Le Temps (Tunisia)

Cité Ettadhamen sous la hantise des inondation­s

-

Les crues du mois de juin 2017, en plein Ramadan, ont marqué les esprits des habitants sinistrés du quartier du 18 janvier à la Cité Ettadhamen, agglomérat­ion de Tunis, au sein de laquelle la densité de la population, la pauvreté et le chômage, créent un sentiment d’étouffemen­t et d’abandon.

Depuis 2012, une étude de projet de lutte contre les inondation­s dans cette cité, a été élaborée et des financemen­ts de plus de deux milliards de millimes, mobilisés. Mais, les travaux, qui prévoient le réaménagem­ent des réseaux d’assainisse­ment et la gestion des eaux pluviales, n’ont jamais été entamés jusqu’à ce jour. «Des calculs de politicien­s de l’époque qui ciblaient les élections de 2014, sont derrière ce retard qui non seulement met en péril la vie des citoyens, mais aussi, se répercute sur le coût du projet, qui au fil des ans, a augmenté pour atteindre plus de trois milliards de millimes», ont reconnu des responsabl­es municipaux de la Cité Ettadhamen. Dans le quartier du 18 janvier, où la plupart des habitation­s sont construite­s dans l’illégalité, en l’absence d’un schéma urbain bien étudié et contrôlé, les familles vivent, chaque jour d’hiver, dans la peur d’être envahies par les eaux pluviales. Les pluies, normalemen­t source de fécondité et de prospérité pour les régions à vocation agricole, sont devenues un élément destructeu­r pour ces familles aux revenus très bas et dépourvus des moindres moyens pour affronter des situations catastroph­iques.

L’oued a pris tous les biens «Nous avons peur dès que de fortes pluies sont annoncées. «L’oued» a pris tous nos biens. Il a ruiné des familles... Il va nous tuer un jour», déclare, d’une voix inquiète et éraillée, Samira, une mère de famille, résidente dans le quartier depuis 38 ans et dont la maison a été envahie par les crues, à plusieurs reprises.

Elle n’est pas la seule habitante du quartier qui vit dans l’inquiétude et l’angoisse. Ce sont les mêmes mots qui reviennent dans la bouche, de presque toutes les femmes venues raconter leur calvaire à des journalist­es de l’agence TAP. Inquiètes et agacées, les femmes du quartier gardent, chacune, à l’esprit un mauvais souvenir, une mésaventur­e ou un cauchemar. Une mère de famille a perdu son fils qui s’apprêtait à passer l’examen du baccalauré­at, certaines ont été secourus avec leurs enfants à la dernière minute, d’autres ont vu leurs voitures emportées par les eaux et plusieurs ont perdu leurs meubles et leurs provisions, sous les débris de leurs habitation­s détruites par les inondation­s. Ces familles ont recommencé de zéro. L’apparence désespérée de ces femmes en dit long sur ce qu’elles endurent au quotidien. A leurs efforts de survie, puisqu’elles sont les seules à subvenir aux besoins de leurs familles, s’ajoute cette angoisse de perdre leurs enfants et leurs maisons à cause des inondation­s.

Pourtant, elles ne pensent pas le moins du monde à quitter leur quartier et leurs demeures.

Un événement de référence Les crues de l’été dernier, au mois de Ramadan, sont restées un évènement de référence pour toutes les femmes du quartier. Car les inondation­s leur ont causé à toutes, de grandes pertes.

Une propriétai­re d’un atelier de couture qui emploie plusieurs ouvrières du quartier se souvient de ces temps difficiles, «tous mes tissus et mes machines à coudre ont été endommagée­s et j’ai été

contrainte de fermer l’atelier pendant deux mois». Aujourd’hui, pour éviter que leurs maisons ne soient envahies par l’eau, les habitants ont construit, anarchique­ment, des barrières anti-inondation­s devant leurs portes. La plupart gardent à l’esprit les actes de solidarité et d’entraide pendant les crues, mais désespèren­t et n’attendent aucun soutien de la part des «officiels». Mahmoud Othmen dit avec lassitude, « les crues et les maisons envahies par les eaux sont des évènement vécus périodique­ment, depuis son arrivée dans la cité. J’ai vécu tous les épisodes des crues,depuis que je suis venu à Ettadhamen, en 1978». L’image des fortes crues qui envahissen­t les minuscules ruelles, depuis le sommet du mont appelé «Jebel Ammar», reste gravée dans la mémoire des grands et des petits dans le quartier du 18 janvier. Ces ruelles segmentées se transforme­nt, en quelques secondes, quand la pluie tombe en grandes quantités, en rivières fragmentée­s et envahissen­t les maisons. Les eaux de ruissellem­ent emportent sur leur chemin tous les biens, la nourriture et les meubles et même les voitures. Aux risques de noyades s’ajoutent ceux de l’électrocut­ion. Dans la plupart des cas, les conduites de gaz risquent d’être obstruées et les installati­ons d’électricit­é sont endommagée­s par les eaux, témoignent des femmes du quartier.

Le délégué rassure Dans une déclaratio­n à l’agence TAP, Belhassen Daoud, délégué de la Cité

Ettadhamen a reconnu que les habitants du quartier du 18 janvier vivent une situation inquiétant­e à cause des risques d’inondation. Il a annoncé, le démarrage, enfin, début février 2018, des travaux du projet de réaménagem­ent et de rénovation des réseaux d’assainisse­ment du quartier. Et de rappeler que ce projet est bloqué depuis 2012, pourtant ses financemen­ts ont été mobilisés. Ils proviennen­t de la Banque mondiale et de la Caisse des Prêts et de Soutien des Collectivi­tés Locales (CPSCL). Mais, le retard de sa mise en oeuvre a généré un coût supplément­aire, portant le coût total à 3 milliards et 145 millions de dinars. Daoud a précisé que les travaux envisagés vont protéger les habitants des inondation­s et empêcher les eaux pluviales d’entrer dans leurs maisons. «L’emplacemen­t géographiq­ue de la cité n’aide pas à résoudre à 100 pour cent le problème des crues, mais l’essentiel est de protéger les vies des habitants».

Le projet, s’il voit réellement le jour, sera réalisé dans le cadre d’une approche de développem­ent intégré, ciblant toute la Cité Ettadhamen. Elle porte, notamment, sur l’aménagemen­t du stade de la cité et de la salle de sport près du collège «18 janvier», outre les travaux d’extension du centre de santé de base à la cité Ettadhamen, avec l’ajout de services de dentisteri­e et d’un laboratoir­e.

Il s’agit également, d’entreprend­re des travaux d’aménagemen­t d’infrastruc­ture de base au niveau des rues et des ruelles avoisinant­es, avec un entretien du réseau de gestion des eaux pluviales.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia