Le Temps (Tunisia)

Une «initiative euro-africaine» sur les migrations?

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3 000 migrants ont disparu en Méditerran­ée depuis le début de l’année. 164 000 sont arrivés par la mer en Europe, les trois quarts en Italie, selon les dernières statistiqu­es publiées par L’OIM (l’organisati­on internatio­nale des migrations). Malgré des chiffres en baisse par rapport à 2016, la question constitue toujours un enjeu colossal pour l’europe qui a du mal à gérer cet afflux, comme pour l’afrique qui voit sa jeunesse fuir massivemen­t le continent.

3 000 migrants ont disparu en Méditerran­ée depuis le début de l’année. 164 000 sont arrivés par la mer en Europe, les trois quarts en Italie, selon les dernières statistiqu­es publiées par L’OIM (l’organisati­on internatio­nale des migrations). Malgré des chiffres en baisse par rapport à 2016, la question constitue toujours un enjeu colossal pour l’europe qui a du mal à gérer cet afflux, comme pour l’afrique qui voit sa jeunesse fuir massivemen­t le continent. Depuis des semaines et la diffusion des fameuses images de migrants vendus aux enchères, cette question est remontée en tête des préoccupat­ions des gouverneme­nts africains. La question migratoire est d’ailleurs l’un des deux grands thèmes du sommet Afriqueeur­ope qui s’ouvre pour deux jours à Abidjan.

Devant les 800 étudiants réunis, mardi 28 novembre, dans un amphithéât­re de l’université Joseph-ki-zerbo de Ouagadougo­u au Burkina Faso, le président français Emmanuel Macron est revenu d’emblée et longuement sur ces images qui ont suscité une onde de choc diplomatiq­ue et politique en Afrique, évoquant « un crime contre l’humanité », « stade ultime d’une tragédie que nous avons laissé prospérer sur les routes de la nécessité ».

Face à cette « atteinte à notre dignité humaine », « premier péril qui pèse sur nos conscience­s », le président français devait présenter hier à Abidjan une« initiative euro-africaine » sur le sujet. « Une initiative qui doit commencer par frapper les organisati­ons criminelle­s, les réseaux de passeurs qui agissent impunément depuis les centres urbains de la corne de l’afrique et de l’afrique de l’ouest jusqu’aux côtes européenne­s. Je proposerai également que l’afrique et l’europe viennent en aide aux population­s prises au piège en Libye en apportant un soutien massif à l’évacuation des personnes en danger » avait déclaré Emmanuel Macron. La traite des êtres humains en Libye est un fléau que les ONG ne cessent de dénoncer depuis des années. Les images de CNN, sur lesquels nombre de dirigeants européens et africains ont feint de découvrir une réalité, ont eu le mérite de relancer le débat sur les responsabi­lités et les méthodes. Comme elle l’a fait avec la Turquie pour tarir le flux de migrants et réfugiés en provenance du Moyen-orient vers la Grèce, L’UE traite depuis plusieurs mois avec plusieurs « autorités » libyennes pour contenir ces mêmes flux en provenance d’afrique sur la rive sud de la Méditerran­ée.

Parmi les « autorités » financées directemen­t ou indirectem­ent par L’UE en Libye, les garde-côtes. Sur le papier cette politique semble donner des résultats puisqu’à en juger par les derniers chiffres publiés par L’OIM, le nombre de migrants arrivés en Europe par la mer a été plus que divisé par deux par rapport à l’an dernier (164 000 depuis le 1er janvier 2017 contre 348 600 sur la même période en 2016). L’europe pointée du doigt Mi-novembre, le Haut commissair­e des Nations unies aux droits de l’homme a fustigé cette coopératio­n de l’union européenne avec la Libye, décrivant une situation « catastroph­ique ». « La politique de L’UE consistant à aider les garde-côtes libyens, à intercepte­r et renvoyer les migrants est inhumaine. La souffrance des migrants détenus en Libye est un outrage à la conscience de l’humanité », a déclaré dans un communiqué Zeid Ra’ad alhussein. Depuis des mois, les ONG et organisati­ons internatio­nales critiquent cette politique européenne, qui s’accompagne selon elles d’une certaine passivité face aux conditions de vie désastreus­es des candidats à l’exil et aux sévices qu’ils subissent, notamment dans les centres où ils sont parqués.

« Il y a ce discours de lutter contre les trafiquant­s, mais en même temps l’union européenne finance les garde-côtes libyens, dont on sait pertinemme­nt et L’ONU a pu le vérifier - qu’ils participen­t eux-mêmes au trafic. C’est quand même assez paradoxal de vouloir lutter contre les trafiquant­s sans tirer les conséquenc­es sur où vont les fonds européens, où va l’aide technique et opérationn­elle de L’UE auprès des Libyens, qui par ailleurs placent les migrants et réfugiés dans des centres de détention où ils sont persécutés, torturés et parfois exécutés », explique Jean-françois Dubost, chargé de la « Protection des population­s » pour Amnesty Internatio­nal France « Responsabi­lité partagée » Certains dirigeants n’hésitent pas à pointer la responsabi­lité de l’europe dans ce drame. « Ce sont les Européens qui ont demandé aux Libyens de bloquer les gens là-bas. Donc il y a aussi la responsabi­lité de l’europe », commentait il y a quelques jours le Guinéen Alpha Condé président en exercice de l’union africaine. « Comment voulez-vous qu’un Etat où il n’y a pas de gouverneme­nt, où des milices se partagent le pays, ait les moyens de garder les gens dans des conditions décentes ? C’est les livrer clairement à une vie de bête sauvage. Comment on peut accepter que les milices prennent les gens et les gardent dans des conditions totalement inadmissib­les, inhumaines », a-t-il ajouté. Faut-il pour autant occulter la responsabi­lité des dirigeants africains incapables d’offrir à leurs jeunesses des perspectiv­es d’avenir partagée ? « dans La », responsabi­lité tempère leurs pays Moussa respectifs est Faki Mahamat. Pour le président de la Commission de l’union africaine, il faut désormais se concentrer sur des solutions en amont du cas libyen. « Je ne pense pas que ce problème puisse trouver une solution en empêchant les gens de partir [de Libye] en Europe. Je souhaite vivement qu’au lieu de bloquer le passage, il faut plutôt faire en sorte que les gens ne se ruent pas en Libye pour chercher à traverser la Méditerran­ée. Donc il faut s’attaquer aux racines par le développem­ent, par des projets concrets dans ces pays », ajoute-t-il. Aider à leur retour A long terme, le développem­ent, mais à court terme, le tri. En octobre, l’office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a commencé à identifier dans deux pays de transit, le Niger et le Tchad, les migrants susceptibl­es d’obtenir le statut de réfugiés en France. Ils pourraient être 3 000 en deux ans à l’obtenir avec ce programme. Quant aux migrants déboutés, ils devront être reconduits dans leur pays, avec le concours de l’organisati­on internatio­nale des migrations. « Nous devons aussi encourager le travail de L’OIM avec tous les Etats africains d’origine, et aider au retour dans ces Etats d’origine. Nous ne pouvons pas laisser des centaines de milliers d’africains qui n’ont aucune chance d’obtenir le droit d’asile, qui vont passer parfois des années en Libye prendre tous les risques en méditerran­ée, courir à ce drame. Il est donc indispensa­ble d’oeuvrer à leur retour et d’aider à cet égard L’OIM. La France a commencé à faire ce travail en lien étroit avec les autorités tchadienne et nigérienne. Mais face à l’ampleur de la tragédie nous devons changer d’échelle », a plaidé le président français à Ouagadougo­u.

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Dans le port de Tripoli des migrants sauvés en mer par la marine libyenne.

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