Le Temps (Tunisia)

La France impuissant­e face à la guerre turque contre les Kurdes

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Que la France envoie ou non certaines de ses forces spéciales déjà présentes en Syrie vers Manbij dans le but de prévenir l’offensive annoncée à grand bruit par le président turc Erdogan ne changera pas grand-chose. Confirmé par les uns, démenti par les autres, ce déploiemen­t, s’il a lieu, ne pourra être que symbolique. Manbij, une ville arabe contrôlée par les Forces démocratiq­ues syriennes (FDS), dont l’encadremen­t est principale­ment kurde, est déjà sous la protection de soldats américains depuis l’automne 2016.

Les FDS et les unités kurdes sont les alliés de la coalition internatio­nale contre l’etat islamique, dont la France fait partie depuis 2014. Elles ont pris Rakka, la capitale du « califat » syrien de l’organisati­on Etat islamique (EI). Vue depuis Paris, la poursuite de la lutte contre les djihadiste­s est un impératif de sécurité nationale. Il nécessite d’apporter un minimum de garanties politiques et sécuritair­es aux FDS, visées par M. Erdogan, qui les considère comme le prolongeme­nt, en Syrie, du Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK) contre lequel il est en guerre. La prise de l’enclave kurde syrienne d’afrin par l’armée turque et ses alliés arabes syriens a été le premier acte de la lutte à mort que M. Erdogan veut leur mener.

Un partenaire essentiel

En recevant une délégation civile et militaire, liée au FDS, jeudi 29 mars à l’elysée, Emmanuel Macron a cherché à montrer sa solidarité avec les meilleurs alliés de la France dans sa guerre contre le djihadisme. Pour Ankara, cette forme de reconnaiss­ance est totalement inacceptab­le : l’implantati­on durable d’une entité politique dominée par les FDS à sa frontière est, pour la Turquie, une menace existentie­lle.

Or la Turquie est aussi un partenaire essentiel de la France dans la lutte contre le djihadisme – en extradant les ressortiss­ants français qu’elle intercepte sur son territoire et en servant de garde-frontière à l’europe dans le cadre de sa politique migratoire. Paris cherche donc à ménager tout le monde. Dans le communiqué officiel publié à l’issue de la rencontre de jeudi, l’elysée affirme que le président de la République « a assuré les FDS du soutien de la France » et a « rappelé l’engagement de la France contre le PKK ». Pour Ankara, les FDS sont le PKK. On touche là les limites de la « diplomatie de l’en même temps » de M. Macron.

Un puissant outil de mobilisati­on

Les Etats-unis, qui cherchent à ménager leur allié turc dans L’OTAN tout en donnant des garanties à leurs partenaire­s des FDS dans la guerre contre L’EI, sont aussi confrontés à ce dilemme. Mais ils sont plus puissants – et donc craints d’ankara – et plus lointains géographiq­uement de la Turquie : les conséquenc­es d’une querelle avec M. Erdogan ne sont pas les mêmes. M. Macron a proposé ses bons offices et « souhaité qu’un dialogue puisse s’établir entre les FDS et la Turquie avec l’assistance de la France ». Il est permis de douter du succès d’une telle démarche, balayée par Ankara vendredi. Seuls un front uni et une démarche commune des Occidentau­x – Français, Américains, Britanniqu­es, Allemands, etc. – pourraient dissuader M. Erdogan de stopper sa croisade anti-kurde en Syrie.

Il y a trouvé un puissant outil de mobilisati­on d’une société turque travaillée par l’islamo-nationalis­me virulent promu par le pouvoir en place. M. Erdogan, candidat à sa propre succession en 2019, n’a aucune raison de mettre fin à une guerre qui le rend populaire. Et lui permet de réprimer ses opposants à l’intérieur du pays.

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