Le Temps (Tunisia)

Le Mufti appelé à trancher

Pèlerinage, libertés individuel­les et égalités

- Rym BENAROUS

Le tarif initial proposé au début du mois de juin pour le pèlerinage de cette année était de l’ordre de 11.710 DT. Une petite fortune pour des pèlerins tunisiens dont la grande majorité sont issus de milieux modestes et dont les revenus mensuels par personne n’excèdent pas, en moyenne, 1000 DT. Le coût du pèlerinage constitue donc un an de travail et de dur labeur qui sera reversé à l’un des pays les plus riches au monde.

Le tarif initial proposé au début du mois de juin pour le pèlerinage de cette année était de l’ordre de 11.710 DT. Une petite fortune pour des pèlerins tunisiens dont la grande majorité sont issus de milieux modestes et dont les revenus mensuels par personne n’excèdent pas, en moyenne, 1000 DT. Le coût du pèlerinage constitue donc un an de travail et de dur labeur qui sera reversé à l’un des pays les plus riches au monde.

Suite à la grogne générale, les frais ont été légèrement revus à la baisse et environ 213 dinars ont été déduits, une broutille en somme, mais cette mesure n’a pas semblé suffisante pour les imams qui appellent, eux, à la suspension de la saison de pèlerinage pour cette année. C’est en effet ce qu’a annoncé Fadhel Achour, Secrétaire général du Syndicat des imams, affirmant qu’un appel a été lancé au Mufti de la République pour émettre une fatwa en faveur de la suspension du pèlerinage pour cette année et ce, en signe de contestati­on face aux tarifs excessifs dus, en grande partie, aux taxes imposées par l’arabie Saoudite.

Cette mesure viserait ainsi à ménager l’économie tunisienne qui est au plus mal, surtout que les réserves en devise ont de nouveau baissé et que la Tunisie a besoin de chaque dinar pour éviter les catastroph­es à venir. Le Secrétaire général a ajouté que les sommes qui seront dépensées pour le pèlerinage devraient plutôt profiter aux Tunisiens qui vivent dans la précarité et être consacrées pour améliorer leurs situations. Ont-ils faux ? Non, quand on sait que, selon l’institut National de la Statistiqu­e, près de 1 694 000 Tunisiens vivent sous le seuil de la pauvreté et que le taux de chômage a atteint 15,4% de la population active au cours du 1er trimestre 2018. Non, quand on sait que, selon la Commission européenne, que des milliers de Tunisiens sont prêts à tout pour quitter le pays quitte à se sacrifier et à faire face, sans défense, aux dangers de la mer afin de parvenir à l’autre rive de la Méditerran­ée. Cette mesure sera-t-elle appliquée et le Mufti acceptera-t-il d’émettre une fatwa en faveur de la suspension du « hajj », ce qui représente­rait une première en Tunisie, telle est la question !

L’autre sujet sur lequel le Mufti de la République, Othmane Battikh, est appelé à trancher et à préciser sa position concerne l’épineuse question de l’égalité mais aussi celle, à moindre mesure, des libertés individuel­les. La semaine dernière, la Commission des libertés individuel­les et des libertés (COLIBE), présidée par Bochra Belhaj Hamida, remettait son rapport au Président de la République. Ce document recense toutes les lois jugées contraires à la pleine égalité entre les citoyens et discrimina­toires car basées sur des considérat­ions de genre ainsi qu’un ensemble de propositio­ns visant à ratifiant ces lois, dans un total respect de la Constituti­on de 2014.

Jugeant ce rapport indécent et portant atteinte aux valeurs et préceptes de l’islam, Noureddine Khadmi, ancien ministre nahdhaoui des Affaires Religieuse­s ainsi que d’autres membres de la Coordinati­on nationale pour la Défense du Coran, de la Constituti­on, du développem­ent et de la justice ont appelé le Mufti à sortir de sa réserve et de condamner le dit-document qui représente­rait, d’après eux, une menace pour l’identité arabo-musulmane des Tunisiens. Mercredi encore, Bochra Belhaj Hamida invitait toutes les parties concernées au dialogue et affirmait que le rapport rendu au Président de la République n’était qu’un ensemble de propositio­ns basées sur des réflexions, un long travail de recherche et des heures de discussion avec différents intervenan­ts de différents secteurs et milieux.

Elle avait affirmé que suite à la publicatio­n du rapport de la COLIBE, les portes du débat restaient grandes ouvertes pour des échanges sereins loin de l’hostilité, de l’opacité et de l’aheurtemen­t et que rien ne sera décidé de manière unilatéral­e et verticale. Le camp d’en face estime quant à lui que ce rapport est une «fetna» (Discorde)...

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