L'afrique entre culture et développement
Au cours du Forum de la culture et du développement organisé en marge de la dernière édition du Festival de Louqsor du film africain, le réalisateur rwandaiseric Kabera a déclaré que les scènes de tolérance dans son film 100 jours portant sur le génocide étaient les plus appréciées par le public qui a visionné le film, alors qu’il se déplaçait d’un village à un autre pour le projeter. Ce témoignage nous dévoile avec simplicité que le cinéma peut aider à remédier aux répercussions des dissi¬dences dont souffrent les populations en Afrique, et dont résultent des conflits armés qui entravent, voire stoppent tous les efforts de dévelop¬pement. Effectivement, à cause des crises qui persistent, et bien que l’afrique reste le continent le plus riche en ressources, ses habitants continuent à souffrir de la pauvreté et parfois de la faim.
Malgré la signification profonde du témoignage d’eric Kabera, la relation entre la culture et le développement n’est pas encore suffisamment abor¬dée et discutée ni au niveau égyptien, ni au niveau africain. Or, quelques études mondiales se sont intéressées à cette relation comme celle effectuée par Lawrence Harrison dans son livre Under Development is State of Mind : Case of Latin America (1985). Ce livre est le fruit d’une étude faite dans le milieu des sociétés traditionnelles en Amérique latine. Elle déduit que l’arriération est liée à des conceptions qui existent dans la pensée des socié¬tés arriérées.
Il est donc possible de comprendre pourquoi le développement trébuche dans les pays du tiers-monde à travers la situation culturelle de ses peuples. Et selon les rapports de développe¬ment humain, la culture ne permet pas seulement à l’homme de s’adapter à son environnement, mais lui facilite aussi d’adapter cet environnement à ses besoins et à ses projets. Et c’est ainsi que les opportunités deviennent plus variées dans les domaines du travail, des revenus, de la santé, de l’enseignement et des droits poli¬tiques. Etant donné que la culture procure une plateforme convenable au déve-loppement et lui donne les éléments de la réussite et de la continuité, le développement dans son sens profond offre des opportunités de développer la culture en changeant le niveau et la nature de la vie des gens, qui sont euxmêmes l’objectif et l’outil du développement. Quant au développe¬ment, qui ne mène pas à l’élargisse¬ment des choix des gens et n’améliore pas leur vie, il ne dépasse pas le fait d’être un discours idéologique qui ne mérite pas d’être discuté.
Il est évident que la culture ne peut pas à elle seule donner les résultats susceptibles de renforcer le processus de développement. Ces résultats dépendent de la capacité des sociétés à investir dans la culture au profit du développement. Et contrairement, négliger la culture constitue un obs¬tacle au développement.
Disons donc que le rôle de la culture dans le développement global est devenu axial, car l’amélioration des conditions de vie ne se traduit pas uniquement en augmentation des revenus, mais entraîne aussi une amélioration de la qualité de la vie. Et ce, par le biais d’une aspiration à de nou-velles valeurs qui permettent par exemple d’assimiler le pluralisme et la grande diversité qui existent en Afrique.
L’unesco considère que c’est la culture qui forme l’identité des hommes, donc intégrer la culture dans les politiques de développement est l’unique moyen de réaliser un déve¬loppement global et équitable axé sur l’homme.
En 2015, la culture a été pour la première fois ajoutée à l’agenda inter-national du développement continu, approuvé par l’onu. L’un des objec¬tifs de cet agenda est de mettre en place une nouvelle conception du développement, qui va au-delà de la croissance économique pour s’inté-resser à un avenir basé sur la paix et le respect de l’environnement. Cette vision audacieuse nécessite un enga¬gement créatif qui va au-delà desvisions superficielles et limitées auxquelles les pays sont habitués depuis des décennies. Par exemple, la réadaptation des bâtiments anciens et abîmés à Naplouse en Palestine a procuré de nouvelles opportunités aux agglomérations locales. Le bâtiment de Khan Al-wakala a été transformé en cour publique proposant des activi¬tés culturelles différentes. De telles initiatives octroient aux habitants de nouveaux potentiels et ressuscitent l’économie locale.
Ajoutons que le tourisme culturel représente aujourd’hui 40% des reve¬nus du tourisme mondial, ce qui se reflète positivement sur les objectifs du développement durable. Une ges¬tion sage du patrimoine culturel attire des investissements touristiques durables dont profitent les habitants sans nuire aux régions antiques. Aujourd’hui, il y a une tendance mondiale à donner la priorité au déve-loppement culturel puisque l’écono¬mie elle-même dépend de plus en plus de la pensée et de l’action intellec¬tuelle, et s’éloigne de plus en plus de l’activité manuelle. Donc, posséder un certain niveau de croissance culturelle est une condition pour relancer le développement économique.
Pour revenir au continent africain, il faut signaler que l’egypte déploie des efforts palpables pour se rapprocher de l’afrique au niveau culturel à tra-vers 2 tentatives essentielles. Premièrement, le Festival de Louqsor du film africain qui tient à garantir une interaction artistique africaine à travers le cinéma. Et deuxièmement, l’organisme égyptien du livre a publié une série intitulée « Afriqiyat » (africanités). Cette publication a pour objectif de renforcer la connaissance de l’afrique dans tous les domaines à travers la culture. De plus, les efforts positifs déployés par le Conseil suprême de la culture ont abouti à la Conférence des cultures africaines dont la dernière édition s’est tenue à Assouan.
Malgré tous ces efforts déployés par l’etat, il reste beaucoup à réaliser, dont le plus important est la coopéra¬tion avec les institutions culturelles africaines afin de restreindre les conflits. Car bâtir un chemin sur lequel sont installés un théâtre, une salle de cinéma et une bibliothèque garantit la présence de citoyens qui feront de leur mieux pour sauvegarder ces acquis. Et c’est peutêtre en sui¬vant un tel chemin que les peuples africains réaliseront le bien-être .