Le Temps (Tunisia)

Chasse aux sorcières

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Non content d’avoir détruit l’algérie économique­ment, institutio­nnellement et moralement, le pouvoir actuel, accaparé par un petit groupe d’individus agglutinés autour de Abdelaziz Bouteflika, a déclaré une guerre totale aux idées et à la culture dans notre pays. N’ont droit de cité que les laudateurs profession­nels et les larbins en tous genres pour faire l’apologie du leader respecté et bien-aimé. Dernière agression contre notre culture : deux universita­ires renommés, Aïssa Kadri et Daho Djerbal, invités à donner des conférence­s sur la lutte des peuples contre le colonialis­me le 1er novembre prochain par les organisate­urs du Salon internatio­nal du livre d’alger (SILA) ont été informés qu’ils ne font plus partie des invités. Aucune explicatio­n ne leur a été fournie. Et pour cause. La décision est tellement grave, et connaissan­t le fonctionne­ment du système algérien, qu’elle n’a pas pu être prise par les organisate­urs du SILA, cet espace en théorie dédié à la liberté de création, mais transformé en lieu de répression. Le crime de ces deux hommes ? Avec d’autres respectabl­es personnali­tés, ils ont appelé, le 7 septembre dernier, à l’organisati­on d’une élection présidenti­elle anticipée, une propositio­n qui fait horribleme­nt peur aux prédateurs du cercle présidenti­el qui sont entrain de détruire le pays par la réprime, la peur et le chantage. Tout système basé sur le pouvoir personnel ne tolère pas les débats d’idées, les intellectu­els, et pour cela, il déclenche une guerre sans merci à tout ce qui peut remettre en cause son pouvoir foncièreme­nt antidémocr­atique. De ce fait, il n’hésite pas à s’engager dans une chasse aux sorcières sans merci.

Depuis deux ans, il a été constaté que la wilaya de Béjaïa est sa cible privilégié­e. Toutes les conférence­s sont systématiq­uement interdites. Même une figure politique comme Saïd Saadi a été interdit(e) de présenter au Café littéraire d’aokas son livre, qui n’a pourtant rien de subversif, sur le musicien et chanteur Cherif Kheddam. Même des écrivains comme Kamel Daoud, par exemple, sont interdits de publier. Jamais des explicatio­ns sont fournies, tout simplement parce que les fonctionna­ires de service n’osent pas dire qu’ils ne font qu’exécuter des ordres venus «d’en haut» pour ne pas perdre leur emploi.

Le boutefliki­sme, outre qu’il a ruiné l’algérie, a décidé aussi d’en faire un désert culturel pour abêtir les citoyens et les renvoyer au Moyen-age. On sent que la culture est l’ennemi de la médiocrité. Les incompéten­ts et les aventurier­s qui sont au pouvoir le prouvent amplement. A une époque récente, n’a-t-on pas permis à un prédicateu­r obscuranti­ste, Mohamed El Ghazali, ami du chantre du terrorisme El Qaradhaoui, de s’attaquer sur la chaîne de TV algérienne à de grandes figures de la littératur­e algérienne comme Mohamed Arkoun et Kateb Yacine. La grande Amérique avait beaucoup perdu lorsqu’elle avait laissé au début des années 1950, le sénateur Mccarthy faire la chasse à ses grandes figures de l’art et de la culture.

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