Ramadhan, un hôte de marque
En Tunisie, comme dans les autres pays arabes, aussi bien de nos jours que par le passé, le mois de ramadan que les fidèles tunisiens ont commencé à jeûner, dès hier, est traité comme une personne, au sens propre du terme, et assimilé à un véritable hôte de marque dont l’arrivée est attendue, chaque année, avec impatience au terme du mois de châabane. Alors, les gens représentés par une délégation de dignitaires de la localité considérée, villes et villages, sortent pour l’accueillir, cherchant des endroits particulièrement élevés afin de suivre de loin l’apparition de son cortège. C’est la cérémonie de l’observation du croissant lunaire désigné littéralement par l’accueil du mois de ramadan. Autre grande marque d’attention reflétant cette véritable personnification du mois saint, les fidèles tiennent souvent à précéder son nom du titre honorifique de Sidi (monseigneur), attribué, généralement, aux grands, comme les dignitaires ainsi qu’aux saints. Souvent, les tunisiens, notamment, mais aussi les autres peuples arabes, l’appellent Sidi ramadan, le revêtant dans le sillage de nombreux qualificatifs exaltant ses mérites propres et sa sacralité, à l’instar de « très grand », ou encore de «saint ». Mais, le plus édifiant dans cet aspect merveilleux des coutumes ramadanesques est l’utilisation de son nom, c'est-àdire ramadan, pour nommer les personnes. Ainsi plusieurs personnes portent son nom, quoique la mode, à nos jours, soit pour le choix d’autres genres de noms. Cette propriété pour ainsi dire, le mois de ramadan la partage avec les deux mois qui le précèdent dans le calendrier lunaire, à savoir les mois de rejeb et de châabane. Le mois de rejeb précède immédiatement le mois de châabane qui précède le mois de ramadan. En effet, les noms de rejeb et de châabane sont utilisés, aussi, pour nommer les personnes.
Toutefois, détail très significatif dans ce domaine, le nom de châabane , est parfois inversé en chabâane, nom qui signifie, en arabe, « rassasié » et « ayant le ventre plein », à l’opposé de l’homme soumis au devoir du jeûne et de l’abstention de manger et de boire. Un saint tunisien est connu sous le nom de Sidi Chabâane, à la ville de Sidi Bou Said.
Des tunisiens fêtent parfois le mois de châabane par l’organisation d’un véritable festin, appelé justement châabania, d’après le nom du mois de châabane, et où les convives mangent à l’excès, comme pour se rassasier définitivement ou se constituer des réserves en prévision d’un long jeûne qui les attend. Le mois de châabane passe aussi pour être le mois où les biens du monde sont partagés entre les hommes et les êtres vivants en général.
Le mois de ramadan est également le thème de très nombreuses chansons interprétées, à l’occasion, par de grands chanteurs professionnels, en Tunisie et ailleurs, notamment en Egypte, et qui sont de véritables hymnes en l’honneur de ce mois, le traitant comme une véritable sainte personne qui vient répandre le bonheur et la chance parmi les fidèles.
Interrogés, des spécialistes admettent que cette personnification et les coutumes et habitudes qui la marquent doivent avoir certainement un sens profond, signalant que la pratique du jeûne est une coutume très ancienne et très répandue, comme le confirment d’ailleurs certains versets du Coran et elle revêt plusieurs formes, à l’instar du jeûne sous la forme de l’abstention totale de parler, évoquée aussi dans la sourate de Mériem ou Marie, et qui fait partie, en quelque sorte, du jeûne de mois de ramadan à travers l’obligation faite aux musulmans de s’abstenir du dire du mal quel qu’il soit, parallèlement à l’abstention de manger et de boire.