Iran: Signes de résistance
Le mouvement de contestation contre la corruption et la cherté de la vie qui a touché plus de 80 villes en Iran au tournant du Nouvel An s’est peut-être essoufflé, mais il a laissé et laissera des traces — comme le soulèvement populaire de 2009 contre le déni de liberté électorale qui avait débouché sur la réélection du président conservateur Mahmoud Ahmadinejad.
Les protestations qui ont balayé le pays pendant une semaine, les plus amples en près de dix ans, avaient avant tout une dimension socioéconomique, ciblant le régime islamiste, les durs et les modérés confondus, pour son échec à relever le niveau de vie d’une population qui attend avec impatience que sa situation s’améliore dans la foulée de l’accord international de 2015 sur le nucléaire iranien. Les manifestations avaient ceci de nouveau qu’elles étaient moins portées par les classes moyennes des grandes villes, plus généralement acquises aux réformateurs, que par les couches populaires électoralement plus conservatrices. De fait, la rue a vertement critiqué le président modéré Hassan Rouhani pour le budget qu’il venait de présenter, enragée par les coupes prévues aux allocations sociales et aux subventions sur le carburant. Les manifestants ne se sont pas privés non plus de dénoncer les dépenses que l’état engloutit dans le soutien qu’il apporte au régime syrien et au Hezbollah.
Mécontentement tous azimuts, donc. Reste que ce mouvement ne peut pas ne pas s’inscrire dans le contexte du conflit culturel et social qui scinde l’iran. Le président Rouhani ne le sait que trop bien, qui a cherché à récupérer ces manifestations à son avantage dans sa lutte plus ou moins feutrée contre les ultraconservateurs. Les racines de la contestation, a-t-il martelé, ne peuvent pas être réduites à la seule crise économique. En effet. Car il est manifeste que les contrôles sociaux imposés aux Iraniens par le régime théocratique leur deviennent de plus en plus insupportables. Par exemple : les autorités ont annoncé ces derniers jours que, des 21 morts qu’ont faits les heurts pendant les manifestations, deux étaient de jeunes hommes qui s’étaient suicidés en prison et qu’un troisième était un terroriste qui avait perdu la vie dans les affrontements avec les forces de sécurité. Or la véracité de cette affirmation du Conseil national de sécurité a été contestée avec une audace qu’il est très rare de voir les Iraniens exprimer dans l’espace public. C’est un contexte dans lequel il est probant que les États-unis de Donald Trump, continuant de laisser planer la menace, comme une épée de Damoclès, d’en finir avec l’accord sur le nucléaire, se trouvent à jouer le jeu des durs du régime et ne sont d’aucune utilité à l’élargissement du champ des libertés en Iran.