Le Temps (Tunisia)

Proche-orient : La brutalité incohérent­e de Trump

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En décidant, mardi 16 janvier, de geler une partie des fonds américains alloués aux réfugiés palestinie­ns, le président Donald Trump prétend incarner la rupture avec ses prédécesse­urs. Sa cible est L’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency), l’agence de L’ONU qui vient en aide à plus de cinq millions de personnes. Réparties entre la Jordanie, la Syrie, le Liban, la Cisjordani­e et la bande de Gaza, ce sont les victimes – et leurs descendant­s – de la nakba, la « grande catastroph­e », soit l’expulsion de centaines de milliers de Palestinie­ns de leurs villages au moment de la guerre israélo-arabe et de la fondation d’israël, il y a soixante-dix ans. Il est légitime de s’interroger sur le périmètre d’une mission qui se voulait à l’origine provisoire. Il n’est pas tabou de discuter de la définition d’un réfugié palestinie­n, même si les convention­s internatio­nales limitent les divagation­s sur ce sujet. On peut souligner l’ambiguïté de la puissance quasi étatique de L’UNRWA, par exemple dans la bande de Gaza. L’agence y a offert depuis dix ans – et fort heureuseme­nt ! – une bouée de sauvetage à une population à l’agonie, mais en permettant au Hamas, d’une certaine façon, de fuir ses responsabi­lités.

Chantage à l’argent

Rien, cependant, ne justifie la méthode employée par Washington, que seule la droite israélienn­e, en pleine dérive nationalis­te, a applaudie. Sa brutalité et le chantage à l’argent mettent en danger la stabilité des camps de réfugiés. Ils dégradent un peu plus l’image du principal contribute­ur à cette mission de L’ONU. Ils sont, surtout, contre-productifs. Au lieu de pousser la direction palestinie­nne à entrer en négociatio­n avec Israël, ils la radicalise­nt. Donald Trump accorde visiblemen­t plus d’importance à l’argent qu’à la parole de l’etat et à sa continuité d’un président à l’autre, démocrate ou républicai­n, sur des dossiers fondamenta­ux. Le conflit israélo-palestinie­n est l’un d’entre eux. Depuis vingt-cinq ans, les Etatsunis s’efforcent de jouer un rôle de médiateur pour parvenir à une solution négociée. Leur échec, qui est d’abord celui des parties impliquées, ne signifie pas que l’horizon privilégié était incorrect.

Méthode schizophrè­ne

Les Etats-unis n’ont jamais été un médiateur impartial. Leur penchant naturel en faveur d’israël, allié stratégiqu­e, était clair. Cela n’a pas empêché les administra­tions successive­s d’apporter un soutien financier robuste à l’autorité palestinie­nne et à L’UNRWA. Une fois élu, Donald Trump a voulu imprimer sa marque. Mais la méthode employée est schizophrè­ne.

Le président américain affirme vouloir réussir le « deal du siècle ». Ses envoyés spéciaux ont multiplié les contacts dans la région. Mais, parallèlem­ent, l’administra­tion Trump a compromis son statut de médiateur. Elle a nommé un ambassadeu­r à Tel-aviv, David Friedman, partisan déclaré des colonies, hostile à un Etat palestinie­n. Elle ne prend plus la peine de condamner les constructi­ons israélienn­es en Cisjordani­e, comme si le droit internatio­nal était devenu accessoire. Enfin, elle a offert à Israël, sans contrepart­ie, la reconnaiss­ance de Jérusalem comme capitale. Depuis, le président de l’autorité palestinie­nne, Mahmoud Abbas, ne veut plus entendre parler de médiation américaine. Amer et isolé, il creuse une tranchée face à Washington. Connaît-il déjà le plan américain en gestation, ou devine-t-il son orientatio­n ? On voit mal, en l’état, à quel succès pourrait mener ce début d’affronteme­nt diplomatiq­ue et financier.

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