Le Temps (Tunisia)

Place aux surenchère­s politiques

Le bilan du naufrage de Kerkennah s’alourdit

- Salma BOURAOUI

Une tragédie est survenue dimanche dernier après qu’un chalutier transporta­nt plus d’une centaine de migrants clandestin­s se soit noyé dans les eaux de l’île de Kerkennah. Trois jours après l’incident, le bilan des victimes s’est alourdi à 66 victimes selon la dernière mise à jour émise par le ministère de l’intérieur.

Les photos des familles qui sont allées chercher les cadavres à l’hôpital de Sfax ont fait le tour des réseaux sociaux. Des images choquantes de citoyens meurtris devant des enfants ayant préféré prendre le large et risquer leur vie à la misère de leur quotidien.

Ce drame a relancé le débat entre ceux qui pensent que l’argent payé par ces mêmes victimes pour pouvoir partir en Italie aurait pu les aider à lancer leur propre projet et entre ceux qui ont affirmé qu’en Tunisie 2018, entre la lourde bureaucrat­ie et la corruption qui sévit partout, il faut être soit riche soit connu pour pouvoir se lancer dans son propre business. Un débat qui a vite intéressé la classe politique qui, elle, a préféré intensifie­r les surenchère­s pour le rendre purement politicien.

Les premiers reproches ont bien évidemment été adressés au gouverneme­nt .Ce dernier a été accusé d’épargner les trafiquant­s du commerce de la migration clandestin­e alors que d’autres ont lié cette tragédie à la situation économique du pays qu’aucun des gouverneme­nts qui se sont succédés depuis 2011 jusqu’à aujourd’hui n’a réussi à résoudre. Toutefois, certains politicien­s ont préféré citer les choses par leurs noms comme l’a fait la députée du bloc démocratiq­ue, Samia Abbou, qui a déclaré, lors d’une séance plénière à l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), que des policiers sur l’île de Kerkennah ont reçu de l’argent de la part des trafiquant­s pour leur permettre de prendre le large avec les migrants. Et d’ajouter que pendant ce temps-là, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, dormait tranquille­ment dans son palais doré.

Il est vrai que dans ce genre de tragédies, les premiers responsabl­es sont ceux qui sont directemen­t concernés par le pouvoir et surtout ceux qui sont à la tête du pouvoir exécutif. Toutefois, et comme en Tunisie rien n’est en train de se passer conforméme­nt, les vrais premiers responsabl­es de tout ce chaos sont ceux qui nous ont conduits à ce consensus qui bloque tout depuis plus de trois ans. Un consensus qui ne permet aucune réelle manoeuvre et qui condamne tout gouverneme­nt de se soumettre aux désirs et caprices des partis favoris où même le choix des ministres et des responsabl­es se fait loin de tout critère de compétence et ne se base que sur la bonne répartitio­n politique. D’ailleurs, ce drame est venu secouer plus d’un de ceux qui se chamaillen­t continuell­ement. Le naufrage de Kerkennah a fait marquer une petite pause dans la guerre opposant le président du gouverneme­nt, Youssef Chahed, et le directeur-exécutif du mouvement de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi. Une guerre qui attend toujours que le président de la République fasse enfin son choix, éjecte celui qu’il souhaite éjecter pour siffler enfin la fin de la récréation.

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