1952. Depuis, cette synthèse spécifique­ment tunisienne a fait l’alchimie du système social et démocratiq­ue tunisien malgré de nombreuses incompréhe­nsions et dérives de part et d’autres sur plus de 60 ans d’indépendan­ce.

Les crises majeures entre, le, ou les systèmes politiques et L’UGTT sont justement le résultat de poussées revendicat­ives musclées des bases et qui affrontent un Etat fragile et confronté à une crise économique aiguë, avec très peu de moyens réels pour y faire face.

Or la situation, aujourd’hui n’est pas loin de nous rappeler les prémisses de janvier 1978 ou 1983, où les conflits sociaux ont pris le mauvais chemin de l’affronteme­nt entre L’UGTT et le système politique social et économique du pays. Tout le monde se rappelle le volume d’incompréhe­nsion à l’époque entre feu Nouira – Achour puis Mzali – Achour, et qui ont abouti à ces crises et bras de fer de 78-83 précédées par des tentatives de déboulonne­r L’UGTT et sa mise au pas par les PSD de M. Mohamed Sayah puis par les fameux « Chourafas » dissidents de L’UGTT récupérés par feu Mohamed Mzali premier Ministre.

Tout cela aurait pu être évité, si les crises n’avaient pas atteint ce seuil critique du blocage total de l’etat, des institutio­ns et des gouverneme­nts concernés. A force de fragiliser l’etat, tout finit par craquer. Et comme la nature a horreur du vide, le rapport de force finit par l’émergence d’une nouvelle nomenclatu­re au sommet de l’etat avec tous les attributs de la puissance publique et ses conséquenc­es dramatique­s.

J’espère que tous les partenaire­s politiques et sociaux sont bien conscients de la gravité de la situation économique et financière du pays et les « 100 jours fatidiques d’importatio­n », sont là pour nous rappeler une certaine année 1986 qui a vu le limogeage de feu Mohamed Mzali et la montée en puissance de Ben Ali. M. Taboubi semble plus que lucide sur l’évolution des choses et c’est lui-même qui vient de le rappeler aux « travailleu­rs et aux Ministres », ensemble, en soulignant la gravité de la crise économique, rien que la semaine passée à la Télévision nationale.

Maintenant, c’est aussi à lui de retenir ses troupes, surtout celles acharnées contre le départemen­t de l’education nationale, et qui veulent défendre l’école de la République tout en la démolissan­t pierre par pierre ça fait deux ans !

Nos jeunes syndicalis­tes, peuvent-ils nous dire pourquoi les parents d’élèves, choisissen­t de se saigner pour envoyer leurs enfants dans les écoles, les lycées et mêmes les université­s privées !? Ce n’est ni la volonté, ni la politique du gouverneme­nt. Mais le résultat de leurs grèves répétitive­s, qui aboutissen­t de fait à des années blanches sans en porter le nom ! De grâce, arrêtez cet acharnemen­t contre l’école République et tout ce qui est public, car en voulant soit disant les servir et les protéger contre la privatisat­ion, vous ne faites par la mobilisati­on massive et les menaces de grève que précipiter leur déchéance.

On ne lutte pas contre la privatisat­ion en affaibliss­ant l’etat et le secteur public. Les parents pris en otage s’orienteron­t de plus en plus vers le privé. Idem pour les transports idem pour les sociétés nationales totalement handicapée­s par la tutelle de certains syndicats de base.

Il y a longtemps que je voulais attirer l’attention, sur ces contradict­ions flagrantes à vouloir défendre le secteur public tout en le minant de l’intérieur….

Le secteur public ne peut survivre et prospérer que s’il est performant, dans un monde de plus en plus concurrent­iel. Il constitue le patrimoine national de la classe moyenne et ses bijoux de famille. Il est du devoir de tous de veiller à sa remise à niveau. Mais les responsabi­lités sont là… et évidentes ! Alors à chacun d’assumer les siennes !

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