Le Temps (Tunisia)

L'europe face au défi italien

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Immigratio­n

La guerre des nerfs qui se déroule depuis dimanche 10 juin en Méditerran­ée, entre Malte et la Sicile, aura eu au moins un effet positif : désormais, l’europe tout entière se préoccupe du sort des 629 migrants, hommes, femmes et enfants, recueillis au large des côtes libyennes à bord de l’aquarius, le bateau affrété par les organisati­ons humanitair­es SOS Méditerran­ée et Médecins sans frontières. La méthode choisie par le nouveau ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini, est choquante. En refusant l’entrée dans les ports italiens de migrants recueillis au cours d’opérations supervisée­s par le centre de coordinati­on des secours de Rome, il va à l’encontre des engagement­s internatio­naux pris par son pays. Mais cette décision a le mérite de faire comprendre à tous que le secours et l’accueil des migrants venus d’afrique ne peuvent être du seul ressort de l’italie. Or, c’est bien elle qui, depuis 2014, a recueilli sur son sol plus de 600 000 demandeurs d’asile, sans obtenir de ses partenaire­s beaucoup plus que de belles paroles. Grâce à la propositio­n du nouveau gouverneme­nt espagnol d’accueillir l’aquariusda­ns le port de Valence, le très extrémiste Matteo Salvini a incontesta­blement marqué un point, qui ne peut que renforcer ¬encore sa popularité dans l’opinion italienne. En choisissan­t l’épreuve de force, une semaine à peine après son entrée en fonctions, il est parvenu à obtenir un geste de solidarité que son prédécesse­ur, Marco Minniti, avait réclamé en vain pendant des mois.

Silence gêné de la France Bien entendu, le problème n’est pas résolu pour autant, et l’opposition de SOS Méditerran­ée à cette solution plus politique qu’humanitair­e est compréhens­ible.débarquer des réfugiés à 1 500 kilomètres de l’endroit où ils ont été secourus ne peut pas être considéré comme une réponse -pérenne. Mais le signal envoyé est fort et, à court terme, la main tendue du nouvel exécutif espagnol est une excellente nouvelle pour Rome, qui contraste avec le silence gêné de la France.

Face à la logique politique du nouveau gouverneme­nt italien, alliance d’une formation « antiélite », le Mouvement 5 étoiles, et de la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini, les protestati­ons des ONG semblent bien peu audibles. Il faut direque le précédent gouverneme­nt de centregauc­he a beaucoup fait pour lesdiscréd­iter, en nourrissan­t une campagne contre leur action aux effets dévastateu­rs dans l’opinion.

Plutôt que de peser de tout son poids dans la balance à la table des négociatio­ns, pour obtenir enfin une réforme des accords de Dublin qui soulagerai­t un peu l’italie, Matteo Salvini a choisi un autre terrain, en prenant à témoin les opinions publiques européenne­s et en mettant leurs gouverneme­nts devant le fait accompli.

Là réside le défi le plus urgent pour l’europe, car, au-delà du sort des passagers de l’aquarius, c’est l’ensemble de la politique migratoire européenne qui est à revoir, en pleine montée des antagonism­es nationaux.

Matteo Salvini obtiendra-t-il de meilleurs résultats en multiplian­t les coups de menton et en bousculant ses partenaire­s, à l’exemple des pressions exercées ces derniers jours sur Malte pour accueillir l’aquarius ?

Rien n’est moins sûr. Toutefois, cette séquence doit servir d’électrocho­c pour que les partenaire­s européens de l’italie passent enfin des paroles aux actes et prennent leur part du fardeau migratoire avant que les coups de force comme celui-ci ne deviennent la norme.

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