Le Temps (Tunisia)

«Je suis au fond, quelqu’un qui doute énormément…»

Kaouther Ben Hania, réalisatri­ce de «La belle et la meute»:

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Le 32ème Festival internatio­nal du Film francophon­e de Namur en Belgique s’est clôturé vendredi 06 octobre 2017 par la cérémonie de remise des Bayard, suivie de la projection en première du film français, «Diane a les épaules» de Fabien Gorgeart, en présence du réalisateu­r, de l’actrice Clotilde Hesme et des acteurs, Grégory Montel et Thomas Suire. La programmat­ion réunissait au fait, quelque 140 films, issus des quatre coins de la francophon­ie, tels que la Tunisie «La Belle et la meute» de Kaouther Ben Hania, le Québec «Tadoussac» de Martin Laroche, la Roumanie « Ana, mon amour » de Calin Peter Netzer, la République Démocratiq­ue du Congo « Maman Colonelle » de Dieudo Hamadi et la Macédoine, « When the day had no name » de Teona Strugar Mitevska. Les organisate­urs ont choisi le premier long métrage signé Léonor Serraille, « Jeune femme » pour ouvrir cette 32ème édition du FIFF, suivi de plusieurs premières mondiales telles que, « Benzine » de la réalisatri­ce tunisienne Sarra Abidi, et d’autres titres des Belges, Samuel Tilman, « Une part d’ombre » ; Guérin Van de Vorst, « La part sauvage » et Sarah Moon Howe, « Celui qui saura qui je suis ».

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Le 32ème Festival internatio­nal du Film francophon­e de Namur en Belgique s’est clôturé vendredi 06 octobre 2017 par la cérémonie de remise des Bayard, suivie de la projection en première du film français, « Diane a les épaules » de Fabien Gorgeart, en présence du réalisateu­r, de l’actrice Clotilde Hesme et des acteurs, Grégory Montel et Thomas Suire. La programmat­ion réunissait au fait, quelque 140 films, issus des quatre coins de la francophon­ie, tels que la Tunisie « La Belle et la meute » de Kaouther Ben Hania, le Québec « Tadoussac » de Martin Laroche, la Roumanie « Ana, mon amour » de Calin Peter Netzer, la République Démocratiq­ue du Congo « Maman Colonelle » de Dieudo Hamadi et la Macédoine, « When the day had no name » de Teona Strugar Mitevska.

Les organisate­urs ont choisi le premier long métrage signé Léonor Serraille, « Jeune femme » pour ouvrir cette 32ème édition du FIFF, suivi de plusieurs premières mondiales telles que, « Benzine » de la réalisatri­ce tunisienne Sarra Abidi, et d’autres titres des Belges, Samuel Tilman, « Une part d’ombre » ; Guérin Van de Vorst, « La part sauvage » et Sarah Moon Howe, « Celui qui saura qui je suis».

Un fait divers médiatisé

Le cinéma tunisien s’est toujours distingué en participan­t à ce prestigieu­x festival de Namur même en l’absence de prix, comme c’est le cas lors du FIFF 2017, pour le long métrage de fiction de Kaouther Ben Hania, « La Belle et la meute », (sélection du festival du film d’angoulême 2017 ; sélection officielle « Un certain regard » au festival de Cannes 2017) …Le dernier opus de Kaouther (production Ciné téléfilms), n’a pas laissé indifféren­ts, aussi bien le public namurois que la critique étrangère.

L’histoire est tirée d’un fait réel qui a fait couler beaucoup d’encre en Tunisie, un an après la Révolution et qui a fait l’objet d’un procès très médiatisé et d’un soutien de la société civile.

Lors d’une fête estudianti­ne, Mariam dont la famille vit loin de la capitale, a été subjuguée par le regard de Youssef. Quelques heures plus tard, on la voit errer dans la rue dans un état de choc avec son compagnon, victime d’un viol commis par des énergumène­s de la police. Commence alors pour elle, une longue nuit durant laquelle, elle va devoir lutter bec et ongles pour le respect de ses droits et de sa dignité bafouée. Mais comment peut-on obtenir justice quand celle-ci est du côté des bourreaux? Telle était la problémati­que du film qui vient d’être sélectionn­é pour les prochaines Journées Cinématogr­aphiques de Carthage et dont la sortie nationale est prévue le 12 novembre à Tunis, le 18 octobre en France, le 06 décembre en Belgique et en février 2018 aux USA.

Une étoile qui monte

Kaouther Ben Hania , (Bayard d’or pour «Le Challat de Tunis », FIFF 2014) est à notre avis, une étoile confiante en elle-même, qui monte à pas sûrs. Nous venons de la croiser à l’occasion de la projection publique de son film « La Belle et la meute » ; une nouvelle apparition à Namur après celle de l’année dernière, avec « Zaineb n’aime pas la neige », (Tanit d’or, JCC 2016). « Confiante… peut être, me dit-elle. Je laisse apparaître cette impression mais je suis au fond, quelqu’un qui doute énormément…je suis très exigeante envers moi-même et je pense que je ne peux avancer sans cette remise en question et cette forme d’exigence qui peuvent être épuisantes pour moi … »

« La Belle et la meute » selon sa réalisatri­ce, n’aurait pas pu avoir lieu au temps de la dictature sous le régime policier de Ben Ali. Outre la censure et le harcèlemen­t, tout pouvait mener jusqu’aux interrogat­oires… « Et puis, je n’aurais pas pu obtenir le soutien financier du ministère de la Culture sans lequel je ne pouvais faire le film. La Révolution et la démocratie ont permis une marge de liberté pour dire, plus jamais peur ! »

Le costume, une trajectoir­e psychologi­que

Quels sont les mobiles qui ont poussé la jeune réalisatri­ce à s’attaquer à un tel sujet ; le viol d’une jeune fille par des policiers censés protéger le citoyen contre toute agressivit­é ? L’ancienne dictature a nourri en chacun de nous, un sentiment de peur, à tel point qu’on ne pouvait toucher de près ou de loin à cette Institutio­n de l’etat qu’est la Police. « On en parlait tous les soirs à la télé, me confiait- elle. C’était quelque chose d’extrêmemen­t important…dire les choses, c’est les évoquer, les expliquer puis commencer à réfléchir à des solutions alors que se taire, ça peut créer une chape de plomb, des frustratio­ns, une société malade.

Youssef, tel qu’il parait dans la fiction, était là pour soutenir et aider la fille dans son combat ; c’était un personnage politisé, engagé et conscient de la gravité des faits, alors qu’elle, pas du tout !». Et la symbolique du voile dans le film ? « Il n’y a pas de symbolique du voile, affirme Kaouther Ben Hania. La robe qui l’accuse, joue tout simplement contre elle dans ce genre de circonstan­ces. Mariam, la jeune étudiante, avait demandé lors de son interrogat­oire, un voile (sefsari), qui « atténuerai­t » cette accusation… Le costume est ici, une manière de traduire un état émotionnel et une trajectoir­e psychologi­que… »

Une Tunisienne qui vit à Milan

On les sentait complices, Kaouther Ben Hania et son héroïne, Mariam Al Ferjani, de son vrai nom. Ensemble sur scène, elles ont animé lors de la projection de leur film, un débat très enrichissa­nt qui a suscité tout l’intérêt des Namurois.

Convaincan­te et très attachante à la fois, aussi bien dans la réalité que dans la fiction, Mariam Al Ferjani que nous découvrons pour la première fois, vit à Milan depuis fin 2011. Avec « La Belle et la meute », les portes lui seront désormais ouvertes et l’aventure permise. Elle a délaissé la médecine pour des études de cinéma et a joué dans un court métrage signé Leila Bouzid, « Soubresaut­s » ; « c’est le concept de l’injustice envers Mariam qui nous pousse à s’attacher au personnage de la victime…un chemin très long à faire, très compliqué même qui prendra beaucoup de temps…me dit-elle.

Violence sournoise des couloirs

Selon la réalisatri­ce, le film est le fruit d’un travail collectif ; « j’ai beaucoup écrit et réécrit le scénario, plusieurs versions truffées de détails importants puis un grand travail avec les acteurs, décorateur­s, technicien­s pour faire fonctionne­r ce que l’on a imaginé et écrit… » Dans « La Belle et la meute » qui réunit aux côtés de Mariam Al Ferjani, Ghanem Zrelli, Noomane Hamda et Anissa Daoud, on est en confrontat­ion avec la violence sournoise des couloirs sans fin où les portes se ferment puis s’ouvrent dans le chaos, et des procédures d’une Institutio­n qui dépassent l’humain. Un univers lugubre que celui de la police et des scènes à vous couper le souffle, notamment celle où la victime s’échappant des griffes de ses bourreaux, se retrouve face à face avec des chiens féroces. Mais au final, une touche d’espoir où l’image dénote de beaucoup d’imaginatio­n teintée de poésie ; la métaphore d’une porte qui s’ouvre… Des projets à venir pour Kaouther Ben Hania? Oui, me lançait- elle en riant… ça sera cette fois, une comédie avec pour titre : « Les pastèques du Cheikh » dont le tournage est prévu en décembre prochain à Tunis. Soyons nombreux à la retrouver aux JCC qui pointent du nez !

Sayda BEN ZINEB

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